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COLLECTION Pierre PRUVOST

Troisième partie

 

 

 

1.             ABD EL-KADER, Sidi el-Hadji Ouled-Mahiddin (1808-1883) Célèbre émir algérien, engagé dans la guerre sainte contre les Français. Battu en 1843, il se livrera en 1847 au général Lamoricière - L.A.S., 1/2 p. in-4 ; Château d'Amboise, 1.X.1849. En arabe. 200/300

Message datant de sa détention à Amboise où les Français le retenaient prisonnier, certifié autographe par le cap. Boissonnet, commandant le château. L'émir prie Monsieur André «... de vouloir bien solder à M. Seillion... la somme de trois cents francs, pour fournitures de drogueries fournies à ses Khalifas et parents, Si Kaddour et Si Abd abd-el-Kader-ben-Nasser...». Avec traduction conforme à l'original arabe, émanant de l'interprète militaire attaché au château.

 

2.             ABD EL-KADER - L.A.S. avec cachet, 1/2 p. in-4 ; (Smyrne ?), 1.I.1854. En arabe, traduction jointe. 250/300

Libéré quelques mois plus tôt par Napoléon III, l'émir s'est retiré à Smyrne (Turquie), ville qu'il quittera bientôt pour aller établir sa résidence définitive à Damas.

Il n'a pas oublié ses bienfaiteurs français et adresse à l'un d'eux, le comte de Nollent, cette très jolie lettre de voeux pour la nouvelle année : «... que Dieu tout puissant vous accorde une parfaite santé, ainsi qu'à votre noble épouse... Vos bontés sont comme celles de Dieu à ses sujets ; aussi je vous en serai éternellement reconnaissant...».

 

3.                ACUPONCTURE - Deux L.A.S. de Georges SOULIÉ de MORANT (1878-1955), diplomate et sinologue, l'un des grands pionniers de l'acuponcture en France, 4 pp. in-4 et in-8 datées 21.III.1936 et 2.II.1940. Autographe rare. 300/500

Soulié de Morant, qui déplore le retard apporté à la publication du premier volume de son ouvrage remis six mois plus tôt, souhaite attirer l'attention de Monsieur Bernard - le successeur de l'éditeur Vallette, semble-t-il - sur l'importance de son «... grand Traité en quatre volumes...» faisant suite à son Précis d'acuponcture paru dans le Mercure de France : «... L'acuponcture est aujourd'hui exercée en consultation spéciale dans 4 hôpitaux parisiens : St-Louis, Léopold-Bellan, Hahnemann, St-Jacques. Et si elle ne l'est pas dans d'autres hôpitaux, c'est que je n'ai pas les moyens de donner à cela tout mon temps, car on m'a demandé de l'enseigner à Broussais et à St-Louis...».

Ses travaux et son Précis ont désormais répandu l'acuponcture à l'étranger : «... A Shangaï même, en Chine, l'Université d'Etat... a ouvert une chaire... en se basant sur mon Précis. Des médecins étrangers l'ont étudié sur mon Précis et l'appliquent... Or le retard apporté à la publication de mon 1 er volume fait du tort à la science française...», etc.

En 1940, le second volume du Traité est enfin prêt, mais personne ne veut le publier : «... Qui diable pourrait nous aider... ? Une souscription ? Surtout adressée aux acheteurs du 1er vol., qui m'écrivent tous pour réclamer la suite ?...», etc.

Intéressante documentation relative aux débuts de l'acuponcture en France. Soulié de Morant, qui avait découvert l'efficacité de cette méthode thérapeutique à l'occasion d'une terrible épidémie du choléra alors qu'il était consul en Chine, s'appliqua à en diffuser les règles dans le monde occidental.

 

4.                AGUESSEAU, Henri-François d' (1668-1751) Chancelier de France et garde des sceaux, légiste précurseur du Code civil, adversaire de Law et du cardinal Dubois - L.A.S., 1 1/2 pp. in-8 ; «Mardy 21 fév., 10 h. du soir» [1713]. Ex-collection Villenave. 200/250

En tant que procureur général du Parlement, D'Aguesseau s'adresse à Guillaume de LAMOIGNON (1683-1772), avocat général, pour lui faire part de l'évolution de l'affaire et du procès relatif à un ouvrage du Père jésuite Joseph de JOUVENCY (1643-1719). Suite à une importante rencontre chez le Premier Président, dont il remet «... à demain le récit qui serait trop long par écrit et à l'heure qu'il est de tout ce qu'il nous a dit...», le procureur demande à Lamoignon de se trouver «... demain à sept heures au Palais. Il s'agit de finir l'affaire du livre du P. Jouvency suivant les instructions du Roy, que S. M. [Louis XIV] a expliqué cet après-dinée à Mr le P. P.t et de prendre les mesures convenables...», etc.

 

Au début du XVIIIe siècle, les jésuites, adversaires du Jansénisme, voyaient leur influence politique devenir suspecte à divers gouvernements de l'époque. Ils seront expulsés de France en 1764.

 

5.             ALLAIS Alphonse (1854-1905) Ecrivain à l'humour proverbial, ami de Maupassant et de Sarah Bernhardt. Co-fondateur du Chat Noir, il manifestait à jet continu son attrait pour l'absurde et la mystification - L.A.S., 1 p. in-8 ; «Villa Normande - Honfleur». 150/200

A son ami Huret, directeur du Journal, pour solliciter avec un humour délicieux un petit encart publicitaire en faveur de la Pantomime qu'il est en train de monter au Havre. «... Bien que je n'ignore point... que ton organe ne s'attarde pas à l'annonce d'aussi menues manifestations, tu pourras... offrir un strapontin à la ligne suivante : Les Folies Bergères du Havre répètent en ce moment une pantomime de notre spirituel confrère... Titre : Le Tube de Maître Godreuil. La voilà bien la décentralisation artistique...» !

 

6.                ANGOULÊME, Marie-Thérèse de Bourbon, duchesse d' (1778-1851) Fille de Louis XVI et de Marie Antoinette, comme eux enfermée au Temple en 1792, elle fut échangée en 1795 contre les commissaires français livrés aux Autrichiens par Dumouriez. Dite «Madame Royale», elle épousa le fils aîné de Charles X, dernier Dauphin de France - P.S. «Marie Thérèse», 1 p. in-folio obl. ; «Au Château des Tuileries», 31.XII.1825. Parchemin. Sceau. 200/300

La princesse accorde à la veuve d'Eustache Ildephonse Brunel «... une pension annuelle et viagère de Huit cent francs sans retenue...» en récompense des «... services que Lui a rendus le dit Sr Brunel, comme Secrétaire de la chambre de Son Altesse Royale...».

 

7.                ANTOINE André (1858-1943) Acteur, metteur en scène et directeur de théâtre qui domina le monde du spectacle français durant un demi siècle - Deux L.A.S., 3 pp. in-8 ; Pornichet et Paris, 1889/1890. Une pièce défraîchie. 150/200

A un auteur dramatique dont Antoine ne peut monter la «... si émouvante scène : Une agonie. Vous savez combien on m'a reproché de donner dans le macabre... et il faut que je ménage les nerfs des gueux imbéciles...». Ce ne sera cependant que partie remise, car la pièce lui semble fort originale «... et dans la mélancolie noire qui s'en dégage, j'ai cru voir monter des souvenirs...», etc.

En 1890, l'acteur se dit «... au vert, en train de lire des manuscrits...» et constate avec regret le peu d'enthousiasme qu'il rencontre dans les gens qui l'entourent.

 

8.                APOLLINAIRE Guillaume (1880-1918) Poète et littérateur français né à Rome de parents italo-polonais. Esprit curieux, à la tête de toutes les avant-gardes de son temps - Manuscrit autographe, 11 1/2 pp. in-folio ; vers 1908. Quelques imperfections aux marges effrangées. 5000/6000

Manuscrit autographe du début d'un roman érotique, vraisemblablement écrit par Apollinaire à un moment où il s'intéressait à Sade dont il publia en 1909 un texte qui contribua largement à la «normalisation» de l'œuvre du «divin» marquis.

«Les raisons qui m'ont déterminé à écrire des mémoires sont : qu'il est de mode de les écrire et que cela me distrait. Je n'en publierai rien de mon vivant et ne chargerai aucun ami de les publier après ma mort. Mon manuscrit deviendra ce qu'il pourra, tandis que son maître pourrira...». Ainsi commence ce roman érotique - édité pour la première fois dans la Pléïade (pp. 959-965) - où le héros narrateur, jeune aristocrate né en 1735 dans un petit château de Provence, évoque sa formation reçue sous la férule d'un précepteur fantasque, et son éveil à l'amour dans les bras d'une belle châtelaine voisine !

«... Je naquis dans un petit château... [qui] n'avait de seigneurial que le nom, il n'était réellement qu'une vaste maison... Mes parents... ni très riches ni d'une très grande noblesse... se targuaient de tenir... à d'illustres maisons et disaient mon cousin en parlant du duc de M. ... ou du comte de S. ...». Sa mère, femme très croyante, voyagea beaucoup d'une chapelle à l'autre pour vaincre sa stérilité «... où des Madones certifiaient la grossesse aux pieuses donatrices...». Né dans un monde de superstition, à sept ans son éducation fut confiée à un précepteur amoureux des Poètes antiques, grecques et latins, de Villon, de Ronsard et sa pléïade...

Le jour vint où le précepteur proposa à son jeune élève une promenade à cheval jusqu'au château voisin où vivait une noble veuve de 35 ans dont la conduite, disait-on, «... était un scandale pour le pays...». S'étant introduits dans la demeure de la dame, la «marquise D.», grâce à une excuse trouvée par le maître, l'élève s'intéressa très vite à cette «... femme admirable et désirable...» dont Apollinaire nous fait un portrait détaillé.

Profitant d'une brève absence du précepteur, l'élève tenta une première approche qui se résuma en un simple baiser «... sur la bouche. Elle se retira vivement en m'appelant : Fripon ! Mais j'avais senti qu'elle m'avait rendu mon baiser... J'étais en feu...» ; il fut convenu d'un nouveau rendez-vous où le jeune homme se rendrait seul. Revenu au château quelques jours plus tard, ce qui devait se produire arriva : «... dès que nous fûmes seuls, Madame D. manœuvra fort bien et je ne fus pas gauche non plus puisque au bout d'un quart d'heure nous étions tous deux presque nus, elle pâmée et moi cueillant pour la première fois les myrtes de l'Amour...», etc.

 

9.                APOLLINAIRE Guillaume - C.A.S., in-12 obl ; [Berlin, 17.I.1913]. Défraîchie. 250/300

Bref message amical écrit au dos d'une carte illustrée (Palais du Reichstag) adressée à son ami parisien Marc BRESIL.

Rappelons que depuis 1911, la Joconde de Léonard avait disparu du Louvre ; suite à cela, Apollinaire avait été incarcéré durant une semaine avant d'être innocenté. Le chef-d'oeuvre n'allait être retrouvé qu'en 1913.

Belle signature «Guill. Apollinaire».

 

10.                BANVILLE, Théodore de (1823-1891) Poète, disciple de Théophile Gautier, il prôna le culte de la beauté et fut un précurseur des Parnassiens - Manuscrit autographe signé, 1 p. in-4 ; vers 1855. 1000/1200

Belle feuille d'album où le jeune poète nous livre douze des plus beaux vers de son Ode «A Jules de Prémaray». Il s'agit des deuxième et quatrième strophes, cette dernière comportant d'importantes variantes par rapport au texte imprimé dans «Odelettes».

 

«O mon ami, c'est déjà vieux !

Depuis dix ans, les envieux,

Acharnés sur la même lime,

Ensanglantent leurs yeux ardents,

Et viennent se briser les dents

Contre l'acier pur de ma Rime.

.......................................................

Mais, fleurissez, roses et thym !

Comme ces lueurs du matin

Qu'enveloppent en vain des voiles,

O symboles de mes amours !

C'est vous seuls qui vivrez toujours,

Strophes, rosiers, printemps, étoiles !»

Les recueils des «Odelettes» (1855) et des «Odes funambulesques» (1857) apportèrent la consécration à Théodore de Banville ; ils marquèrent, dans sa poésie, une évolution vers plus de souplesse et de charme.

 

11.                BARBEY D'AUREVILLY Jules (1808-1889) Romancier, polémiste virulent et dandy fasciné par l'étrange et le satanique - L.A.S. à l'encre rouge, 1 p. in-12 ; [Paris, 1883 ?]. Adresse autographe au verso. Pièce jointe. 300/400

Lettre-télégramme à Madame C. Coignet : «... Impossible de vous voir avant samedi, - mais samedi, je romprai ma corde pour vous arriver à 5 heures...».

Joint : Intéressante L.A.S., 2 1/2 pp. in-8 d'Octave UZANNE (1852-1931), entièrement consacrée à un livre («L'homme et l'œuvre») qu'il projette d'écrire sur Barbey d'Aurevilly et qui sera édité par le Mercure de France : «... Je crois que je ferai un ouvrage vivant et panaché comme l'homme que je prétends pourtaire, ainsi que le Dernier capitan du plus truculent romantisme...». Son travail comportera des portraits originaux gravés, des clichés et documents inédits. «... Je le ferai par chapitres légers,... alertes, documentés, amusants... tirage à 600 Ex. in-8...». D'après Gourmont, l'ouvrage serait déjà accepté, etc.

 

 

12.                BARRAS Paul (1755-1829) Conventionnel et régicide, ancien officier, il prit une part importante au 9-Thermidor et, nommé Directeur, il personnifia le gouvernement républicain de l'avant Bonaparte - L.S., 1 p. in-4 ; Paris, 14.X.1796. En-tête du Directoire Exécutif. 200/300

Membre du Directoire depuis 1795 (il en deviendra son Président deux années plus tard), Barras exerce déjà, ainsi qu'en témoigne cette missive, une forte influence sur la politique post-révolutionnaire française. Responsable du ministère de l'Intérieur et de la Police générale, il «invite» un confrère ministre à satisfaire la demande du citoyen Raymond Walz qui depuis «... l'installation du Directoire... est auprès de moi et j'ai tout lieu d'être content... Je désirerois beaucoup qu'il put continuer son service dans son grade...», etc. Texte vraisemblablement de la main de Raymond Walz.

 

Une note tracée dans la marge gauche nous apprend que le ministre, destinataire de la missive, «... désire que l'affaire soit expédiée tout de suite...».

Connu pour ses liaisons avec Joséphine et Madame Tallien, Barras semble avoir été aussi intéressé par d'autres amitiés plus particulières...

 

13.                BARRÈS Maurice (1862-1923) Ecrivain et homme politique, il a joué un rôle primordial dans le Boulangisme, l'affaire Dreyfus et l'Union sacrée - Trois L.A.S., 4 pp. in-8 et in-4 ; vers 1890/1922. Photo dédicacée jointe. 150/200

Missives à divers correspondants.

De retour de Belgique, Barrès a aussitôt envoyé l'article au Figaro : «... Il vaut ce qu'il vaut, c'est-à-dire qu'il est... pour vous et pour moi. J'ai senti une gêne incroyable... Vos articles étaient commentés par les Belges que je vis en toutes villes...». Allusion au suicide du général Boulanger (mort à Bruxelles le 30.IX.1891).

En 1922, il remercie un duc pour l'envoi de La Vie Errante, ouvrage «... que Son Altesse Royale me fait l'honneur de m'offrir...». A son tour, il accompagne sa lettre d'un «... petit livre que je viens de publier...».

Enfin, dans sa lettre datée «12, rue Legendre... Vendredi», il accepte de rencontrer Monsieur Lods.

On joint un beau portrait signé (Profil, cliché Gerschel, cp) ; vers 1905.

 

14.                BASSOMPIERRE, François II de (1579-1646) Maréchal de France, ambassadeur en Espagne, en Suisse et en Angleterre. Enfermé à la Bastille en 1631 sur ordre de Richelieu, à la suite de son mariage secret avec la princesse de Conti, il ne recouvra sa liberté qu'à la mort du cardinal. Auteur d'importants Mémoires - L.A.S., 1 p. in-folio ; Tillières, 2.III.1643. Adresse et petits cachet sur la IVe page. 800/1000

Magnifique et rare missive, entièrement autographe, relative à la maladie du roi LOUIS XIII ; adressée au comte de Chauvigny, elle fut écrite par Bassompierre peu après sa libération. «... Ce n'a pas seulement esté par le bruit de la campagne que j'ay apris la maladie du roy mais ancore par lettres de Paris quy me l'ont confirmé...», relève le maréchal qui s'est donc décidé à adresser une lettre au souverain «... pour Luy tesmoygner non seulement mon apréhension passée, mais aussy ma présente joye du recouvrement d'une santé quy me sera touiours sans comparaison plus chère que ma vie, quy est bien rigoureusement traittée de la mauvaise fortune...», etc.

Louis XIII allait mourir le 4 mai suivant. A noter que Léon BOUTHILLIER, comte de Chauvigny (1608-1652) avait été l'un des agents les plus dévoués de Richelieu, l'ennemi juré de Bassompierre !

 

15.                BAVIÈRE, Caroline de Bade, Reine de (1776-1841) Femme de l'Electeur Maximilien IV, premier roi de Bavière dès 1806 par volonté de Napoléon Ier - L.A.S., 1 p. in-8 ; Munich, 8.I.1824. 150/200

Charmant message d'une «Grande tante et Marraine» à une jeune fille, nouvelle venue dans la famille : «... Je vous écris avec un double plaisir, ma chère Lina, depuis que j'ai celui de Vous connoitre. Recevez mes remerciemens... Je vous souhaite aussi tout le bonheur possible... Embrassez Alexandre bien tendrement pour moi...».

Caroline avait été une seconde mère pour la princesse Amélie-Auguste de Bavière, l'épouse d'Eugène de Beauharnais ; la première femme de Maximilien IV était en effet décédée en 1796, laissant des enfants en bas âge.

 

16.                BAZAINE Achille (1811-1888) Maréchal de France. Accusé d'avoir trahi lors de la capitulation de Sedan, il sera condamné à mort, peine commuée en détention au fort de Sainte Marguerite d'où il s'évadera assez facilement pour finir ses jours misérablement à Madrid - L.A.S., 2 pp. in-8 ; Madrid, 8.VI.1877. Pièce jointe. 200/250

Curieuse lettre, portant la mention «confidentiel», où Bazaine sollicite l'aide de sa correspondante, la marquise de Talhuet, dans «... un moment très difficile pour moi, par suite des derniers événements survenus au Mexique, qui nous privent d'une forte partie des ressources que ma belle mère avait dans ce Pays...». Il ne possède lui-même aucune fortune personnelle et compte sur la sympathie de la Marquise «... pour une grande infortune imméritée... Je me suis adressé à vous parce que votre coeur est généreux...», etc.

Joint : reçu signé par le banquier parisien Santos qui, en date du 21 juin 1877, déclare avoir eu «... de Monsieur Vannetelle la somme de Cinq cents francs pour faire remettre à Monsieur le Maréchal Bazaine...».

 

 

17.                BEAUHARNAIS, Amélie-Augusta de Bavière (1788-1851) Femme du prince Eugène, fille du roi Maximilien Ier - L.S., 1/2 p. in-4 ; Eichstadt, 31.VIII.1822. 150/200

Après la mort de Napoléon Ier, l'un de ses fidèles compagnons à Sainte-Hélène, le valet de chambre Louis MARCHAND, avait fait parvenir à l'ancienne vice-reine d'Italie des médaillons (renfermant vraisemblablement des souvenirs de l'Empereur). «... très touchée de cette attention...», Amélie-Augusta lui répond ici qu'elle a chargé le baron Darnay de lui remettre de sa part «... une boîte d'or comme un témoignage de ma satisfaction et du prix que je mets à votre envoi...».

 

18.                BERGSON Henri (1859-1941) Philosophe et écrivain réputé, prix Nobel de littérature en 1927 - P.A.S., 1 p. in-12 obl. ; Paris, 24.III.1913. 100/150

«Réponse à une demande d'autographe. - Demander un autographe, c'est croire qu'on peut faire tenir en quelques mots une pensée juste. Je crains que la vérité n'ait pas cette simplicité . - H. Bergson...».

 

19.                BERGSON Henri - Six autographes (L.A.S. + 5 cartes autographes) ; Paris, 1923 et 1929 ou sans date. Enveloppe. 200/250

Dans sa lettre de 1923, Bergson se dit très touché par l'invitation d'un confrère qui lui propose de présider la séance inaugurale de la C.T.I. Il aurait accepté avec grand plaisir s'il n'était «... surchargé de travail et, de plus, extrêmement fatigué... Depuis plusieurs mois je n'ai pas pu me donner une demi journée de vacance ; je travaille dimanches et fêtes ; je suis à bout de forces...», etc.

Les cinq billets, qui comportent chacun de longs messages autographes, sont adressés à divers destinataires (Gabriel FAURE, Maurice MAGRE, etc.) et concernent l'envoi d'ouvrages appréciés par Bergson : les Heures d'Italie, «... un très beau livre... qu'il goûte profondément, et qu'il va relire dans l'édition définitive...» ; La Poursuite de la Sagesse, «... où il y a tant d'idées intéressantes, avec un si vif sentiment de mystère qui enveloppe les êtres et les choses...» ; ou encore cet ouvrage de M. Maigre, «... si vivant sur le Bouddisme, où le philosophe, à quelque doctrine qu'il se rattache, trouvera ample matière à méditation...», etc.

 

20.                BERNADOTTE Charles Jean-Baptiste (1763-1844) Ministre, maréchal d'Empire, prince de Pontecorvo, roi de Suède - L.S., 2 pp. in-folio ; Paris, 6.VIII.1799. Adresse et marques postales. En-tête imprimé avec petite vignette des Armées de Terre. 250/300

En tant que ministre de la Guerre, Bernadotte fait savoir aux Commissaires de la Trésorerie Nationale qu'un Payeur dans les quatre départements réunis est inutile car il s'en trouve déjà un «... près les armées du Danube, du Rhin et des Alpes... L'économie et la régularité semblent s'opposer à cette mesure... D'un autre côté, je ne vous cacherai pas que je désire pour le bien de la chose que votre choix tombe sur le C.en Montanier pour la place de Payeur près l'armée du Rhin. Sa nomination sera d'ailleurs agréable au Général en chef et à l'armée...».

Le général MOREAU venait d'être nommé (5.VII.1799) commandant en chef de l'armée du Rhin à la place de Bernadotte, devenu ministre de la Guerre le 3 juillet précédent.

 

21.                BERNADOTTE Charles Jean-Baptiste - Pensée autographe, signée de son paraphe, 1/2 p.in-4 ; (Stockholm, 7.VIII.1829). Pièce jointe. 500/600

Le roi de Suède et de Norvège (5.II.1818) Charles XIV Bernadotte trace ces quelques lignes pour la comtesse de Montalembert : «L'univers est la patrie des Braves. Agrippa fut adoptée par Auguste. L'on entre dans la famille des Rois à la suite de grandes actions ; pour s'y maintenir il faut en faire des bonnes...».

Ces quelques lignes, résumant la pensée du fondateur de la dynastie régnant encore de nos jours en Suède, fut offerte, comme le précise une note annexe au manuscrit, à la comtesse de Montalembert au moment de son départ pour Paris, le 7 août 1829 ; elles accompagnaient l'ensemble des discours du roi imprimé et «superbement relié».

 

22.           BERNIS, Fr.-Joachim de (1715-1794) Cardinal, homme d'Etat, diplomate au service de Louis XV et favori de la marquise de Pompadour - L.A.S., 2 pp. in-4 ; Albano, 15.XI.1781. 350/400

Le cardinal de Bernis recommande chaudement au ministre d'Etat Maurepas le Sieur Du Theil qu'il apprécie beaucoup et voudrait voir devenir Secrétaire des Commandemants du Dauphin, place «... occupée par son père et qu'il est en estat de... remplir, par ses connoissances, ses talents et sur tout par ses sentiments et ses principes...».

De l'union de Louis XVI et de Marie-Antoinette, était né, le 22 octobre 1781, le dauphin Louis-Joseph-Xavier-François, qui allait décéder peu avant les débuts de la Révolution. Quant à Du Theil, royaliste convaincu, nous le retrouverons en 1796 en Angleterre où, comme agent du comte d'Artois, il obtiendra des crédits anglais pour créer en France des agences royalistes afin de préparer les élections législatives.

 

 

23.           BLANC Louis (1811-1882) Historien, réformateur social et homme politique - L.A.S., 1 p.in-8 ; Paris, 7.I.1840. En-tête de la Revue du Progrès. Adresse. 150/200

A l'écrivain Gustave Le Brusoys, dit DESNOIRESTERRES (1817-1892), pour lui signifier que ses articles ont certes des qualités mais que les arguments traités ne conviennent pas à sa revue : «... Si vous désirez connaître ma pensée, j'y ai trouvé un style élégant et pur, des détails gracieux et de la sensibilité. Mais votre talent me paraît s'être exercé sur des sujets un peu minces... et qui ne présentent pas... assez d'importance pour trouver place dans la Revue...», etc.

Homme droit, généreux et idéaliste, Louis Blanc publiera en 1840 sa fameuse brochure sur l'Organisation du travail (réunion d'articles parus dans sa Revue) qui fera de lui l'une des figures en proue du mouvement socialiste.

 

24.                BLANCHE Emile (1820-1893) Médecin psychiatre. Gérard de Nerval fut maintes fois interné dans sa clinique. Plus tard, ce sera Maupassant qui, devenu fou, échouera dans la maison de santé d'Auteuil dirigée par le docteur Blanche et où il mourra le 6 juillet 1893 sans avoir jamais recouvré la raison - L.A.S., 1 p. in-8 ; Paris-Auteuil, 26.XII.1891. En-tête à son adresse. Rare. 400/500

Le retard apporté à la réponse concernant le protégé de Monsieur de Wyzewa vient du fait qu'Emile Blanche attend toujours «... une bonne nouvelle à vous donner. Hélas ! Je n'ai rien trouvé..., mais je ne me décourage pas. Dites lui de revenir me voir un de ces matins...», etc.

C'est précisément durant cette année 1891 que la folie s'était déclarée en Maupassant ; après une tentative de suicide, l'écrivain allait être confié aux bons soins du célèbre aliéniste.

 

25.                BONAPARTE Jérôme-Napoléon (1822-1891) Fils du roi Jérôme, le plus jeune frère de Napoléon Ier. Surnommé Plonplon, il fut l'héritier de la couronne impériale jusqu'à la naissance du fils de Napoléon III - L.S. «Votre affectionné - Napoléon (Jérôme)», 1 p. in-8 ; Paris, 29.I.1879. Pièce jointe. 100/150

Le 1er juin 1879, l'héritier du trône impérial, le prince Napoléon-Louis, avait été tué dans une embuscade tendue par les Zoulous. Plonplon se retrouve ainsi au premier rang des Bonapartistes, lesquels lui préfèrent cependant son fils, le prince Victor-Napoléon. Par ce court message à Monsieur Giraud, le prince Jérôme-Napoléon transmet certains renseignements relatifs à un individu corse ayant regagné son île «... depuis deux mois. Je vais lui écrire...».

Joint : Jolie L.A.S., 1 p. in-8 sur papier à en-tête (chiffre couronné), de son fils, le prince Victor-Napoléon BONAPARTE (1862-1926), où il est question de la santé de «Sa Majesté», vraisemblablement l'impératrice Eugénie.

 

26.                BONAPARTE Joseph (1768-1844) Frère aîné de Napoléon Ier qui lui donna le royaume de Naples, puis celui d'Espagne - L.A. (minute), 2 pp. in-folio ; Parme, 10.VIII.1797. En-tête imprimé avec bellevignettegravée. 200/300

«Le Résident de la République Française près Son A. R. l'Infant Duc de Parme...» transmet au comte Ventura, ministre du duc, une réclamation en faveur de deux malheureux emprisonnés qui ont servi l'armée française et auxquels des subalternes ont enlevé «... leurs passeports et quelque argent... C'est à votre Excellence à qui je m'adresse pour que les lois et les intentions de S. A. R. ne soient frustrées au détriment des deux exposans...».

Brouillon entièrement autographe du futur roi d'Espagne - débutant alors dans la diplomatie - qui s'adresse ici avec beaucoup de déférence à un ministre du duc Ferdinand de Bourbon-Parme, cousin des rois Ferdinand Ier des Deux-Siciles et de Charles IV d'Espagne auxquels Joseph Bonaparte allait usurper les royaumes. Joseph allait être le premier à bénéficier de la montée en puissance de Napoléon.

 

27.                BONAPARTE Joseph - L.A.S., 1 p. in-4 ; «Au Camp d'Outreau» (Pas-de-Calais), 13.VI.1806. 200/300

Joseph, nommé Grand Electeur lors de la proclamation de l'Empire (18.V.1804), puis Sénateur de droit (19.VIII.1804), est en visite au Camp de Boulogne d'où il répond à une lettre reçue de son «Cher Oncle» (le cardinal Fesch) lequel, profitant des nouveaux pouvoirs attribués à son neveu, s'était empressé de lui faire parvenir une liste de «... nombreux recommandés...» !

«... Je me rappellerai...», lui écrit le futur roi d'Espagne, avant d'ajouter : «... Dites bien des choses de ma part au général MARMONT, son amitié pour moi est vieille et inaltérable... J'ai vu BERNADOTTE avant hier ici ; il est parti...», vraisemblablement pour se rendre à Hannovre, ville dont Napoléon l'avait nommé gouverneur. Etc.

En tant que «premier prince du sang» depuis la proclamation de l'Empire, le 18 mai 1804, Joseph aurait dû signer de son seul prénom. Il est curieux que cette lettre porte encore la signature républicaine, «J. Bonaparte» !

 

28.                BONAPARTE Joseph - L.A.S. «Joseph», 1 p. in-8 ; New York, 29.VI.1831. Adresse et restes d'un cachet de cire rouge. 350/450

Au comte MIOT de Mélito (1762-1841), ancien ministre de l'Intérieur à Naples sous le roi Joseph Bonaparte, qui avait suivi ce dernier en Espagne avec le titre d'intentant de sa maison.

Monsieur Poinset, porteur de la lettre, est «... un ami sûr, un homme prudent...» en qui on peut avoir toute confiance, précise Joseph ; il a été employé «... dans les affaires les plus délicates de son pays...» et son dernier poste fut celui d'ambassadeur au Mexique. Miot pourra donc prêter une oreille très attentive à ce que Poinset dira et lui confier ce qu'il voudra, considérant toutefois que «... sous peu de temps... il compte quitter l'Europe en aoust prochain...».

Après Waterloo, Joseph Bonaparte vécut aux Etats-Unis sous le nom de comte de Survilliers ; il alla ensuite s'installer à Londres (1832) et acheva paisiblement ses jours à Florence. Cette lettre se situe peu avant son départ définitif des Etats-Unis et Monsieur Poinset fut peut-être chargé de préparer le retour en Europe du vieux roi.

 

29.                BONAPARTE Louis (1778-1846) Frère de Napoléon Ier, roi de Hollande de 1806 à 1810. Père de Napoléon III - L.S., 1 p. in-4 ; Paris, 4.VIII.1804. 200/300

Il recommande chaudement au maréchal BERTHIER, ministre de la Guerre, un officier tombé malade par suite de ses blessures, auquel on a retiré un tiers de son traitement alors même qu'il se trouve dans la misère. Louis réclame pour lui son congé de retraite définitif.

Comme son frère Joseph, Louis avait reçu de Napoléon un titre de grand dignitaire (connetable d'Empire) le 18 mai 1804, Bien que membre de la famille impériale, il fait encore usage ici de sa signature républicaine.

 

30.                BONAPARTE Lucien (1775-1840) Le plus doué des frères de Napoléon Ier. Après avoir aidé ce dernier lors du coup d'Etat du 18-Brumaire, il se brouilla avec lui à cause de l'indépendance qu'il démontra en épousant la veuve Alexandrine de Blechamp. Prince de Canino par la volonté de Pie VII - Deux L.S., 2 pp. in-4 ; Neuilly, 29.V.1802 et Paris, 24.VIII.1803. Une pièce avec bel en-tête imprimé («Le Sénateur Lucien Bonaparte») etvignette. 200/300

A Jean DE BRY (1760-1834), seul survivant des plénipotentiaires de Rastadt, nommé depuis préfet du Doubs par Napoléon. Lucien Bonaparte remercie le «... citoyen Préfet des choses obligeantes que Vous me dites... Je voudrais bien pouvoir satisfaire de suite à l'empressement que vous marquez de voir placer convenablement le c.n Rivoire...».

Nous sommes en 1802 ; l'année suivante, grâce à l'intervention de Fourcroy - l'homme auquel revient le mérite d'avoir jeté les bases de l'Université impériale - la demande de Debry sera exaucée.

 

31.                BONAPARTE Lucien - L.A.S., 1 p. in-4 ; Paris, 16.IX.(1802 ?). 150/200

Revenu d'Espagne en mars 1802, Lucien Bonaparte a repris sa place au Tribunat où il fait voter les deux grands projets sur le Concordat et la Légion d'honneur. En automne, de retour de la campagne, il répond à la missive de Madame Lethière, femme du peintre guadeloupéen, lui promettant de veiller à l'établissement de sa fille Eugénie. Il sollicite aussi des nouvelles de son époux, l'artiste Guillaume Guillon, dit LETHIÈRE (1760-1832), qui avait suivi Lucien en Espagne en 1800 où celui-ci avait été envoyé par Napoléon comme ambassadeur auprès de Charles IV.

Lors de son séjour dans la péninsule ibérique, Lethière avait été chargé de constituer une collection de peintures espagnoles pour le futur prince de Canino. Lorsqu'en 1804 ce dernier fut exilé à Rome, il usa de tout son crédit pour faire nommer le peintre, qu'il aimait beaucoup, directeur de l'école de Rome, chose qui ne se réalisa qu'en 1811. L'artiste, qui garda son poste jusqu'en 1822 eut pour élève Ingres, lequel occupera sa place de 1834 à 1841.

 

32.                BONAPARTE Lucien - L.S., 1/2 p. in-4 ; Paris, 28.IX.1802. Adresse. 100/150

«Au C.n J.n Debry, Préfet à Besançon» (1760-1834, le seul survivant des plénipotentiaires de Rastadt en 1799), pour l'assurer qu'il interviendra «... avec plaisir auprès du Premier Consul... pour l'engager à vous accorder cette année la même gratification qui l'année dernière porta votre traitement à vingt-deux mille francs...».

 

33.                BONAPARTE Lucien (Une nièce de) - L.A.S. de Marie Bonaparte-WYSE (1833-1902, femme de lettres à la vie aventureuse !), 1 p. in-8. Deux pièces jointes. 200/300

A son éditeur. «... Je vous ai renvoyé les épreuves parfaitement corrigées, par Mr Mathoul... en qui j'avais toute confiance... Veuillez... en faire tirer d'autres et les envoyer chez Mr Tony Révillon...», etc.

Joint : Deux faire-part du troisième mariage, en 1863, de Marie Letizia Bonaparte-Wyse, alors «Comtesse Vve de Solms-Laubach-Laubenheim», avec Urbano RATTAZZI, député italien et futur Premier ministre.

 

34.                BONAPARTE Pauline (1780-1825) Princesse Borghèse, duchesse de Guastalla, seconde soeur de Napoléon Ier. D'une grande beauté, sa vie fut marquée par ses amours et ses moeurs légères - L.S., «addio P.», avec six lignes autographes, 2 1/4 pp. in-8 ; Pise, 18.XII.1822. Adresse. 250/350

Pauline vit désormais en Italie, dans ses propriétés toscanes et romaines ; sa santé se détériore et sa situation financière est sur le point de devenir désespérée... Elle écrit à son homme d'affaires, l'avocat romain Vannutelli, à propos de la vente de sa collection d'opales - qu'elle s'était déjà proposé de céder pour venir en aide au captif à l'île d'Elbe - se plaignant de la rapacité des marchands qui profitent de sa détresse. Elle s'inquiéte aussi de la santé de sa mère, Letizia Ramolino, réfugiée à Rome, évoque un malentendu survenu entre elle et son frère, le roi Jérôme, etc.

«... mi dite che Arceri darà forse 4 mila francesconi degli Opali... è poco per una così bella collezione... Li ho pure ricusati all'Imperatrice d'Austria (!) per 4 mila e 5 cento francesconi, che tutta Roma lo sa. Malgrado questo, voglio realizzare e ve li manderò. Vi ringrazio, caro Vannutelli, della vostra buona volontà per il viaggio di Parigi, difatti è una cosa molto essenziale, perchè si tratta di cose molto vistose...». Elle exige qu'on lui dise toute la vérité sur la santé de sa mère, se plaint du froid qui sévit à Pise («... Quà fa un freddo orribile...»), avant d'ajouter quelques lignes de sa main : «... Vi raccomando la mia Villa e darmi nuove di mia madre ; quà è fredo e triste il paese. Mr Vacca [son médecin] va a darmi un regime e io farò tutto per la mia salute che soffre veramente molto. Addio...».

 

35.                BONAPARTE-DEMIDOFF Mathilde (1820-1904) Fille du roi Jérôme. Demandée d'abord en mariage par son cousin le futur Napoléon III, elle épousa en 1840 le prince russe Anatole Demidoff. Bientôt séparée, elle revint s'installer à Paris où dès 1852 elle aida son cousin à faire les honneurs de sa cour - L.A.S., 2 1/2 pp. in-12 ; «24 Mardi - 1 heure». Papier à ses armes. 100/150

Curieuse missive à l'un de ses proches : «Mon cher enfant, Je suis passée un moment ce matin. D'après les nouvelles que nous avons, l'examen de mathématique s'est bien passé. Le problème de physique aussi a été bien résolu, mais dans le cours il y aurait eu des oublis... Quelle satisfaction si Louis pouvait sortir victorieux de cet examen...».

Notons que la princesse n'eut pas d'enfant de son union avec le prince Demidoff.

 

36.                BONAPARTE Roland (1858-1924) Géographe, ethnologue et botaniste, petit-fils du prince de Canino. Père de Marie Bonaparte, l'amie et traductrice des oeuvres de Freud - L.A.S., 1 p. in-8 ; Paris, 21.I.1907. En-tête à son chiffre couronné. 100/120

«Mon cher Docteur... Je ne puis qu'approuver ce que vous avez fait au sujet de la photographie dont vous me parlez. Je vous remercie vivement...», etc.

 

37.                BOULANGER Georges (1837-1891) Général et homme politique. Ministre de la Guerre en 1886/87, puis chef du Parti boulangiste, il faillit marcher sur l'Elysée pour prendre le pouvoir. Menacé d'arrestation, il s'enfuit à l'étranger et se suicida sur la tombe de sa maîtresse, morte quelques jours plus tôt - Deux lettres (L.S. et L.A.S.), 7 pp. 8° ; Jersey, 31.X.1889 et 31.X.1890. Enveloppe. 200/300

Importante correspondance politique au journaliste A. Vervoort, fidèle militant de son parti, que le général convoque à Jersey : «... Je réunis ici tous les membres du Comité... votre présence est nécessaire à cette réunion où seront débattues pas mal de questions intéressant l'avenir de notre parti. Je compte donc absolument sur vous ; et je vous préviens, afin que vous preniez vos dispositions pour vos articles...»

Dans sa deuxième lettre, datée l'année suivante du même jour que la première, Boulanger écrit : «... Comme quand vous m'avez vu à Jersey, j'ai toujours la même confiance dans l'avenir, et les renseignements que je reçois de tous côtés ne peuvent que la fortifier. Le pays ne supportera pas éternellement le joug des coquins qui le ruinent et l'abaissent devant l'étranger ; le peuple verra clair un jour et reconnaîtra ses véritables amis... La petite campagne que vous menez est excellente... Il ne faut négliger aucune occasion de dénoncer la vilénie des tristes personnages... il faut que tout le monde sache ce qu'ils ont fait et ce qu'ils sont capables de faire...», etc. Boulanger dit encore être en correspondance avec Henri de Rochefort qui lui envoie «... de bien bonnes lettres...», etc.

 

38.                BOURBON, Charles de (1523-1590) Oncle d'Henri IV. Cardinal-archevêque de Rouen. En août 1589, bien que toujours emprisonné depuis l'assassinat du duc de Guise en 1588, il se laissa proclamer roi de France par les Ligueurs, sous le nom de Charles X - L.S., avec une ligne de compliments autographes, 1 p. in-folio ; Gaillon, 14.V.1578. Adresse au verso. 400/500

Du magnifique château de plaisance des archevêques de Rouen, à Gaillon (Eure), le cardinal de Bourbon donne réponse à la lettre reçue du «prothonotaire Dandin, Nonce de N.re St Père [Grégoire XIII] près Sa M.té très Xptiene» à propos de l'envoi d'un bref papal. Le cardinal compte se rendre à Paris «... tostaprès les festes pour y faire tout le service que se doive à Sa Sainteté et au sainct Sacré Collège, selon les advis que je receu de vous...», etc.

La sixième guerre de religion s'était terminée par la paix de Bergerac (14.IX.1577) et l'édit de Poitiers qui restreignait sévèrement les droits des adeptes du culte réformé. En tant que membre influent du parti catholique, Charles de Bourbon, en se rendant auprès d'Henri III et de Catherine de Médicis, pensait pouvoir jouer un rôle politique important à la cour et peut-être tramait-il déjà pour exclure de la succession le roi protestant de Navarre, le futur Henri IV.

 

 

39.                BOYLESVE René (Lettres à) - Cinq lettres, 6 pp., formats divers ; 1896/1912. 100/150

Ensemble de documents adressés au romancier René BOYLESVE (1867-1926) : L.A.S. d'Elémir BOURGES (qui a fort apprécié le «petit roman» offert par son auteur ; 1896), deux C.A.S. du prince de BRANCOVAN, une L.A.S. de Fernand VANDEREM (qui se réjouit de le voir récompensé d'un prix littéraire ; 1912) et missive officielle émanant de l'Académie Française annonçant à Boylesve qu'il lui a été décerné un prix «... de la valeur de 3500 francs sur la fondation Née...».

 

 

40.                BRANLY Edouard (1844-1940) Physicien, inventeur du radio-conducteur qui porte son nom et qui constitue l'organe principal de la T.S.F. - L.A.S., 1 p. in-8 ; Paris, 22.II.1918. 200/250

A l'un de ses élèves lui ayant fait part des résultats de ses recherches : «... Votre observation est intéressante,... conforme d'ailleurs aux phénomènes habituellement décrits...» ; c'est pourquoi il n'est pas indiqué d'en donner communication à une Société savante. La missive de son correspondant lui a malgré tout «... prouvé que ce qu'on enseigne est quelque fois vrai...».

 

41.                BUCKINGHAM, George Villiers, duc de (1592-1628) Favori des roi Jacques Ier et Charles Ier d'Angleterre, il prétendit diriger la politique de son pays au gré de sa fantaisie ou de son intérêt. Assassiné par un officier fanatique destitué - L.S., 1 p. in-folio ; Whitehall, 20.VI.1628. Fortes traces d'humidité. Pièce jointe. 1200/1500

Deux mois avant son assassinat, le duc de Buckingham ordonne au vice-amiral Lord CONWAY de laisser partir tous les bateaux et vaisseaux qui avaient été stoppés par ses lettres précédentes.

L'Angleterre et la France se trouvaient alors en situation de guerre non déclarée ; la flotte britannique s'apprêtait à naviguer vers la Rochelle en vue d'attaquer pour la troisième fois la digue que Richelieu avait fait construire autour de ce port dans le but d'empêcher les Anglais de porter secours aux Huguenots, lesquels résistaient héroïquement depuis deux longues années aux assauts des troupes françaises. La disparition brutale du Grand Amiral ne permit pas la bonne exécution des instructions de sa lettre du 20 juin 1628 et entraîna la capitulation de La Rochelle le 28 octobre suivant.

Joint : Pièce d'une page in-4 portant au bas la signature «Albemarle» du célèbre homme de guerre anglais George MONK (1608-1670), premier duc d'Albemarle ; en 1627, il avait pris part à l'expédition anglaise que Buckingham avait dirigée contre l'île de Ré. L'autographe, monté au bas d'un document daté de Whitehall en mars 1669 (ou 1670), semble provenir d'une autre pièce, le duc d'Albermale s'étant retiré dès le mois de mars 1667 de la vie militaire et politique.

 

42.                CABANIS, Pierre Jean Georges (1757-1808) Médecin et philosophe de l'école sensualiste. Ami, collaborateur et médecin de Mirabeau, il le fut aussi de Condorcet à qui il fournit le poison dont celui-ci fit usage pour se donner la mort - L.A.S., 1 p. in-4 ; Auteuil, 5.IV.1805. Pièce fortement tachée dans sa partie droite. 200/250

Au futur duc de Gaëte, Gaudin, alors ministre des Finances, pour lui recommander chaudement Michel ROCHETTE qui sollicite «... la place de percepteur à vie pour la ville de Sarlat. Le préfet de la Dordogne l'a porté sur son tableau, et l'esprit de justice qui l'anime est trop connu pour que je ne joigne pas avec empressement ma voix à la sienne...», etc. Une note, tracée au bas de la page par une autre main, nous informe que «Rochette est nommé».

Cabanis exerça une influence considérable sur les idées et les moeurs du début du XIXe siècle.

 

43.                CAFFAREL Louis Charles (1829-1907) Officier de l'Etat major nommé par Boulanger, il fut impliqué dans un trafic de décorations qui porta à la chute du président Jules Grévy - L.A.S., 1 p. in-folio ; Paris, 26.XI.1887. Pièce défraîchie. 250/300

Important document, étroitement lié à la célèbre affaire dont le député Daniel Wilson, gendre du président de la République, était le vrai coupable. Mis en non-activité, puis arrêté (oct. 1887), Caffarel avait comparu devant le Tribunal correctionnel le 9 novembre ; l'audience avait révélé que plusieurs lettres écrites par Wilson avaient disparu du dossier.

Suite à la parution «... sur les journaux de ce matin [de] la déposition de Monsieur le Général Ferron devant la commission d'Enquête...», Caffarel s'insurge contre les propos du ministre de la Guerre [Ferron] qui semble l'accuser de trahison : «... Monsieur le Ministre a dit qu'il avait la conviction d'un lien entre l'affaire Aubanel et l'affaire Caffarel. Il a dit aussi... : J'ai appris depuis que le Général Caffarel avait tenté de rendre certaines notes au Génie Belge. Je ne puis rester sous le coup d'une pareille accusation...», s'exclame le général qui tient à adresser cette lettre au Président du Tribubal - ainsi qu'à la Presse car «... la publicité de l'accusation appelle la publicité de la protestation...» - afin de se faire entendre du ministre et se confronter à lui : «... si vous le jugez convenable... On a pu m'enlever ma croix d'honneur, mais on n'arrachera jamais de mon coeur l'amour de mon pays...».

Le 19 mars 1888, Caffarel est condamné dans l'affaire des décorations alors qu'une semaine plus tard la cour d'appel de Paris acquittera Wilson ! Décorations, Boulangisme, Panama, la porte était ouverte à l'«affaire» du siècle, celle du capitaine DREYFUS...

 

 

44.                CAMBRONNE Pierre (1770-1842) Général napoléonien ; à la tête du dernier carré de la Garde impériale lors de la bataille de Waterloo, il fut laissé pour mort après avoir résisté aux sommations des Anglais dont il devint prisonnier - P.S., 1 p. in-folio obl. ; «Au Camp près de Boulogne», 22.XII.1804. 250/300

Etat des services d'un capitaine ayant tour à tour servi sous les ordres des généraux Lafayette, Dumouriez, Custine, Jourdan, Hoche, Moreau, Augereau, BONAPARTE, Masséna et Soult entre 1792 et 1804.

Document signé par Cambronne, alors capitaine des grenadiers, ainsi que par le maréchal SOULT, le général L.-F. LANCHANTIN (disparu en Russie après la bataille de Krasnoé), le chef de bataillon Legros et trois autres officiers.

 

45.                CAMBRONNE Pierre - Rare L.A.S., 1 1/2 pp. in-4 ; Nantes, 13.IX.1839. Adresse et marques postales sur la IVe page. 300/400

Au célèbre avocat et homme politique parisien BERRYER dont la magistrale plaidoirie de 1816 devant le conseil de guerre avait porté à l'acquittement de Cambronne, déjà condamné à mort par contumace !

Restés amis, le vieux général s'adresse vingt trois ans plus tard à son ancien avocat pour solliciter de lui un conseil à propos d'une adoption que son épouse et lui-même avaient projeté de faire quelques années plus tôt. Marié à une Anglaise depuis 1820, Cambronne souligne son désir de ne pas léser les héritiers de sa femme «... parce que tout ce que je possède vient d'elle...». Il expose son intention, avance des hypothèses, demande des conseils pour la rédaction de son testament : «... D'après votre réponse, nous pourrions aller à Paris quand vous y serez et vous auriez la bonté de nous faire faire notre testament... afin que nos héritiers mutuels aient leurs droits...», etc.

La jeune femme de 21 ans que le général s'était engagé à adopter se nommait Sophie Catherine ADAMSON ; fille d'une amie de Madame Cambronne, elle venait d'épouser un avocat nantais, Victor Roussin, et le nouveau ménage semblait vouloir s'assurer de la totalité de l'important héritage du général au détriment des autres ayants droit...

 

46.           CAPET Lucien (1873-1928) Violoniste, l'un des plus grands interprètes de l'oeuvre de Beethoven. Il est l'auteur d'une Technique supérieure de l'archet - L.A.S., 7 1/2 pp. 8° ; 5.XI.1904. 100/120

Long et beau texte adressé à un ami qui connaît des moments difficiles : «... Vous traversez des heures sombres, mon cher ami ?... Ce sont des éclipses. Regardez bien, au fond de votre mélancolie vous trouverez la lumière ! Constater l'indifférence des Humains est douloureux, mais c'est le chemin vrai... Il y a l'Automne dans la Nature, comme il y a l'Automne dans la Pensée ; les feuilles tombent des arbres comme les illusions s'en vont de nous mêmes. Mais... au fond de tout ce qui semble s'en aller, il y a : l'immuable !...», etc.

De par son style brillant et son esprit de compassion et de compréhension, cette lettre de sept pages est un véritable morceau d'anthologie.

 

47.           CARAN D'ACHE, Emmanuel Poiré, dit (1859-1909) Dessinateur né à Moscou, c'est de la langue russe qu'il tira son pseudonyme «Karandach», soit «crayon» en français - P.S., 3 pp. in-4 ; Paris, 13.VIII.1894. 150/200

Contrat d'édition entre «Mr Caran d'Ache, artiste peintre... et la Société du Figaro...» pour la publication d'un volume vendu 3,50 francs «... sans texte, composé de dessins inédits... dont le titre provisoire... Maestro, sera du format in-18 et comprendra trois cent cinquante dessins tirés en noir... La première édition sera imprimée à vingt mille exemplaires et double passe...». Selon des conditions bien définies, l'artiste recevra la somme totale de douze mille francs, etc.

Le document est signé par Caran d'Ache ainsi que par les trois gérants de la Société du Figaro, F. de Rodays, A. Perivier et A. Magnard, chacun ayant écrit de sa main «approuvé l'écriture». Intéressant document.

 

 

48.           CARCO Francis (1886-1958) Ecrivain, auteur de poèmes et romans originaux souvent argotiques qui lui valurent une grande notoriété, notamment auprès des intellectuels de gauche - Photo in-4 obl., avec dédicace A.S. Vers 1920. Pièce jointe. 150/200

Magnifique portrait original nous montrant l'écrivain assis à son bureau. Dédicacée "Au poète Noël Ruët, que j'admire, son ami - F. Carco".

Joint : Texte imprimé du poème «A l'Amitié», 21 pp. in-8. Feuilles d'épreuve avec dédicace A.S. à Philippe Chabaneix.

 

49.                CASALS Pablo (1876-1973) Violoncelliste espagnol, l'un des grands virtuoses de son temps. Membre, avec Cortot et Thibaud, d'un célèbre Trio - L.A.S. «Pablo», 1 p. in-8 ; (Paris, 1926 ?). Adresse et signature au verso. 100/150

Il informe son ami le pianiste Alfred CORTOT («Cher Fred») des démarches qu'il vient de faire en sa faveur auprès de l'Ambassade espagnole à Paris : «... le premier secrétaire m'a dit qu'il t'attendra demain... Quel plaisir hier ! Je t'embrasse...».

 

50.                CAZALES Frédéric Auguste (1863-1941) Dessinateur et écrivain, ami de Verlaine – Poème autographe, signé de ses initiales, 1 p. in-8. 100/120

Sonnet intitulé «Aux Français... Tel qu'on le parle !». Après un extrait de Ruy Blas, la pièce commence ainsi : «J'ai partagé, cette nuit / Une couche moliéresque ; / Nous trompâmes, au déduit / Un financier picaresque ! / La soubrette, vers midi, / Parut...», etc.

 

 

 

C É L I N E

Louis-Ferdinand Destouches, dit

(1894-1961)

 

 

Très intéressante correspondance à Charles DESHAYES, journaliste à Lyon.

TRENTE LETTRES

datant des années difficiles de l'après-guerre,

lors de l'épuration et de la chasse aux sorcières...

 

 

 

 

Trois années durant, Deshayes s'est efforcé d'aider Céline en écrivant contre ses adversaires des libelles d'une qualité médiocre. Suivant son humeur, l'écrivain «maudit» encourageait l'œuvre de son correspondant qu'il couvrait ensuite de reproches, «oubliant» que son ami avait agi selon ses instructions !

N.B. : Les dates mentionnées sont pour la plupart tirées du cachet postal imprimé sur l'enveloppe jointe à la lettre.

 

 

 

 

 

 

 

 

51.           L.A.S., 2 pp. in-folio ; Copenhague, 15.VIII.[1947]. Enveloppe. 800/1000

Relative à la vente, au marché noir, de son livre Voyage au bout de la nuit.

Céline demande à Deshayes de communiquer directement avec sa «... fidèle, incomparable amie, Marie Canavaggia... Je la prie de passer par Lyon, aller voir Frimat et tout régler en mes lieu et place. Elle connaît mes éditeurs mieux que moi-même... Oui certes le cheval ailé a pris du plomb d'or !... C'est à qui rampe mieux et le plus plat. Mais il faudra être hyper limace pour passer sans dommages sous les tanks rouges...». L'écrivain se révèle fort méfiant envers cet éditeur dont il a confiance «... comme en un poteau pourri ! Enfin c'est toute l'édition, vous le savez ! Il paraît que les  Voyages se vendent 1000 fr. au marché noir !...».

 

52.           L.A.S., 5 pp. in-folio ; Copenhague, 1.IX.[1947]. Enveloppe. 1200/1500

Longue et importante missive où sont cités les noms de Sacha GUITRY, MONTHERLANT, DALADIER, CHARBONNIÈRE («... Enfila-t-il Madame Bidault, comme on le prétend...» ?), ZOUSMAN, «... un juif dénommé HOWITZ... auteur de la Loi danoise contre la collaboration...», et... celui d'HITLER !

Céline conseille à son ami de ne rien tenter de plus : «... si j'avais des dizaines de millions à lancer dans l'affaire... Si j'étais Nabas comme Guitry, choyé comme Montherlant, si j'avais gagné des Golcondes avec le mur Atlantique... je pourrais gaver toute cette meute de chacals, robins, etc... Hors fric, pas de salut... Pauvre = Coupable = Traitre = Charogne = Bête à dépecer... J'amais l'Humanité n'est tombée si bas, ni la France, même sous Mazarin. L'histoire du youtre Schwob n'a ni queue ni tête... Bagatelle n'a jamais été interdit sous Daladier...», mais le fut en zone sous Pétain !

L'écrivain peste contre Schwob et Denoël «... non moins crapule de Schwob...», se déchaîne contre Guy de la Charbonnière, «... ex-résistant ? à Vichy pendant toute la guerre... Il est hideux, ... imbécile, gaffeur et certainement 1/2 juif... Je dois à ce petit forcené con, beaucoup. Le juge d'instruction qui a décerné contre moi le mandat d'arrêt... est un dénommé Zousman...». Ayant payé de 17 mois de réclusion son refuge au Danemark, «... il faudrait qu'on apporte la preuve que je suis un criminel de guerre puis qu'on m'extrade...». Les Danois ont bien envoyé, dans ce but, à Paris «... un juif dénommé Howitz...», maquisard ayant passé la guerre à... Genève, mais «... il est revenu bredouille... Howitz est l'auteur de la loi danoise contre la collaboration... unique au monde par le fait qu'elle est rétroactive. Elle punit les faits de collaboration antérieurs à 1939 !... Le gouvernement danois a offert par deux fois à la Justice française d'envoyer ici une commission rogatoire = Silence...». Alors, en désespoir de cause, on l'a placé en liberté sur parole, «... ou plutôt en prison sur parole - Cas unique dans l'histoire du Danemark qui n'a jamais eu de réfugiés politiques... Sauf les juifs d'HITLER...».

Et plus loin : «... Tout ceci pue la police et l'enveloppe ! Que Luchaire a de successeurs !... On assassine les techniciens ! Les juifs ont leurs idiots comme nous - La preuve qu'ils en sont...».

 

 

53.           L.A.S. (init.), 2 pp in-folio ; Copenhague, 4.IX.[1947]. 800/1000

Céline se répand en invectives contre LUCHAIRE et ABETZ, «... des employés... qui ont fait beaucoup de mal - médiocres, très, tous les deux - assoiffés de chèques, parfaitement vendus et à vendre - très méprisables - ils ont contribué par leur veulerie, en parfaite connaissance de cause, à prolonger une atroce capilotade, où ont péri... des centaines de mille de malheureux idéalistes foireux... Idéal ? pas question - putains...».

«... Ce qu'ont pu raconter... tous ces porcs à la Sûreté Générale - Je m'en fous énormément. J'ai toujours refusé tout contact avec Luchaire - Je n'ai eu dans ses "beaux temps" qu'un ereintement d'Espiau, sur les Beaux Draps. Je n'ai jamais fait partie de... jurys littéraires...». Il réclame la liste noire dans son intégralité car il veut y lire les noms des «premiers signataires». Quant à Rongin, «... certes, ses efforts sont pleins de mérite mais il s'est heurté... à un mur qui ne cédera qu'aux ans... cimenté par trop de haine et de cadavres et de mensonges... de conneries, de brutalités de boches... d'entêtement ignoble...».

Le livre-pamphlet «Les Beaux Draps» avait été publié le 28 février 1941 ; Céline y évoquait la défaite et l'exode qui s'en était suivi.

 

 

54.           L.A.S., 1 1/2 pp. in-folio ; Copenhague, 20.[IX.1947]. Enveloppe. 600/800

Il partage l'avis de Deshayes : «... L'indignation s'impose - On m'a tout pillé, volé, mes livres, ma médecine, tous mes moyens d'existence, la liberté, mes bois et presque mon bla bla bla ! C'est l'atrocité à son comble ! Satané canard super entraîné !...».

«... les HERRIOTS et autres cardinaux...» ne sont pour Céline que de «... pauvres employés d'opinion bien foireux... Toute leur vie ne fut que des Posez culotte et des Reculottez ! La meilleure position d'être bien mis par l'opinion : Faire jouir Caliban et puis le sucer et puis le...», etc.

«... MOLOTOV est-il mieux membré que TRUMAN ? Quel parti prendre ? Parti dans le sens de mariage toujours avec mise au lit, extases, etc...».

 

 

55.           L.A.S., 1 1/2 pp. in-folio ; Copenhague «Le Vendredi» [3.X.1947]. Enveloppe oblitérée le 4 octobre. 500/600

Céline rapporte que DUHAMEL et HERRIOT savaient parfaitement qu'il détestait les Allemands et que son principal objectif était d'empêcher la guerre.

«... Aimer les Allemands, moi ? Ceux qui m'ont mutilé 75/100 à 20 ans ? Vous rêvez ! Je déteste tout chez eux : leur charabia, leurs arts, leur genre, leur lourdeur, leur musique - ... Je voulais empêcher la guerre, c'est tout...» !

 

56.           L.A.S., 1 1/2 pp. in-folio ; Copenhague, 17.X.[1947]. Enveloppe. 1200/1500

Belle missive où Céline stigmatise de façon détaillée le piège de l'antisémitisme.

Il serait bien surpris de voir imprimer l'article de son correspondant, car les journaux sont tous d'accord «... pour ce qui me concerne : Silence, ou Ordures, c'est la devise. La chose est entendue de DUHAMEL au Canard, d'ARAGON aux Paroles...». Quant à l'attaque contre les  Juifs, «... Je ne vous suis plus. L'expérience, cette atroce, m'a bien démontré que les non-juifs étaient encore plus dégueulasses que leurs maîtres - les Juifs - Forcément les esclaves sont toujours plus abjects que les pharaons, plus vils, et surtout bien plus cons. Tout ce qui est antisémitisme pue pour moi, à présent, la provocation policière... La moitié des soi-disant antisémites sont d'ailleurs Juifs eux-mêmes...». Céline supplie Deshayes de ne pas tomber dans le piège : «... Il faut l'éviter comme la peste - J'ai payé, je paye, je payerai - J'en crèverai sans doute et le plus bêtement du monde !...».

 

 

57.           L.A.S., 4 1/2 pp. in-folio ; Copenhague, 23.[X.1947]. Enveloppe. 1500/2000

L'écrivain rappelle qu'il regrette de ne pas être allé renifler la soupe d'HITLER et d'avoir fait confiance à l'idéalisme des Allemands.

 

«... Oh bien sûr, ce n'était pas pour vous mes remarques à propos de... l'antisémitisme... Je n'ai pas voulu aller chez HITLER me rendre compte sur place des choses pour ne pas être pris pour un vendu, traître, etc... genre LUCHAIRE... J'ai eu tort... J'aurais reniflé la vase... Pour une fois, dans ma vie, j'ai eu confiance dans la sincérité, l'idéalisme, le pacifisme des Allemands... Tous canailles... ou dupes, cons, masochistes, esclaves...».

Céline reconnaît ses erreurs, tel un Don Quichotte qui s'est trompé de cible. «... L'histoire du racisme aryen ne tient plus debout. La pièce est jouée. Les digues sont rompues, flots jaunes et noirs s'apprêtent à submerger tout... Mes fureurs livresques pour lesquelles je paye si cher, sont dérisoires... Le temps passe et voilà ! Ce qui était bouillant hier, c'est aujourd'hui cadavre ridicule... Dans l'actualité on se bat pour la matière - et pas pour les idées... autos, radios, frigidaires, belles robes, belles poupées. Le Racisme tout le monde s'en fou, y compris les Juifs à présent... Je me chamaille, je hurle contre les tenants de l'académisme... Je les taquine, c'est tout...».

Quant à la fameuse liste noire : «... Ah, il est fâcheux qu'on ne puisse retrouver cette bonne première liste des Epurateurs. Je voudrais les porter à la gloire. Faites encore... un effort...». Céline traite l'éditeur FRIMAT de «... canaille. Il attend les autres élections, l'ordure... Rigolons ! La maquerote qui a remplacé DENOËL... dénommée Voilier (je crois Levy, de son nom véritable) me fait des approches...».

Puis, quelques lignes plus bas : «... Führers de TRUMAN et führers de STALIN sont aux prises ! Oh qu'ils s'écartèlent... Je serai avec celui qui gagnera... Qu'ils me foutent la paix, me rendent mon tabouret, mon cimetière. C'est tout ce que je réclame...», etc.

 

 

58.           L.A.S. (init.), 1 p. in-folio ; Copenhague, 17.[XI.1947]. Enveloppe. 1200/1500

«... Il faut garder la lettre à DUHAMEL. Il se vengerait sans doute, mais il est pénible d'être enchaîné... atroce... SARTRE m'accuse de trahison dans le n° de Décembre 45 des Temps modernes... deux mots... Ils suffisent. Je vais peut-être le torcher dans les Cahiers de la Pleïade... un reporter de Samedi Soir est venu ici en avion à ce sujet...». Il s'agit de Jacques ROBERT, que Céline reçut entre deux portes, bien qu'il affirme ici ne l'avoir jamais rencontré !

«... Ah, je voudrais être à Genève ou en Espagne... Quelle tripotée ! Ils le savent les charognes...».

Brève mais importante missive ! On y trouve en effet une première allusion à l'article que publia Sartre dans le numéro 3 (déc. 1945) des Temps modernes, intitulé «Portrait de l'antiséminisme» et contenant une phrase («... Si Céline a pu soutenir les thèses socialistes des nazis, c'est qu'il était payé...») qui inspira à l'auteur de Bagatelle pour un massacre le plus violent pamphlet qu'on ait jamais écrit contre l'auteur de La Nausée. Il s'agit de «A l'agité du bocal», paru en 1948 chez l'éditeur Lanauve de Tartas, où Céline se plaignait que, par cette phrase, Sartre eût voulu le faire assassiner...

 

 

59.           L.A.S. (init.), 3 pp. in-folio ; Copenhague, 19.[XII.1947]. Enveloppe. 600/800

Céline règle ici un vieux compte avec le docteur Pierre ROUQUES qui l'avait fait condamner pour diffamation en 1938, à la suite de la publication de L'Ecole des cadavres, condamnation qui l'avait fort affecté.

«... Il n'y a jamais eu d'affaire Rouques. Invention totale. Il n'a jamais été inquiété par la Gestapo. Il aurait pu être... vu l'acte d'accusation... Qu'avais-je à apporter à la Gestapo ?... Qu'avais-je à révéler à la Gestapo ou au Pape ! Tout ceci est idiot à l'habitude !... Au plus ROUQUES, ancien chef des brigades rouges en Espagne, a commandé un maquis dans le midi. Il n'a jamais été inquiété que je sache. Il a même été bien épaté que je ne réagisse pas - l'ordure - à l'arrivée des Allemands. Il allait partout me faire dire par des amis... que lui n'était pour rien dans les poursuites... Qu'avais-je à foutre à cette salade !... Qu'il aille se faire pendre...». Et Céline de conclure : «... Evidemment que si moi je m'étais vengé, j'aurais été le tueur pendant l'occupation. Il ne baverait plus à présent. Et cent autres. C. Q. F. D. ...».

 

 

60.           DEUX L.A.S. (init.), 2 1/2 pp. in-folio ; Copenhague, 7 et 17.II.[1948]. Enveloppes. 1200/1500

Sa «réponse» à SARTRE, qu'il aurait aimé voir publiée dans les Cahiers de Jean PAULHAN, n'a pas été du goût de ce dernier. Désormais, Céline ne se fait aucune illusion sur «... J. P. ... il pourrait être encore bourreau... il n'est plus que bêleur... Bien sûr qu'il est toujours ami de SARTRE et comment !... Voici la lettre à SARTRE impubliable, évidemment. J'ai bien reçu le sac... des Temps modernes - excellent, mais impraticable aussi... en ces temps de délire...».

 

«... C'est un siècle Grand Guignol qui commence. Alors... raison... justice... quels vains soucis ! C'est parler d'eau froide à un homme qui bande ! ... La douche ! Il veut son bonheur - assassiner - torturer. Raisonner avec un dément c'est faire œuvre de pure stupidité...», etc.

Dix jours plus tard, revenant sur le sujet, Céline exhorte son ami à attaquer l'adversaire : «... Pourfends cette canaille... au moins qu'il se découvre... La petite saloperie est encore plein d'amis. Et en place !...». Il lui annonce aussi l'envoi d'un texte d'une grande dureté qu'il réclame en retour quand son correspondant l'aura recopié.

L'écrivain compte bien faire publier par PAULHAN dans les Cahiers «... un bout de Casse-Pipe que j'ai retrouvé. Je leur offre gracieusement. Je ne veux rien toucher des journaux. C'est un petit moyen de les faire hurler...» !

Dès 1950, Jean Paulhan s'engagera à fond aux côtés de Céline.

 

61.           L.A.S., 1 1/2 pp. in-folio ; Copenhague, «Le lundi» [8.III.1948]. Enveloppe. 600/800

Missive dans laquelle Céline philosophe sur la précarité des actions humaines, ajoutant que bientôt des gens comme MAURRAS et CLAUDEL seront tout à fait oubliés.

«... Voici la lettre. Pour SARTRE, mon dieu, qu'il aille au diable ! Quant à MAURRAS, je le vois tout de même mal parti. Le temps est notre maître. Il nous abat, et il représente... l'oubli, cette grande machine à s'en foutre... Ce qui n'a pas lieu tout de suite n'a jamais lieu. La machine humaine est trop temporaire pour héberger des grands sentiments. Vous avez encore le privilège de la jeunesse, raccrochez-vous !...». Puis, au risque de paraître «... bien misérable et bien sot...» aux yeux de Deshayes, Céline s'exclame : «... je n'ai plus que des pensées d'insecte. Maurras est un insecte en boîte. Il souffre, c'est tout...».

 

 

62.           L.A.S., 6 pp. in-folio ; Copenhague, «Le Samedi» [20.III.1948]. Enveloppe.  Joint : L.A.S. de DESHAYES, 4 pp. in-4. 3000/4000

Il s'agit de la célèbre missive de Céline accompagnant et expliquant son projet de lettre au Directeur de «Droit de vivre» dont le texte figure, avec une nouvelle signature, aux pages 5 et 6 de cette revue.

«... Votre article mise au point me semble excellent, direct, net, simple. Je le fais parvenir à Milton HINDUS qui s'en régalera. Il mène lui-même le combat contre le Consul de France à Chicago. Certes il faut intervenir auprès de ce Juif réhabiliteur (Rue de la Victoire, ce doit être la Synagogue. Tant mieux ! Rigolons) ...»

«... Le ministre MARIE est bien aryen. Regardez-le ! Eperdu laquais. Valet de bourreau effaré de ne pas être zélé à suffisance... Il faut s'adresser au chef ! ... Ce que l'aryen peut à présent m'écœurer. Je ne le trouve qu'au niveau des chiots et des billots...». Rappelons que depuis le mois de janvier 1947, le radical socialiste André MARIE (1897-1974) était ministre de la Justice ; il restera au pouvoir presque constamment jusqu'en 1954, dans neuf gouvernements différents, dont un présidé par lui en été 1948.

Céline revient ensuite sur son pamphlet contre SARTRE : «... Il faudra tout de même un jour... faire passer ma lettre à SARTRE - l'agité du Bocal - mais il faut faire mouche - Vous préparez bien le terrain...».

Dans un long post-scriptum, l'écrivain annonce l'envoi du texte de sa lettre au directeur du Droit de vivre et suggère à Deshayes de l'adresser «... en même temps que la coupure de Droit de vivre précisément à Jean ELSTEIN - pour lui montrer de quelle vindicte abjecte je suis l'objet de la part de certains de ses frères de race... la hideuse clique de Bernard LELOUCHE... Que ne s'engagent-ils à l'Irgun !...», etc.

 

Au recto/verso d'une une feuille à part, mais faisant partie intégrante de la missive ci-dessus décrite, Céline a rédigé sa L.A.S. (datée «Le 20.2») destinée «Au droit de vivre». En voici quelques passages :

«Monsieur, Résistant ? en effet et autrement que vos merdeux mouchard-lâches ! Le 20 nov. 1914 - médaillé militaire - mutilé de guerre... Engagé volontaire, non aux délateurs bourriques, mais aux Cuirassiers. Et rengagé encore dans la marine en 39...».

«... Autre chose... où avez-vous lu, pourriture, une ligne de moi réclamant l'assassinat massif des Juifs ??? Saloperie ! J'ai demandé à ce que les Juifs, certains Juifs, ne nous poussent pas au massacre, à la catastrophe, à l'Abattoir !...». C'est donc le contraire de ce qu'on lui a fait dire !

«... C'est  vous qui poussez, qui avez toujours poussé les Juifs, vos frères, à l'abattoir, par vos provocations. Les criminels sont chez vous, les traitres sont chez vous...», etc.

 

A ce texte est joint le brouillon A.S. de la lettre (3 1/2 pp. in-4) adressée par Charles DESHAYES, en date du 30 juin 1949, au directeur de cette même revue ; il y prend la défense de Céline, malmené dans un article de Payet-Purin. «... Le Racisme, l'Antisémitsme... n'ont rigoureusement rien à faire en cette galère. Votre Purin n'y est pas du tout...». Les faits «... sont que si les Juifs ont entrepris de persécuter MONTHERLANT, JOUHANDEAU et CÉLINE chez eux et jusqu'hors de chez eux, il est normal, inévitable, que le peuple prenne plus que jamais ceux-ci en affection. Ce n'est pas en pourchassant les écrivains qu'on peut les rendre impopulaires. Au contraire... trop de ces intellectuels binochards et douteux n'ont connu en fait de champ de bataille, que les salles de rédaction... C'est la discrétion qui manque à ces imbéciles...», etc.

Extraordinaire ensemble !

 

63.           L.A.S. (init.), 2 pp. in-folio ; Copenhague, «Le mardi» [13.IV.1948]. Enveloppe. 800/1000

Céline est furieux d'avoir à se justifier de ne pas avoir soigné PÉTAIN !

«... Je vous comprends, je vous estime, je vous admire, je vous aime... Je suis mon instinct, tel il est, et c'est tout. Oh foutre, je ne vais pas me mettre à chercher à présent si j'ai fait une demande pour passer Pape, première danseuse à l'opéra ou grand eunuque ! ... J'ai la vie trop courte, trop pénible, trop emmerdante, mille fois trop misérable pour aller encore m'emmerder... Vive Isorni... mais quelle honte d'avoir à se justifier de telles énormités - Si j'avais soigné Pétain ? Hein ? Quel traître !

 

Allons, nous sommes chez les délirants, et surtout les monstres d'ennuyeuses rabacheries haineuses... Ceci dit l'amnistie n'est pas pour demain, ni la guerre, ni les éditeurs !... Tous mes espoirs crèvent et sont crevés !...».

 

64.           DEUX L.A.S. (init.), 4 pp. in-folio ; Copenhague, 20 et 26.[V.1948]. Enveloppe. 1200/1500

«... Notre vie est si courte et si misérable que presque tout vous condamne au ridicule, à la velléité. Notre faiblesse de puce est vaniteuse. Sans cesse nous voulons dompter des éléphants. Eux qui vivent un siècle... Alors pourquoi se donner le surcroît de ridicule d'avoir l'air de croire à la Vertu ?...», etc.

Moins d'une semaine plus tard, Céline conseille à Deshayes de «... laisser baver toute cette crapule ! J'ai 55 ans demain (curieusement, il avait écrit «57» !). On peut dire que c'est le coucher de jour d'une vie... Qu'elle puisse foutre comme elle veut... comme elle a pu ! C'est-à-dire sous les glarots de ceux que je voulais défendre, sous les plus furieuses, injustes calomnies dans l'horreur et la persécution. C'est une vieille histoire... J'y passe. C'est bête comme chou. M'insulte donc qui veut... Je suis las...». Il va néanmoins essayer de finir «... un livre (Casse-pipe ?). Je ne vais pas gaspiller mes dernières forces à discutailler de ces conneries...».

Puis Céline attaque l'un de ses adversaires dont il fait de lui un portrait quasi médical : «... Le professeur R. finit en gonzesse... Il est rare que le vieillard ne mute pas... ne finisse pas en femme... Cela s'appelle - en charabia médical - la régression glandulaire. Les caractères féminins secondaires, domptés, dissimulés pendant la maturité, réapparaissent... Vous savez que nous sommes en réalité hétéro sexuels, comme les escargots...» !

 

 

65.           DEUX L.A.S. (dont une signée des initiales), 3 1/2 pp. in-folio ; Klarskovgaard, «Le mercredi» [9.VI.1948] et 17.V.[1948]. Enveloppe. 2500/3000

Le 19 mai 1948, Louis-Ferdinand et Lucette avaient été autorisés à aller s'installer dans un pavillon situé près de Korsör, sur la mer Baltique. L'enveloppe contenant cette lettre à Deshayes fut postée le 11 juin ; elle était accompagnée d'une autre missive, très corrigée et datée du 17 mai, que Céline destinait à un journaliste des Lettres Françaises mais que Deshayes ne remit pas.

Profitant du fait que l'écrivain n'est peut-être plus autant surveillé qu'à Copenhague, Deshayes suggère une tentative de sortie du Danemark, idée que Céline s'empresse de rejeter : «... Mon cher... il n'y faut songer ! Je suis prisonnier sur parole. Cette formule dit tout. En rupture de ban je replonge dans une de ces aventures dont je ne sortirais certainement pas vivant. Sans ressources, plus de santé, plus de papier et... Je connais, et fort, la vie du traqué, hors la loi, de maudit... C'est un chemin en arête fine sur le précipice. Il faudrait une capilotade générale de l'Europe, une fonte des institutions, pour que je me permette une sortie... Mes ennemis n'attendent que cela, que je bronche - C'est le massacre. Vous avez raison. Au diable les Lettres françaises ! Etant entendu que le diable est grand gagnant...».

Dans sa lettre du 17 mai au journaliste, que Deshayes ne consigna pas, Céline réagit avec humour à un article des Lettres Françaises : «... L'on ne m'y injuriait pas, dénonçait pas ! Comme c'est amusant ! Encore un petit effort et les Lettres Françaises finiront par avoir de l'esprit !...». D'ARAGON, Céline affirme ne pas avoir lu une seule ligne, «... ni d'aucun autre Surréaliste, non par mépris, dédain, que diable, mais simplement parce que le temps m'a manqué, même en prison. Par contre ARAGON m'a beaucoup lu lui, et sa femme, puisqu'ils m'ont traduit, et d'office, le Voyage dès 1934...».

Quant aux critiques exprimées par le journaliste sur son style d'écriture, Céline les commente ainsi : «... La transposition du langage parlé en écrit, la récréation... vous n'y êtes pas encore... Vous êtes-vous jamais demandé quel diable poussa les Impressionnistes à sortir, un jour, d'Atelier ? On travaille si bien dans un Atelier... mais c'est dehors qu'on se mouille...», etc.

 

66.           L.A.S. (init.), 1 1/2 pp. in-fol. ; [Korsör, 21.VI.1948]. Enveloppe. Joint : L.A.S. de DESHAYES à Céline, datée du 13.VI.1948. 1200/1500

Ironisant d'abord sur l'idée annoncée par Deshayes dans sa lettre, restée «... sur votre table...», Céline revient sur sa situation difficile : «... Certes, il faut s'attendre à un raidissement des traqués, avec exécutions, etc... Tout ceci aurait pu s'éviter par l'exil en masse, ou la déportation en Nouvelle Calédonie ou encore en Nouvelle Amsterdam, île française très vaste, très saine, vide, entre Indes et Afrique. Les mots m'assomment, ils aboutissent toujours au pire... La Guyanne était préférable à ce qui attend les collaborateurs en geôle, hors de geôle, etc. Chichis pour assassinats. Je n'ai en vérité qu'un très très timide semblant d'espoir si qq. polichinelle s'avisait de faire voter une amnistie pour les mutilés de guerre... Tout le reste : pets de lapins...».

La lettre jointe de Deshayes à Céline évoque une «aubade» réservée au «professeur» (Milton HINDUS ou le «prof. R.» ?) : «... J'attribue ce regain d'attention du professeur pour les antisémites à certaine aubade monstre à lui donnée en Alger, de son propre aveu, au cours de sa série de conférences, par l'Ayanah et les Communistes... sous la conduite du Salopard étoilé WEISS, juif (l'ancien accusateur public de Pucheu) et pédéraste notoire...», etc.

Cette lettre, comme la précédente et les suivantes, fut écrite de Klarskovgaard, «Korsör» étant le lieu d'où partaient les lettres de Céline (oblitération postale).

 

67.           L.A.S. (init.), 2 pp. in-folio ; Korsör, 29.VI.[1948]. Enveloppe. 1500/1800

 

Importante lettre relative à certaines propositions visant à rééditer le Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit. Céline détaille sa position et ses desiderata vis-à-vis des nombreux éditeurs qui l'ont sollicité. Il décrit férocément le comportement de la «garce» Voilier (de chez Denoël) et donne une définition assez particulière du métier d'éditeur.

«... Nous allons tout de suite calmer les ardeurs de votre ami éditeur. Il est bien le centième du genre à me faire de ces propositions biscornues et indéfinies...». L'écrivain veut d'abord voir réédités le Voyage et Mort à crédit ; quant à Féerie, il la réservera à l'éditeur qui lui donnera satisfaction sur le premier point. «... actuellement il n'existe aucun interdit CNE sur ces deux livres...» à part les «... vagues droits...» de la «... garce Voilier, héritière de Denoël par le bidet... C'est une rasta... qui n'a même pas de quoi imprimer ! Elle aurait voulu que je lui verse 2 ou 3 millions pour rupture de contrat... Basta. Cette situation peut durer... ce qu'elle attendait surtout c'est que je crève afin de me rééditer sans me verser un sous  jamais...». Et de conseiller à Deshayes cette réponse à son ami éditeur : «... Un Editeur avant tout est un banquier. Un éditeur qui n'a pas une large trésorerie d'abord n'a aucune raison d'être. C'est n'est pas un métier de un peigne cul, pas plus qu'une écurie de course !...».

 

 

68.           L.A.S. (init.), 4 pp. in-folio ; Korsör, «Le mardi» [17.VIII.1948]. Enveloppe. 1000/1200

Belle lettre où Céline relate une rencontre entre deux personnages pittoresques : ABRAMOVITCH, le palestinien, et COHEN, pasteur de l'Eglise Réformée française.

Le premier, en mission au Danemark, a rencontré à l'ambassade de France le pasteur Cohen qui, chose singulière, veut à Céline «... assez de bien, même contre CHARBONNIÈRE. La conversation s'est aiguillée sur ma personne... que j'étais en prison... dans la misère, etc... Surenchère de Charbonnière, que un traître comme moi aurait dû être livré, etc...». Abramovitch demande alors si «... Céline n'est... point belge ? Délicieux Abramovitch palestinien, représentant les Lettres Françaises officielles et s'étonnant que je ne sois point belge...», etc.

Au moment où Cohen prend la défense de Céline, son interlocuteur lui rétorque : «... Vous n'avez pas lu alors Les Beaux draps  !... Abramovitch ne l'a certainement pas lu non plus. Mais il le fait à l'esbroufe - Le coup porte à coup sûr avec les [Suite lot Céline n° 68]  français qui ne discutent que sur les ragots et jamais sur les faits. Ce TRAXIER est amusant. Rabateur, indicateur, provocateur, voilà un laquais de police... Ah je voudrais bien le voir en face... Il était autrefois dessinateur aux Nouvelles littéraires ! Ancien combattant ? où ?... la Police ? Je le crois morveux de ce côté précis, car lorsqu'il a reproduit une lettre de moi... il a caviardé précisément les détails sur moi, ajouté précisément : engagé vol.[ontaire] 2 guerres - médaille nov. 1914 - mutilé 75/100. Je le sens foireux. Quel métier fait ce misérable !? Pourchasseur d'Hommes traqués ? Il ne vaut pas la corde !...».

Quant à PAULHAN, «... il ne travaille que d'une fesse... forcément... Grand ami de SARTRE et consorts... Il louche, tortille du cul, gronde puis minaude... C'est à rire...».

Céline termine sa lettre en demandant à Deshayes d'établir «... la liste des écrivains - qu'Hitler a sortis de l'ombre où ils auraient pourri normalement - journalistes, hommes politiques, etc., qui doivent tout  à la folie d'HITLER, qui sont les ingrats d'Hitler... qui ont beaucoup plus profité d'Hitler que les collaborateurs !...».

 

 

69.           L.A.S. (init.), 3 pp. in-folio ; Korsör, 4.[IX.1948]. Enveloppe. 1000/1200

En proie à une crise de pessimisme, Céline expose crûment que la croisade qu'il mène avec quelques amis est vouée à l'échec, que le «cheptel» d'abrutis, y compris les Juifs qu'il défend, ne vaut pas la peine d'essayer de les défendre. Avec une ironie amère, il suggère de donner Paris et tout le Sud de la France aux  Juifs, d'autant que les jaunes et les noirs sont déjà dans la place...

«... Pensons scientifiquement, médicalement un peu, enfin. La croisade en question... c'est un guet-apens. Le cheptel est abruti, fini, décati, bon pour l'abattoir... La Race blanche coule... Il faut tirer sa pauvre épingle du jeu... Et place aux jaunes ! aux noirs ! Le problème n'est plus dans cette Byzance Yito-aryenne... Les barbares sont déjà dans la place... Le monde se fout des problèmes raciaux. Il rêve frigidaires et salles de bains et films...». S'il en avait le droit, il donnerait «... tout le Sud... aux Juifs en plus de Paris. Je trouve qu'ils souffrent en Palestine. Je ferais deux heureux d'un coup : les Juifs et les Français...».

 

 

70.           L.A.S. (init.), 3 pp. in-folio ; Korsör, 30.IX.[1948]. Enveloppe. 1000/1200

Curieuse lettre à plus d'un titre. Céline commence par ignorer superbement la lettre d'insultes qu'il a écrite trois jours plus tôt à Deshayes, puis il lui demande sa complicité pour jouer un tour pendable à une jeune et riche bienfaitrice belge qu'il qualifie à tout hasard de «cul béni», ratichonne et peut-être même d'indicatrice de police ! Il demande enfin sans complexe au pauvre Deshayes de faire preuve de tact, quand on sait que Céline est trop intelligent pour ignorer que c'est précisément la qualité qui manque le plus à son correspondant...

«... Je suis au courant de ce Gala des vaches  (où paraît pour la première fois son pamphlet contre SARTRE, «A l'agité du bocal»). PARAZ fait argent de tout. Il est malade. Il publie mes lettres, son livre autrement ne trouverait pas d'éditeur !... Il ne m'a pas demandé d'autorisation... Je l'ai traité de putain. Amen...».

Quant à l'histoire belge, il avoue n'y rien comprendre : «... Mme Feys-Vuylsteke m'est connue - de Geluwe - du genre bienfaitrice et cul béni - Je n'ai rien accepté d'elle, sinon le prêt de livres, ponctuellement renvoyés - Quel jeu joue-t-elle ? Je m'en fous. Je suis bien décidé à déclarer apocryphe tout ce qui se publiera hors de moi...». Et puisqu'il faut faire «... l'âne pour avoir du son - Faites venir cet article ou cet opuscule "Céline démasqué"...». Céline a lui-même donné à cette dame l'adresse de Deshayes : «... Donc aucune surprise. Mais ce qu'elle veut au fond ? Je n'en sais rien. Son mari était résistant belge «en Angleterre» !! Elle est riche. Brasseurs, imprimeurs. Que ce soit aussi une bourrique cela me ferait bien plaisir... Cette femme se pique de littérature, elle a publié divers opuscules moralisants, dilutions de sacristie...», etc.

L'écrivain refusa effectivement toute aide venant de Madame Jeanne Feys-Vuylsteke, à part quelques cartouches de cigarettes pour le régisseur de Mikkelsen et le service de l'Argus de la presse qui lui permit de savoir exactement ce que l'on disait de lui dans les journaux. Elle vint même jusqu'à Klarskovgaard pour y rencontrer Céline qui lui confia le manuscrit original de la préface de Bezon à travers les âges, aujourd'hui conservé à la Bibliothèque royale de Bruxelles (voir Gibault : Céline, vol. III, p. 170).

 

 

71.           L.A.S. (init.), 1 p. in-folio ; Korsör, 20 [X.1948]. Enveloppe. Joint : manuscrit autographe de DESHAYES, 15 pp. in-8 avec corrections de la main de Céline. 1000/1500

L'écrivain répond à Deshayes à propos d'un texte qu'il lui soumis et confirme être maintenant d'accord sur le principe de la publication d'un opuscule prenant sa défense. Les 15 pages que Céline retourne portent de multiples ratures et biffages, touchant parfois des passages entiers...

Dans son manuscrit, Deshayes commence par accabler longuement, et avec une étonnante virulence, Robert LE VIGAN, leur ami commun : «... Sur le plan strictement littéraire de quoi se mêle-t-il le cancre ! Il ne sait même pas tenir une plume...». Vient ensuite un passage, en partie biffé par Céline : «... A la ville comme à l'écran il faut le connaître, Robert Le Vigan, c'est Judas. Il ne peut s'empêcher de dénoncer tout et à tous et partout...». L'écrivain l'avait «... très formellement déconseillé de s'embrigader à Radio-Paris. Si l'artiste... a passé outre, c'est... que le pauvre diable... fou de la scène, ambitionnait notamment de devenir Star à la Continental ! Mais avec sa femme il travaillait aussi, hélas ! pour la Gestapo...».

Plus tard, à Siegmaringen, Céline avait encore essayé de fournir un travail respectable à Le Vigan qui un beau jour «... profitant de ce que le Dr Destouches et sa femme, occupés à lui dénicher une planque, étaient absent de leur misérable logis... s'y introduisit... et les dévalisa...», etc., etc.

Dans sa missive, Céline commente le texte ci-dessus : «... très bien, mais biffer certains passages sur Le Vigan - tout juste sorti de prison... Donc motus sur ses saloperies... Citez Jacquot certes !... C'est un roublard. - La preuve - Il s'est sorti d'affaire... Et en ce genre de sauvetages l'expérience m'assure que rien n'est absolument gratuit...».

 

 

72.           L.A.S. (init.), 1 p. in-folio ; Korsör [30.XII.1948]. Enveloppe. 500/600

Céline a changé d'avis. «... Ne publiez rien avant ma condamnation qui est proche... Après, mon Dieu ! Cela n'intéressera non plus personne. Si on s'en fout ! N'importe quel éditeur vous volera d'abord - Et vous serez bien emmerdé et inutilement emmerdé par la horde des chacals. Tel est l'avenir...».

Et, dans un court post-scriptum : «... Il faut caviarder tous les noms propres - N'ai-je pas déjà assez de haines ?...»

 

73.           L.A.S. (init.), 1 1/4 pp. in-folio ; Korsör, 4 [XI.1949]. Enveloppe. 800/1000

En 1949, Céline et Deshayes ne se sont que très peu écrit. Contrairement à ses instructions qui visaient à se faire oublier, Céline incite maintenant son correspondant à provoquer le journal Libération.

La réponse devra mettre en relief «... Qu'ils déconnent (il le savent) et justifieraient l'Hitlérisme et les Chambres à gaz et tout par leur entêtement au mensonge, à la diffamation, au meurtre...». Il faudra passer le message à PARAZ «... qui leur fera écrire aussi par des amis. C'est très important en ce moment et pour cause !...».

Céline demande de chercher un passage «... dans la préface des Beaux draps... où je fais grief aux Français de ne pas reconnaître la gloire du Maréchal de Bezons auquel nous devons l'Al. Lorraine. Je n'ai pas les  Bx draps ici, écrit sous l'occupation. Ce serait important à relever dans votre ouvrage...».

 

74.           L.A.S. (init.), 2 pp. in-folio ; Korsör, 7 [XI.1949]. Enveloppe. Joint : L.A.S. + manuscrit de DESHAYES, environ 13 pp. in-4. 1200/1500

Terrible lettre sournoise à Deshayes qui vient de lui soumettre des projets de textes vengeurs à adresser à ses ennemis. Céline n'ose pas trop le décourager, mais témoigne, une fois de plus, de son immense mépris pour l'humanité, y compris pour ses meilleurs amis.

«... Ah mon cher - vous avez fait un travail de romain. Admirable. Gardez ces papiers pour votre livre et ma défense...». Il faut pour l'heure attaquer Libération par une lettre «... faisant preuve de leur cochonnerie, de leur haine de bourrique...». Puis, toujours méfiant envers les éditeurs, et notamment celui de son correspondant : «... [Il] doit valoir les autres de son espèce ! Mensonges, crapuleries. Spéculateurs surtout sur le romantisme de l'auteur encore non imprimé. Comme le directeur de théâtre spécule sur la cabotine folle d'être vue. Et que je te l'encule, spécule, dépouille l'hystérique ! Tout le théâtre lui passe sur le ventre !...».

Dans sa lettre (1 1/2 pp. in-4) au «Cher Grand Maître», Deshayes semble heureux de pouvoir être à nouveau utile à Céline. Il lui soumet «... ces quelques notes...» et dit avoir «... travaillé... cette nuit... j'ai relu l'Ecole en jubilant : voilà le travail...». Il a recopié une lettre de l'exilé (1 2/3 pp. in-4) «Au Directeur de l'Humanité» concernant la traduction faite par ARAGON et Elsa TRIOLET du Voyage au bout de la nuit. Quant au manuscrit, il s'étend sur 9 pages où Deshayes a pris des notes d'après L'Ecole des Cadavres, vue comme suite de Bagatelle pour un massacre.

Intéressant dossier.

 

75.           L.A.S. (init.), 2 pp. in-folio ; Korsör, 12 [I.1950]. Enveloppe. 800/1000

 

Une des toutes dernières missives à Charles Deshayes, écrite par Céline quelques jours avant sa convocation devant la Cour de justice de la Seine (25.I.1950) et sa condamnation (21 février).

Il s'en prend violemment à sa bête noire du moment, Yves FARGE, résistant, président des Combattants de la Paix et de la liberté, qui lui avait imputé la paternité d'articles collaborationnistes. «... Certes... engueulez ce Fage, ce cochon atomique... Insultez-le de haut en bas, ce laquais de bourreau. Je suis malade à crever dans une cabane à 115 Kil. de Copenhague... Retenu là par les soins de bourriques français dans le genre de Farge. Je n'ai jamais écrit un article de ma vie, ni dans la Presse française, ni ici, ni ailleurs... Et je n'écrirai jamais dans un journal. Ce porc est mal renseigné. JAMAIS...». Puis, faisant allusion à sa carrière militaire, il conclut : «... Je suis mutilé de guerre... Je ne suis pas un industriel du charnier comme Farge. Charnier de mes concitoyens ! Rien de commun !...».

 

76.           L.A.S. (init.), 1 p. in-folio ; Korsör, 26 [IV.1950]. Enveloppe. 1000/1200

Le 21 février 1950, la Cour de Justice a rendu son arrêt : Céline est condamné à un an d'emprisonnement, à 50.000 francs d'amende et à l'indignité nationale. La bataille semble perdue et l'écrivain exprime ici son dégoût et son mépris de l'actuel «... monde entièrement matérialiste...».

«Oh cher ami, je n'y crois pas du tout à l'Amnistie ou aux Amnisties... Ramtamtam électoral et cureton et Tartufe. En attendant on crève. C'est tout...». En France, le Communisme fait son chemin : «... on conseve les places... C'est du fanatisme fonctionnarisé. Les cocos veulent les places... Que l'Armée russe leur apporte la Révolution et les places. Le monde est entièrement matérialiste. Il n'y a plus d'idées. Il y a des places... Que tout cela manque d'intérêt...»

Un an plus tard, le 25 avril 1951, le Tribunal militaire de Paris ordonnait l'amnistie de Louis Destouches et le 1er juillet suivant, Céline, Lucette, leurs chiens et leur chat Bébert regagnaient la France après sept ans d'exil.

 

 

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77.                CHABRIER Emmanuel (1841-1894) Compositeur. Son Habanera, rapportée d'un voyage en Espagne, lui donna la célébrité - L.A.S., 1 p. in-8 ; Paris, 18.IX.1888. 150/200

A un ami nommé «Gouzien» qu'il remercie très chaleureusement : «Merci, ... merci, camarade, très touché de votre affectueux souvenir, je vous envoie un paquet de bonnes amitiés...», auxquelles il ajoute des «hommages empressés à Madame et... un gros baiser à la charmante rejolie !».

 

78.                CHAPELAIN Jean (1595-1674) Poète français, auteur de la Pucelle. L'un des fondateurs de l'Académie française - L.A.S., 2 pp. in-4 ; Paris, 23.X.1664. 1000/1200

Très intéressante missive d'argument littéraire, adressée au savant et écrivain florentin Carlo DATI (1619-1676), disciple de Galilée et auteur d'un traité sur la langue toscane. Chapelain lui dit son admiration «... di verso e di prosa...», le remercie pour les divers envois qu'il lui a fait parvenir, ainsi que pour le sonnet «... di quei belli che Ella sa fare e che da pochissimi... potrebbe esser agguagliato, si nel concetto, si nella sublimità, si nella spiegatura...».

Il reste dans l'attente d'un «Panegirico sopra le virtù del fu Cavalier Cassiano del Pozzo», des «Orazioni de' chiari letterati», etc., et lui promet de citer son nom à la Cour de France comme l'un des plus «... famosi dei quali la vostra inclita Firenze si pregi...», etc.

 

79.                CHARCOT Jean (1867-1936) Médecin et explorateur polaire, il périt en mer avec son équipage lors d'un dernier voyage du Pourquoi pas ? - L.A.S., 2 pp. in-12 obl. ; Bougival, 5.VIII.1910. En-tête imprimé. 150/200

Message de sympathie écrit sur papier à l'en-tête de la «Deuxième Expédition antarctique française, 1908-1910», voyage qui lui permit de compléter et de préciser la carte des régions australes du globe depuis l'archipel Palmer jusqu'à la Terre Charcot. Le légendaire explorateur remercie son correspondant pour l'envoi «... que mon collaborateur Mr Rouch me fait parvenir... je suis extrêmement touché également de votre beaucoup trop flatteuse dédicace...».

 

80.                CHARLES X de France (1757-1836) Roi de 1824 à 1830, frère de Louis XVI et de Louis XVIII - P.S. «Charles Philippe», avec deux lignes autographes, 1 p. in-folio ; [Versailles, 8.XII.1786]. 250/300

 

La Taille présente au Comte d'Artois la requête du Sieur Pauline concernant une maison de jeu dont la vente va lui retirer son état. Ayant trop peu de moyens pour l'acquérir lui-même, il demande la conciergerie de cette maison au cas où l'Etat en ferait l'acquisition. Au bas de la lettre, à lui adressée, le futur Charles X appuit «instamment» cette proposition auprès de Monsieur d'Angiviller (Ch.-Claude d'ANGIVILLIER, directeur général des bâtiments du roi, mort dans un couvent russe en 1810).

 

81.                CHATEAUBRIAND, François-René, vicomte de (1768-1848) Ecrivain et homme politique royaliste - Annotations autographes sur L.S. (1 p. in-4) du marquis Aimé-Marie-Gaspard de CLERMONT-TONNERRE (1779-1865, général et ministre) ; Paris, mi-avril 1823 (ou 1824 ?). 300/350

Curieuse missive destinée à l'ambassadeur d'Angleterre, Sir Charles STUART, émanant du ministre de la Marine, le futur duc de Clermont-Tonnerre. Il s'agit vraisemblablement du texte que ce dernier avait fait préparer avant de le soumettre au département des Affaires étrangères, également concerné. Alors ministre dans le gouvernement Villèle depuis le 28 décembre 1822, Chateaubriand, en fin diplomate, y a apporté des corrections pour éviter de froisser la susceptibilité du destinataire à un moment où la politique de la France en Europe était fort critiquée à la suite de son intervention en Espagne.

Le ministre des Affaires étrangères a pris soin de rayer de sa main certains mots, qu'il a remplacés par d'autres, jugés sans doute par lui plus appropriés ; ainsi la phrase «J'ai reçu de Votre Excellence, en date du 14 Avril, une lettre qui a assurément été surprise à Son inattention. Je crois devoir Vous prévenir que Je l'ai transmise à...» est-elle devenue : «J'ai reçu, en date du 14 Avril, une lettre qui m'a paru avoir été surprise à Votre Excellence. Je me suis empressé de la transmettre à...», etc. Le marquis de Clermont-Tonnerre semble vouloir signifier à Sir Stuart la nécessité de passer par le ministre des Affaires étrangères, «... attendu que c'est par Son intermédiaire seulement que je puis régulièrement recevoir les communications qui intéressent le Service ou les Sujets des Puissances étrangères...».

Le 7 avril, les troupes françaises avaient franchi la Bidassoa et, le 17 avril, elles entraient dans Vitoria, alors que le roi d'Espagne Ferdinand VII et son gouvernement se repliaient sur Séville.

 

82.                CHATEAUBRIAND, François-René, vicomte de - L.A.S., 3 pp. in-4 ; Paris, 24.VII.1828. Légers défauts. 1000/1200

1828 : Chateaubriand se retrouve au centre d'un tourbillon politique. Ambassadeur de France à Rome, il avait démissionné au moment de la formation du gouvernement Polignac dont il désapprouvait les orientations.

Il s'adresse ici au nouveau ministre de la Guerre, le vicomte de Caux, lui suggérant de choisir le prestigieux général Sébastiani pour commander l'expédition de Morée, et soulignant les importantes retombées politiques qu'entraînerait un tel choix pour la Monarchie. Envoyer Sébastiani en Morée «... seroit le choix politique le plus heureux... il scindroit l'opposition de gauche, et vous mettroit à même de vous passer de celle de droite... ; il vous donneroit un orateur à la tribune et un défenseur instruit et capable...». De plus, ce général «... tient par ses alliances à toutes les familles dévouées au Roi. Croyez-moi... ne laissez pas échapper cette occasion, peut-être unique, de faire une chose que je réclame depuis longtemps pour affermir le ministère... Il n'y a pas vingt personnes à remplacer ou à déplacer, pour vous assurer la Majorité par les hommes...», etc.

Cet important «avertissement» ne fut semble-t-il pas retenu : le maréchal Maison commanda l'expédition de Morée, la politique de Polignac rendit son gouvernement impopulaire et, en juillet 1830, Charles X exilé, des hommes nouveaux prirent le pouvoir en France.

 

83.                CHAUVEAU-LAGARDE Claude-François (1756-1841) Avocat et magistrat, défenseur malheureux de Brissot, Charlotte Corday et Marie-Antoinette - P.A., 3 pp. in-8 ; sans date. 300/400

Poème délicieusement libertin (sorti de la plume d'un magistrat !), intitulé «La chose et le mot», 48 vers titrés «Couplets aux dames. Sur l'air de la Soirée orageuse». Voici quelques extraits de cette composition, pour le moins originale, jouant avec les deux noms titre :

 

«Mes dames, quel est votre mot,

et sur le mot et sur la chose ?

On vous a dit souvent le mot :

On vous a dit souvent la chose...

et je parirais que le mot

Vous plaît... beaucoup moins que la chose.

.......................................................

Et bien ! je veux par un seul mot,

Nous mettre d'accord sur la chose.

Mes dames passez-moi le mot...

et je vous passerai la chose...», etc.

 

84.                CHOISEUL, Etienne-François, duc de (1719-1785) Ministre de Louis XV, protégé de Madame de Pompadour - L.A.S., 1 1/2 pp. in-4 ; Fontainebleau, 18.XI.1770. 150/200

 

Il informe la duchesse d'Orléans que le roi vient d'accorder au marquis de Guyon une place de colonel surnuméraire dans le corps des grenadiers. «... Sa M.té s'est déterminée à cette grâce extraordinaire quand Elle a seu l'intérêt qu'y prenoit V. A. S. et que le grade de Colonel favoriserait le mariage de M.elle de Herbeck que V. A. S. honore de sa protection...», etc.

Le duc de Choiseul quitta cette année-là le ministère de la Marine.

 

85.                CHOISEUL, Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de (1734-1801) Epouse du ministre dès 1750, petite-fille du riche financier Crozat du Châtel, de Chanteloup. Voltaire fut en corres-pondance avec elle - L.A., signée de son paraphe (un simple trait), 3 pp. in-8 ; Chanteloup, 15 (I.1767/68 ?). 300/350

Dans cette délicieuse lettre à Madame du DEFFAND, la duchesse de Choiseul décrit avec infiniment de charme et de délicatesse sa vie luxueusement solitaire à Chanteloup ; elle se laisse aller à d'originales comparaisons philosophiques entre la vieillesse dédommagée par l'expérience et la jeunesse «dupée», la fraîcheur primesautière de sa «jeune servante» ; elle évoque la tendresse qu'elle voue à «sa petite fille» (c'est en effet ainsi qu'elle appelait la destinataire de sa lettre, de 37 ans son aînée, avec laquelle elle avait inversé les rôles - Voir ci-dessous), sentiments qui ne s'évanouiront pas comme un songe...

Voici de courts extraits de cette longue et charmante missive qui mériterait une citation complète : «... Je n'ai jamais eu de la jeunesse que cette heureuse duperie que l'on m'a si tôt et si inhumainement arrachée, mais ce n'est pas le regret de sa perte qui me fait chercher la solitude... j'étais jeune et dupe, je vis dans l'espérance de l'être encore (dupe d'antant)... Ici... la nuit je dors, le jour je rêve, et ces plaisirs si doux, si passifs, si bêtes, sont précisément ceux qui me conviennent le mieux. Mme de Maintenon qui avouait, quoique femme, qu'elle connaissait l'ennui, ... ne connaissait ni vous, ni vos lettres...», etc.

Il ne fait aucun doute que la jeune duchesse de Choiseul s'adresse ici à son amie, la célèbre marquise du DEFFAND (1697-1780) ; devenue aveugle dès 1753, celle-ci s'était prise en 1765 d'une sorte d'ardente amitié amoureuse pour Horace WALPOLE, de vingt ans son cadet, qui fit le tourment et le charme de sa vieillesse. La correspondance de Voltaire nous apprend en effet qu'à cette époque Louise-Honorine Crozat du Châtel s'adressait à Madame du Deffand comme à sa «petite fille», alors que la vieille dame l'appelait dans ses missives «petite mère» ou «grand maman» !

 

86.                CHRISTINE de France (1606-1663) Duchesse de Savoie, fille d'Henri IV et de Marie de Médicis. Elle défendit avec beaucoup d'habileté l'indépendance de ses Etats, tout en restant loyale vis-à-vis de la France - L.S. «Chrestienne», avec une douzaine de lignes autographes, 1 p. in-folio ; Mondovì, 6.X.1642. 400/500

Missive adressée à la marquise Villa, épouse d'un général piémontais et membre de sa Cour, concernant sa fille la princesse Henriette-Adelaïde, terrassée par des accès de fièvre. Christine de France lui demande d'exercer la charge de gouvernante sur sa personne, «... que vous agissiez en tout avec l'affection et l'ardeur que je me promets de vous. J'envoye quelques chapelets..., tels qu'on les a pu trouver icy, et demain je continue mon voyage pour Turin...», etc.

La jeune Henriette-Adelaïde de Savoie, alors agée de six ans, épousera huit ans plus tard l'Electeur de Bavière Ferdinand-Marie ; celui-ci fera construire pour elle le paisible Nymphenbourg de Munich.

 

87.           [Chine] CLAUDEL Paul (1868-1955) Ecrivain et diplomate - L.A.S., 3 pp. in-8 ; Shangai, 20.IX.1898. En-tête du vice-consulat de Foutcheou. 200/250

Nommé vice-consul de France en Chine, le poète s'apprête à quitter Shangai pour Foutcheou, sa nouvelle destination. Il répond ici assez vertement à Alfred VALLETTE qui lui avait proposé de continuer au Mercure de France la collaboration qu'il donnait à la Revue Blanche, collaboration à laquelle Claudel avait mis fin en raison de «... l'attitude politique de ce dernier périodique... Malheureusement votre refus de me faire le service de la publication que vous dirigez m'a enlevé tout motif pratique...». Il aurait souhaité proposer au Mercure les «... quatre petits poèmes en prose...» se trouvant déjà entre les mains de Fénéon, mais ce dernier n'a absolument pas voulu les lui rendre, etc. Paul Claudel remercie d'autre part Monsieur Vallette pour l'envoi des «Oeuvres d'Arthur Rimbaud».

Notons que c'est à la suite d'une lecture des oeuvres de Rimbaud et une messe écoutée à Notre-Dame que le poète se convertit en 1886 à un catholicisme brûlant.

 

88.                CLAUDEL Paul - Photo originale, in-4, cliché Thérèse LE PRAT (1955). 500/600

Superbe portrait en buste, de face, signé à l'encre blanche par le photographe dans le coin inférieur droit. Cachets au dos. Une des toutes dernières photographies de l'écrivain (décédé le 23 février 1955) dans un tirage d'époque.

 

89.                CLÉMENCEAU Georges (1841-1929) Journaliste et homme d'Etat. Président du Conseil en 1918, l'heureuse issue de la Première Guerre mondiale le fit surnommer le «père de la victoire» - Manuscrit autographe, 8 pp. in-4 ; Karlsbad (vers 1896/1898 ?). 600/800

 

Etonnant reportage évoquant un voyage effectué en Orient Express dont la destination est Karlsbad (Karlovy-Vary, en Tchèque), localité longtemps célèbre pour ses eaux minérales et ses dix-sept sources thermales.

Dans ces «Notes de voyage», Clémenceau évoque avec humour sa traversée en train du coeur de l'Europe, puis se livre à une féroce descente en flammes, incroyablement lyrique, de la nature germanique, avec un réjouissant parti pris contre tout ce qui bouge : herbes, arbres, rivières, paysans terreux, femmes blêmes aux cheveux et regards... jaunes, corbeaux muets, constructions de briques et de bois noircis, etc.

«... Des pins, des pins partout, malingres, souffreteux, feuillage sombre et tronc noir... Dans la plaine ils s'avancent par troupes séparées, alignées en formations militaires. On dirait des soldats... Il y a des plaques de moissons... La moisson mûrit toute blanche dans cette tristesse noire... Enfin nous franchissons la frontière à Eger. L'amabilité souriante de l'Autrichien nous fait accueil... Nous arrivons à Carlsbad. Que de peines pour boire une eau saumâtre à 79 degrés ! ... Carlsbad c'est le Vichy de l'Europe orientale... Le Sprüdel est un gros jet d'eau chaude... Les hommes viennent demander à ce bon génie de la terre l'heureuse santé que Lourdes n'accorde qu'à de trop rares élus...», etc., etc.

 

90.                COLETTE, Sidonie Gabrielle Colette, dite (1873-1954) Femme de lettres - L.A.S., 2 1/2 pp.in-8 ; Paris «Hôtel Claridge» (février 1932 ?). 400/500

A Germaine PATAS, propriétaire d'une maison de couture du faubourg Saint-Honoré. Les deux femmes étaient très liées et Colette séjourna souvent en été chez cette amie.

Elle a reçu, au Claridge où elle réside, les œufs que lui a offerts sa correspondante : «... Comme c'est joli un œuf ! Comme cette forme et cette matière donnent une idée de perfection !...». Maurice Goudeket, son futur époux, est quant à lui aux prises avec l'architecte chargé de l'installation du magasin de parfums de la rue de Miromesnil : «... Question de cabinet, c'est le cas de la dire...».

En 1932, l'inlassable besoin d'activité de Colette s'ajoutant aux effets de la crise, la poussa à fonder, rue de Miromesnil, un magasin de produits de beauté auquel sa gloire valut quelques chalands. Non contente d'essayer de vendre ses produits, elle pratiqua le maquillage dont les malheureux essais sont racontés par Natalie Clifford Barney dans ses Souvenirs (v. Pichois - Album Colette).

 

91.                COLETTE - L.A.S., 2 pp. in-4 ; (En voyage, début juin 1935). 800/1000

Partie du Havre le 29 mai, la romancière participait à la croisière inaugurale du prestigieux transatlantique «Normandie», officiellement comme invitée chargée d'écrire chaque jours un article. Après trois jours de fêtes à New York, elle reviendra à Paris sur le même paquebot, toujours accompagnée de Maurice Goudeket qu'elle avait épousé le 3 avril précédent afin de pouvoir occuper une seule et même chambre dans la puritaine Amérique !

Ecrite sur un papier à l'en-tête du «Normandie», cette lettre, précise Colette à son amie Germaine PATAT, «... vous arrivera en même temps que moi. Nous n'avons aucune chance qu'un courrier, avant le "Normandie", vous l'apporte...» ; ce paquebot venait en effet de conquérir le ruban bleu attribué au bateau le plus rapide. «... Tout va bien. - poursuit-elle - Mais écrire un papier tous les jours, même court, même mal fichu, ce n'est pas un plaisir. Et tout, sauf les cabines, manque incroyablement d'intimité, du moins dans les Premières. Les secondes, et la "classe touriste" sont beaucoup mieux. Nous aimerions tous déjeuner et dîner ailleurs que dans la cathédrale-à-manger, mais... Que de choses à vous raconter...» lorsqu'elle aura retrouvé la «... longue table de notre studio. Hier soir, brouillard : allons-nous conserver notre record ? La voix de la sirène a troublé la soirée théâtrale... Mon enfant très chère, je vous embrasse. Et je compte les jours. Maurice... baise vos petites pattes. Je vous aime tendrement...».

Une des plus belles missives de Colette à son amie couturière dont l'écrivain semble avoir fort apprécié le travail : «... La robe blanche est superbe !... Je dis la blanche parce que je n'ai encore mis que celle-là...».

 

92.                COLETTE - L.A.S., 2 pp. in-4 ; (St-Tropez, printemps 1936 ?). 500/600

Germaine PATAT s'apprête à partir pour l'Italie : «... Onze livres ! Je n'ai d'abord vu que cela dans votre lettre... Onze livres, c'est énorme. C'est tout un travail que de refaire onze livres ! Appliquez-vous-y de toutes vos forces. Que votre voyage me plaît !...». Elle lui prodigue des conseils, plaisante sur le fait qu'elle ait décidé ce voyage en solitaire, ce dont elle doute quelque peu : «... Méfiez-vous de Venise, qui n'est pas un climat bon pour vous en été. Et dites bonjour pour moi à la Villa d'Este [à Cernobbio, sur le lac de Côme] que j'ai habitée longtemps pendant la guerre. Bon lac lénitif et tranquille... Vous allez en auto, j'imagine. (Et en mauvaise fille, en vraie fille qui se cache, vous ne me dites pas avec qui !!!). Tout ça me plaît énormément... Sans date précise de retour ? Voilà qui est encore mieux...».

«... Merci pour tout ce que vous me dites pour la cravate...», poursuit-elle, faisant allusion à sa promotion toute récente (26.II.1936) à Commandeur de la Légion d'Honneur, avant de parler de son séjour à La Treille muscate, sa résidence tropézienne, où elle jouit d'un temps adorable : «... J'ai repris mes promenades à l'aube, et j'ai souvent à lutter contre cette jambe, qui porte la peine d'avoir manqué d'un bon chirurgien...», jambe qu'elle s'était fracturée en septembre 1931.

Elle dit enfin attendre le retour de Maurice Goudeket, son troisième mari, «... qui fait merveille dans l'affaire...», etc.

 

93.                COLETTE - L.A.S., 1 p. in-4 ; hiver 1936/37 ? 300/350

A la même. «Bonjour mon enfant chéri, J'ai été assez malade... Je me tiens peinarde et prudente... Avez-vous besoin d'une jeune russe, bonne famille, jolie, parlant 5 langues ? Elle est comme beaucoup de jeunes russes ou pas russes, il faut qu'elle gagne sa vie... Au nom du ciel, n'ayez pas froid par ce temps de métal coupant... Tendrement à vous...».

 

 

94.                COLETTE - L.A.S., 4 pp. in-4 ; Paris «1er janvier» (1939). 600/800

L'année 1938 avait vu la vente de sa résidence tropézienne, l'installation du couple Goudeket au 9 de la rue de Beaujolais et, depuis octobre, l'adaptation au théâtre Saint-Georges à Paris de Duo, retravaillé par Paul Géraldy.

S'adressant toujours à Germaine PATAT : «... Ce que j'ai fait pour Noël ? Rien. Un peu de travail, et de la fatigue de froid. Pour le 31 ? Dîner chez Mandor ou tout comme... Attablés à 10 h 1/2, nous avons dû... disparaître à minuit moins 15 pour courir (pluie, pluie) au St Georges, où l'on buvait la coupe de champagne de la centième [de Duo]... Là, c'était paisible : le Directeur et sa femme, l'auteur, trois interprètes sur quatre et les machinistes, sur la scène, dans le décor. En vingt minutes tout était dit et chacun courait vers sont lit...».

Le jour de l'An, Colette et Maurice sont allés dejeuner à Versailles : «... Oui, au Trianon, comme des bourgeois de 1900. Douze maîtres d'hôtel pour huit clients. Et un orchestre maigre et distingué qui joue des pavanes ! Nous en avions le fou rire... Ça avait l'air d'un film d'avant-guerre... Le vent était d'ouest et en bourrasques, c'était bien agréable...».

Maurice Goudeket, son époux, employé comme journaliste à Paris-Soir, a beaucoup de travail d'autant que Pierre Lazareff «... va se reposer, dix jours...» ; de toutes parts lui sont venus des compliments, «... Et il a deux radios-causeries cette semaine...».

 

 

95.                COLETTE - L.A.S., 2 pp. in-4 ; (Paris, début janvier 1940). En-tête à son adresse : «9, rue de Beaujolais». 500/600

Le deuxième conflit mondial vient d'éclater et Colette, s'adressant à son amie Germaine PATAT, s'exclame : «C'est bien la première fois... que je laisse passer le 1er janvier sans vous écrire tendrement... La guerre ne m'excuse en rien... Mais il a fallu que je m'occupe... de moi et de cette sacrée foutue venimeuse emmerdatoire arthrite de la hanche. J'écris exprès des gros mots, comme on crache par terre pour conjurer le sort...». Les traitements ne donnent pas les effets espérés ; quant aux radiographies, «... grâce à la mobilisation des médecins, je n'ai encore ni les planches, ni les avis médicaux...», ce qui met la romancière dans une humeur exécrable, sauf quand elle pense à sa correspondante... «... Revenez bien rose. J'aurai sûrement mille histoires à vous raconter, de ces histoires sans importance qui vous font rire avec tant d'abandon...», etc.

 

96.                COMBES Emile (1835-1921) Homme d'Etat. Anticlérical forcené, il déposa le projet de loi sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Président du Conseil de 1902 à 1905 - Manuscrit A.S., 5 1/4 pp. in-4 ; Paris, vers 1915. 300/400

Important discours datant de la première Guerre mondiale, appelant à l'unité de la patrie au-delà des divisions de partis pour la victoire : «... Mes chers collègues... la France était acquise sans réserve à l'oeuvre féconde de la paix et elle en donnait à tout propos les témoignages les moins équivoques, quand elle a été surprise par l'agression la plus brutale et la plus perfidement combinée. Elle... s'est levée d'un seul élan pour défendre avec des moyens bien incomplets tout d'abord son territoire envahi et c'est grâce seulement aux vertus guerrières de ses soldats qu'elle a pu contenir et restreindre l'invasion...», etc.

La victoire n'était hélas pas imminente et il fallait encore passer, entre autres, par le «Chemin des Dames» : 40.000 tués, 90.000 blessés, 20.000 prisonniers...

 

97.           CONDÉ, Louis II de Bourbon (1621-1686) Célèbre général surnommé «le Grand Condé» - Rare L.A.S., 1 p. in-4 ; Tarascon, 29.VII.1642. Adresse autographe et cachet sur fils de soie. 500/600

Importante lettre militaire écrite pendant la guerre de Trente Ans, alors que l'armée française, commandée par le Grand Condé, alors duc d'Enghien, était en campagne en Roussillon contre les Espagnols.

Turenne assiégeait Perpignan, qui allait capituler le 9 septembre suivant, et son commandant, Louis II de Bourbon, s'apprêtait à lui venir en aide sur ordre du cardinal de Richelieu. Condé en informe le maréchal de Guiche : «... Les ennemis s'estant un peu avancés du costé de Perpignan, Monsieur le Cardinal m'a comandé d'y aller... je partiray d'icy dans un jour ou deux. S'il se fait quelque chose de considérable je vous manderoy...».

Passé sous les ordre du duc d'Enghien, le maréchal de Guiche le suivra dans les Flandres, puis en Allemagne, contribuant à la sanglante victoire de Nördlingen (6.VIII.1645) où il sera cependant fait prisonnier par les Bavarois.

 

98.           CONTI, François de Bourbon- (c. 1556-1614) Troisième fils de Louis Ier de Bourbon-Condé, cousin d'Henri IV. Il était le frère du cardinal de Bourbon, nommé par les Ligueurs «roi Charles X» - P.S. «Francoys de Bourbon», 1 p. in-4 obl. sur parchemin ; (Paris), 10.X.1596. 100/150

Le prince de Conti, premier de la lignée des Bourbons, donne ici reçu de la somme de 1000 écus, acompte sur les 8000 que le roi Henri IV «... à Nous a ordonné par le supplément de la pension ordinaire qu'il plust à Sa M.té nous donner en la présente année...».

En 1605, François de Bourbon-Conti se remariera avec la fille d'Henri de Guise, dit le Balafré, laquelle menait dès sa jeunesse une vie tellement galante qu'il n'y avait - disent les historiens - «que le prince de Conti capable de l'épouser» ! Les contemporains de ce dernier le décrivent comme un homme stupide et complètement dépourvu d'intelligence. Henri IV n'eut donc aucune difficulté à l'attirer dans son camp, à la différence de son frère, le cardinal de Bourbon, l'un des chefs ligueurs qui mourut en prison.

 

99.           CONTI, Louis-François de Bourbon- (1717-1776) Duc de Mercoeur, généralissime des armées de France et d'Espagne en Italie, puis en Allemagne et aux Pays-Bas. En 1746, il s'empara de Mons et de Charleroi. Malgré ses succès, il ne fut point en faveur de Louis XV et en 1756 Madame de Pompadour le fit écarter des armées - L.A.S., 2 pp. in-folio ; (Paris, 1736 ?). 250/300

Rare lettre adressée à LOUIS XV, dont le prince de Conti sera pendant quelques temps le chef de la diplomatie occulte. «... Sire, Aussy sensible que je le dois aux bontés de Votre Majesté et à la part qu'elle veut bien prendre à la grande perte que je viens de faire, je la supplie d'en recevoir mes très humbles remerciemens avec les protestations de l'attachement sans bornes...», etc.

La jeune épouse de Louis-François de Bourbon, Louise-Diane d'Orléans, fille du Régent, étant morte le 26 septembre 1736, il n'est pas impossible que cette missise se rapporte à ce douloureux événement.

 

100.                CUSTINE, Astolphe, marquis de (1790-1857) Voyageur et littérateur, petit-fils du général condamné à mort par le tribunal révolutionnaire en 1793 - L.A.S., 4 pp. in-8 ; St Gratien, 7.X.1838. 300/400

Intéressante missive à l'éditeur parisien LADVOCAT, concernant la publication de son roman «Ethel» et la réimpression de son ouvrage sur «L'Espagne». Le projet d'acte que lui a fait avoir son correspondant vient, selon Custine, compliquer les choses : «... vous me mettez dans l'impossibilité d'accéder aux nouvelles propositions que vous me faites. Voici nos conventions primitives : ... Je vous vends la première édition d'un roman en deux volumes...», dont il accepte le nouveau titre «Ethel», contre deux mille francs et 25 exemplaires d'auteur. Quant à L'Espagne, les conditions établies l'année précédente restent valables. L'écrivain précise en outre qu'il ne tient pas à «... vous présenter le premier livre d'Ethel  avant que le second soit entièrement corrigé, parce que je craindrais de nuire à mon travail... J'ai été mécontent de vos paroles, l'année dernière...», etc.

 

101.                D'ANNUNZIO Gabriele (1863-1938) Ecrivain et patriote italien, il fut l'un des hommes les plus influents du début du XXe siècle - L.A.S., 3 pp. in-8 ; «Ce jeudi» (Paris, vers 1911). 200/250

A l'acteur et directeur de théâtre Abel DEVAL (1863-1938), premier interprète en 1898 du personnage de Léonard dans la Ville Morte de Gabriele d'Annunzio.

Ayant appris que Tristan Bernard était à Paris, l'écrivain suggère à Deval, si la nouvelle se révélait exacte, d'organiser «... un colloque résolutif...» permettant de «... prendre une décision ferme avant mon départ...» prévu au plus tard le lundi suivant, etc.

Il s'agissait probablement de mettre sur pied une collaboration théâtrale entre Deval, directeur de l'Athénée, et les deux écrivains qui envisageaient vraisemblablement un travail de co-auteurs pour une pièce à donner sur cette scène parisienne.

 

102.                D'ANNUNZIO Gabriele - L.A.S., 4 pp. in-4 ; Paris, 20.VII.[1913]. Joli petit en-tête gravé représentant une couronne de feuillages avec en son centre les mots «Per non dormire» (Pour ne pas dormir). Pièce jointe. 400/500

Belle correspondance d'argument artistique !

«... Le grand souvenir que j'ai de la Ville morte, et de son interprète admirable est avivé en moi par une sorte de pressentiment d'une nouvelle alliance. J'ai toujours pensé que je vous aurais retrouvé sur le chemin de la poésie...», écrit d'Annunzio à l'acteur et directeur de théâtre Abel DEVAL (1863-1938) ; il prépare pour la scène un drame dont la version française sera prête vers la mi-septembre ; Berthe Bady est déjà de la partie ; il s'agit «... d'une pièce moderne, à cinq personnages, dans des décors simples, rapide et claire... Avant de prendre d'autres engagements, je demande au sobre et pathétique Léonard [de la Ville morte] s'il lui serait possible de jouer, non seulement en directeur mais en acteur...», le rôle que l'auteur lui réserve, «... une création magnifique...», etc.

On joint le télégramme que Gabriele d'Annunzio envoya à Deval de Saint-Jean-de-Luz, le 25 juillet, pour lui confirmer sa présence à Paris lors du retour de l'acteur dans la capitale.

Le 14 décembre 1913 eut lieu au théâtre de la Porte Saint-Martin la première du «Chèvrefeuille», drame auquel d'Annunzio avait donné le titre italien de «Il Ferro».

 

103.                DAUDET Alphonse (1840-1897) Romancier et auteur de théâtre d'une grande sensibilité humaine et artistique - L.A.S., 1 1/2 pp. in-8 ; (Paris, vers 1874). 250/350

 

«Mon cher Wittmann, - écrit Daudet à Emile W., sous le nom duquel avaient été imprimés en 1869, à Bruxelles, Les Chants de Maldoror de Lautréamont - J'ai un roman... tout près d'être terminé, mais c'est toute une affaire ce roman...» ; il l'a en effet donné à un éditeur parisien qui en interdit la publication en avant-première dans tous les journaux. «... Le livre paraîtra, illustré de fort jolies aquarelles... C'est un livre gai, un voyage comique en Suisse, très chaste...». Daudet suggère de suivre l'exemple d''un important journal parisien qui propose à son éditeur de «... prendre l'édition allemande, car il y en aura une faite à Paris, illustrée aussi, et la donner en prime à vos abonnés et lecteurs avec un fort rabais...», etc. L'écrivain, qui déménage, vit «... une semaine horrible...» ; il donne sa nouvelle adresse : «31 rue Bellechasse».

Le roman dont il est question dans cette missive pourrait être «Fromont jeune et Risler aîné», paru en 1874.

 

104.                DÉROULÈDE Paul (1846-1914) Ecrivain et homme politique, il personnifia un nationalisme revanchard et cocardier - Manuscrit A.S. («P. M. J. D.»), 1 p. in-folio ; décembre 1865. Défraîchi dans sa moitié inférieure. 150/200

Long et curieux «poème» de jeunesse au contenu hautement patriotique, ayant pour titre «Aux Etudiants qui ont volé le drapeau Français à Liège» et commençant ainsi : «Si vous l'aimez, enfants, cette mère-patrie / Et si vous souffrez de ses maux : / Pourquoi montrer à tous la mamelle meurtrie / Et les coups qu'elle porte au dos ? /... si tout l'univers est un vaste problème / Posé devant l'homme ; Je sais / Que l'honneur d'un pays n'appartient qu'à lui-même, / Et ... Que le drapeau de France est la robe sacrée / Qui doit couvrir sa nudité, / Et ne la laisser voir à l'Europe atterrée / Que dans sa force et sa beauté...».

 

105.         DUKAS Paul (1865-1935) Compositeur, auteur entre autres d'Ariane et Barbe-Bleue, une des oeuvre marquantes du théâtre lyrique contemporain - L.A.S., 1 p. in-8 ; «Mercredi» (Paris, 10.X.1928). Adresse autographe au dos. 200/250

«Pneumatique» adressé au pianiste Alfred CORTOT : «... Nouveau contretemps ! Je reçois une convocation des Beaux-Arts... Difficile de manquer à cette séance de rentrée. Et plus difficile encore - m'y rendant - d'être rue Singer à 6 h. Alors... c'est moi qui ferai le petit voyage...", etc.

 

 

106.         DU PONT de Nemours, Pierre-Samuel (1739-1817) Economiste, homme politique et agriculteur, il se réfugia aux Etats-Unis après le coup d'Etat du 18-Fructidor. En 1783, il avait été chargé par Vergennes de préparer les bases du traité qui devait consacrer l'indépendance du nouvel état américain - P.S., 1/2 p. in-4 ; Paris, 5.IV.1814. Adresse et cachet de cire. 500/600

Très rare document signé en tant que «Secrétaire général du Gouvernement provisoire», gouvernement qui ne dura qu'un seul mois entre l'abdication de Napoléon Ier à Fontainebleau et le retour de Louis XVIII à Paris.

Dupont de Nemours ordonne à Monsieur Demersan, «Référendaire à la Cour des Comptes» de se rendre de suite au palais de TALLEYRAND «... pour y attendre les ordres qui lui seront donnés...».

Rappelons que, déchu de ses prérogatives par le Sénat le jour précédent, Napoléon Ier avait abdiqué le 4 avril en faveur du roi de Rome ; le 5, jour où fut écrit le présent document, l'armée chargée de la défense de Paris se rendait aux Autrichiens (sur un ordre dont on ne connaît pas l'auteur : peut-être Talleyrand ?). Le 6, l'empereur abdiquait sans conditions et le 20 il faisait ses adieux en quittant Fontainebleau pour l'île d'Elbe.

 

107.         DU PONT de Nemours, Madame (XVIIIe-XIXe) Femme du précédent, mère du célèbre chimiste et industriel américain - L.A.S., 1 p. in-4 ; Paris, 9.IV.1827. Adresse autographe. 100/150

Issue, comme son époux, d'une famille de protestants, Madame Dupont de Nemours, après la mort de son mari, s'est retirée à Paris. Ses enfants, restés aux Etats-Unis, sont devenus de riches industriels. On s'étonne donc de la voir ici prier sa propriétaire de lui accorder pour la troisième fois la possibilité de remettre le paiement de son loyer au mois de «... Juillet et Janvier, étant les moments où je me trouve toujours plus en fonds...» !

 

108.                FEUILLET de CONCHES, Félix-Sébastien (1798-1887) Fonctionnaire d'Etat, il avait formé une collection d'autographes d'une authenticité parfois douteuse dont certains étaient vraisemblablement son oeuvre - L.A.S., 4 pp. in-8 ; (Paris, 17.IX.1856). 100/150

Dans cette longue lettre à l'érudit Charles-Louis LIVET (1828-1896, auteur entre autres d'ouvrages sur la vie et les moeurs au XVIIème siècle, d'une réédition du «Dictionnaire des précieuses», etc.), Feuillet de Conches retrace la vie d'un certain Izarn (ou Isarn) né à Castres en 1637, «... fils du greffier de la chambre de l'édit. Ami de Pellisson, ... distingué par Colbert... La publication de sa pistole parlante lui concilia toute la bienveillance de son patron...». Après diverses missions confiées par Colbert, cet «... homme d'esprit devint homme de Cour. Il demeurait chez M. de Seignelay. Un jour qu'il était indisposé et gardait la chambre, un domestique l'enferma et l'oublia. Il se trouva mal, et, quand on songea à entrer chez lui, il étoit mort...». Cet Izarn ayant eu semble-t-il un frère, Feuillet de Conches voudrait en examiner «... les autographes signés... [Isarn-Greses] et Isarn le pensif. Je crois que c'est une même main qui a signé...», etc.

Il est encore question de certaines femmes célèbres : Mademoiselle Le Gendre, Mesdames Cornuet, d'Arragonnois et d'Aligne ; «... Je suis en quête pour trouver quelque chose sur Mad. de Chauvry. Je crois que c'étoit une présidente...». Le lettre se termine par une longue liste de noms dont Feuillet de Conches ne sait rien et à propos desquels il semble interroger son correspondant.

 

109.                FLANDIN Eugène (1809-1876) Peintre et archéologue, il accomplit de remarquables missions en Perse et en Susiane - L.A.S., 1 p. in-8 ; sans date. Adresse. 100/150

Il avertit le peintre Théodore GUDIN (1802-1880) que le sculpteur belge Willem GREEFS (1806-1883) «... avait l'intention de venir vous remercier... de la complaisance que vous avez eue de parler pour le tableau de sa femme...», Fanny CORR (1814-1883), elle-même artiste peintre belge.

 

110.                FLAUBERT Gustave (1821-1880) Le célèbre auteur de Madame Bovary - L.A.S. «Gve Ft», 2 1/2 pp. in-8 ; «Samedi, 11 h. du soir» (Croisset, 29.X.1870). 2000/2500

Emouvante lettre adressée au début de la guerre franco-prussienne à son amie Jeanne de Tourbey, comtesse de LOYNES : «... Je vis encore puisqu'on ne meurt pas de chagrin ! - Par dessus les douleurs de la patrie j'ai celles du foyer. - Songez que je vis seul  avec ma mère qui a 77 ans, et que ces événements achèvent...». Il qualifie de «stupides» les habitants de Croisset, se plaint d'être assailli par les pauvres («... Nous en avons jusqu'à 400 par jour !...») et, estimant «... tout dépend de la sensibilité des gens...», il est convaincu qu'aucun autre homme en France ne souffre plus que lui : «... Comment ne suis-je pas encore devenu fou !...».

La reddition de Metz (27.X.1870), nouvelle non encore officielle, est pour lui chose inexplicable : «... Bazaine nous a-t-il trahis ? dans quel but ? - cette catastrophe va démoraliser la province - Mais Paris tiendra bon. - avant que les Prussiens n'y entrent il y aura des boucheries formidables... Quelle guerre ! jamais on n'a vu de pareilles horreurs. C'est une dévastation systématique... Il me semble que j'assiste à la fin du monde...».

Les Prussiens sèment partout la terreur. Toutefois, l'offensive du général Trochu sur la Loire lui laisse quelque espoir : «... Pauvre Paris ! pauvre France ! jamais on ne les a tant aimés n'est-ce pas ?...». Flaubert interroge encore la Comtesse sur [Suite lot Flaubert n° 110] sa vie à Londres, ville où il voudrait bien aller lui tenir compagnie, sollicite une réponse, puis temine sa lettre signant tristement «Votre vieil ami - peu gai ! - Gve Ft».

Tout comme les autres lettres adressées à Jeanne de Tourbey provenant de la vente Andrieux de 1937, cette missive n'apparaît pas dans la Correspondance éditée par Conard. Elle ne fut publiée qu'en 1998 dans l'édition de la Pléïade, d'après une copie inexacte, et cela bien après qu'elle eût été vendue en 1987 ; l'original présente une dizaine de variantes par rapport au texte imprimé ; il est également signé, détail que la Pléïade ne mentionne pas.

Remarquable texte (à rapprocher de la lettre de George SAND à Flaubert vendue lors de la deuxième vente Pruvost du 13 décembre 2001 - Lot 220)

 

111.                FLAUBERT Gustave - L.A.S. «Votre vieux géant», 1 p. in-8 ; «Nuit de Lundi» (Croisset, 10 ? août 1874). 1000/1200

«Mon Bon, - écrit Flaubert à son ami Edmond LAPORTE - On me charge de vous demander quel jour... vous viendrez ? Jeudi ? - par exemple...» ; il lui conseille d'apporter son caleçon car ils iront se baigner. Quant à son travail littéraire du moment (la rédaction de «Bouvard et Pécuchet»), il n'avance pas : «... Je ne vous lirai rien parce que j'ai peu écrit. Raison de plus p.r m'amener votre oeuvre - & de la copie, s'il y en a de faite...», etc.

Le texte de cette missive publié dans la Pleïade en 1998 comporte quelques imperfections, de même qu'une erreur de lecture : «Apprêtez» au lieu d' «Apportez votre caleçon».

Jolie lettre ayant fait partie des collections J.-V. Pellerin et Sickles.

 

112.                FLAUBERT (Une tendre amie de) - L.A.S., 1 p. in-12, de Louise COLET (1810-1876, femme de lettres) ; «18 mai» [Paris, 1853]. Adresse et cachet postal sur la IVe page. 100/150

Au libraire-éditeur parisien Adolphe DELAHAYS, qui avait publié entre 1843 et 1877 des textes de Balzac, Lafontaine, Michelet, etc., pour le prier de repousser au 5 juillet l'envoi d'une facture au montant fort modeste : «... Je solderai positivement ma petite note. Vous m'obligerez beaucoup d'attendre d'ici là...».

 

Louise Colet traverse en effet une période économiquement critique. Flaubert vient de la dissuader de lancer sa propre revue ("La Revue française") où elle espérait imprimer ses écrits, lasse de quémander une petite place au soleil des publications. Les fonds servant à ce projet sont difficiles à réunir et de plus Victor Cousin, dont elle a une fille, Henriette, n'envoie plus sa pension. A quarante trois ans, elle se sent vieille ; son loyer vient d'augmenter et elle est criblée de dettes. Quant à Flaubert, cet amant dont elle attend perpétuellement la visite, il paraît vouloir enfin venir s'établir à Paris. Entre temps il l'invite à le rejoindre à Mantes le 9 mai 1853 où il passeront ensemble six jours de bonheur parfait. De retour à Paris, toujours aussi désargentée, elle prie ici donc Delahays de reporter d'un mois et demi le paiement de sa facture, espérant sur quelque entrée d'argent, qui ne viendra cependant pas, Sainte-Beuve ayant fait un mauvais accueil à La paysanne, et le Théâtre-Français ayant le 2 juin définitivement refusé ses Lettres d'amour. Heureusement, le 25 juillet Gustave sera de nouveau auprès d'elle...

 

113.                FLEURY, André-Hercule de (1653-1743) Cardinal et homme d'Etat. Ancien précepteur du roi Louis XV, il acquit sur lui une grande influence qui lui permit de garder le pouvoir de 1726 à sa mort, sans pourtant jamais prendre le titre de Premier ministre ! - L.S., 3 pp. in-4 ; Versailles, 19.VI.1727. 250/350

Fort curieux texte relatif à la conduite irrégulière de certains curés parisiens. «... Si le Roy venoit à en être informé, il ne pourroit se dispenser de leur en marquer son indignation. Je sais qu'il courre des Ecclésiastiques dans tout le Diocèse pour faire signer la nouvelle lettre aux Curés de la Campagne...» ; Fleury compte donc sur son correspondant «... pour arrester autant qu'il sera en vous ces fanatiques...». Quant au «... nommé Rachoire qui est à la Bastille depuis un an et qui coûte beaucoup d'argent au Roy...», après un entretien avec l'ambassadeur de Sardaigne il semblerait qu'il soit enfin possible de le transférer dans une autre prison où le condamné serait obligé de se nourrir à ses frais, «... car il n'est pas juste qu'il le soit toujours aux dépenses du Roy...».

Fleury entend également s'adresser directement à Horace WALPOLE (1678-1757, ambassadeur anglais à Paris et frère du Premier ministre) au sujet d'un certain «Lassy», vraisemblablement le général d'origine irlandaise Peter LACY ou LASCY (1678-1751) lequel, entré au service de Pierre le Grand, s'employait à réorganiser l'armée russe et, en 1727, en tant que Gouverneur de Livonie et d'Estonie, venait d'expulser de Curlande le maréchal Maurice de Saxe, alors au service de la France.

Cette importante lettre se place peu après la mort, survenue le 1er mai 1727, du diacre François de Paris, appelant notoire contre la bulle «Unigenitus». Celui-ci, et ses prétendus «miracles», sont à l'origine d'un mouvement religieux dont les adeptes, des fanatiques, furent définis «convulsionnaires». Ceci ne fut qu'un épisode des profondes querelles et polémiques, y compris politiques, que la bulle «Unigenitus» avait engendrées depuis sa promulgation en 1713.

 

114.         FORT Paul (1872-1960) Poète au style très personnel dont les vers sont disposés comme s'ils étaient de la prose - Neuf L.A.S., 15 pp. de formats divers ; Paris, juin/juillet 1933. Quatre pièce jointes. 300/400

Belle correspondance à son ami Pierre Lagarde, relative à la création du «Comité Paul Fort» visant à venir en aide au poète malade (on joint ici les épreuves de l'article de Comoedia du 10 juin 1933, intitulé «Il faut aider P. F.»).

Le 12 juin 1933, le Prince des Poètes écrit : «... Je suis très ému de voir tant de générosité autour de moi ! comment pourrai-je assez exprimer de reconnaissance à Monsieur Jean de Rovéra, à vous même. J'essayerai bientôt d'en remplacer l'expression par le don de quelques livres, le seul bien du poète...», etc. Le 13 juin, il poursuit : «... Ah ! aujourd'hui j'écris mieux... quels "chapeaux" pleins de coeur...» ; il donne le total des souscripteurs et le nom des personnalités devant faire partie du Comité. Puis, le 14 juin : «... j'apprends que le Comité de la Comédie Française a voté fraternellement 2000 francs pour l'auteur des Compères du Roi Louis et des chroniques de France...» ; suivent les noms de Paul Claudel, Arthur Honegger, Jules Romains, Romain Rolland, G. le Cardonnel, Florent Schmitt, etc. Il annonce que le 2e acte des Compères du Roi Louis sera présenté par la Comédie Française : «... Avez-vous des nouvelles de ma grande amie Cécile Sorel ?...». Le 15 juin 1933, il annonce une «... nouvelle sensationnelle... Au début de la Matinée du 23 Paul Valéry, de l'Académie Française, présentera en quelques mots, l'oeuvre et les vertus (ou vices) de son vieil ami Paul Fort. Ce qui donnera... au gala, un caractère d'hommage littéraire...». Enfin, le 24 juin : «... Paul Valéry fabuliste m'a bien amusé. Mais quel coeur a cet homme ! ce que c'est que d'être un vrai poète...».

Joint : copie d'une lettre d'André BILLY annotée par Paul Fort ; une L.A.S. d'Hélène Fort, sa fille, au sujet de Sacha GUITRY et de G. Ricou qui demandent de faire partie du Comité ; une L.A.S. d'André NÉGIS relative à la création du Comité ainsi qu'une autre qui accompagnait 400 francs de souscriptions.

 

115.                FOUCHÉ Joseph (1763-1820) Homme d'Etat, ministre de la Police sous la République, l'Empire et le Royaume ! - L.S., 2 pp. in-4 ; Paris, 4.II.1801. Adresse et marques postales. En-tête imprimé avec vignette républicaine. 200/300

Le ministre sollicite du préfet de l'Ain («... me donner votre avis confidentiel...») des renseignements supplémentaires à propos d'un certain Marie-Charles-Ignace PILLOT-COLIGNY, «... condamné à mort et exécuté en l'an 7, par Jugement de la Commission Militaire séante à Paris...». Ses héritiers prétendent en effet «... qu'ayant été naturalisé Etranger le 10 Octobre 1788...», son nom doit être radié de la liste des Emigrés, etc.

Le 30 janvier, on avait exécuté les quatre responsables de la «conspiration des poignards», éventée deux mois plus tôt par la police de Fouché. Belle signature «Fouché», avec paraphe.

 

116.         [Cent-Jours] FOUCHÉ Joseph - L.S. «Le duc d'Otrante», 1 p. 4° ; Paris, 13.V.1815. 300/400

 

Le 20 mars 1815, Napoléon Ier est de retour à Paris ; le jour même il forme un gouvernement dans lequel Fouché prend la tête de la Police, celle-ci devenant un ministère à part entière.

Le duc d'Otrante répond ici au Grand chambellan de l'empereur à propos «... des Miniatures [faisant partie du trésor de la Couronne] déposées chez le joaillier Menière : j'ai eu l'honneur de les remettre à Sa Majesté Elle-même...».

Le 7 juillet 1815, Fouché était encore nommé ministre de la Police, mais cette fois avec Talleyrand en tant que chef du gouvernement de Louis XVIII... Les autographes de Fouché datant des Cent-Jours sont rares.

 

117.                FOUDRAS, Théodore, marquis de (1800-1872) Romancier et cynophile, auteur d'ouvrages sur la chasse et la vénerie - L.A.S., 1 p. in-8 ; «Ce Lundi 11 h». 100/150

Formule originale pour motiver une invitation. «... Si vous voulez me donner du courage pour après demain... il faut me donner du plaisir pour aujourd'hui, et pour cela vous ne pouvez rien faire de mieux que de venir... prendre une tasse de thé avec nous et les Circourt...», gens du grand monde dont Faudras, dans ses romans, aima peindre les moeurs.

 

118.                FRANCE Anatole (1844-1924) Romancier célèbre, prix Nobel de littérature en 1921 – Poème autographe, 13 vers sur feuille in-8 datée «26 mars» [1865]. 200/300

Rare exemple de composition en vers datant de l'époque où le jeune Anatole Thibault (futur A. France) fréquentait le groupe du Parnasse avant de trouver un emploi comme bibliothécaire au Sénat.

Voici quelques vers de ce poème numéroté 56 en chiffres romains :

 

«Je viens vous demander cette fois une grâce

........... Priez pour moi !

Vous dont le front si pur à l'église se penche

Dans sa maison en son jour du dimanche

.......................................................................

Présenté sur votre aile blanche !

Au Dieu bon que vous adorez,

Inclinant votre noble tête,

Vous, son bel ange, vous direz :

Pour lui comme pour moi ta volonté soit faite !»

 

119.                FRANCE Anatole - Manuscrit autographe, 43 vers sur une page in-8. Quelques lignes biffées au dos. 250/350

Important et rare manuscrit de jeunesse (années 1865/70 ?) intitulé «Les propos de Don Juan».

 

«Dame Elvire attend pâle et pleine de langueur

Et voici cheminant ce que dit son vainqueur :

Que j'en ai, pour ma part, souillé de robes blanches,

Que j'en ai fait glisser sur la pudeur des hanches

.......................................................................

O femme, ta vertu ressemble à ta beauté ;

On l'a dit, ton vrai nom, femme, est fragilité.

Et toi Virginité, toi, sa compagne ailée,

Qui ne lui revient plus quand tu t'es envolée

........................................................................

 

Vierges suivez nous donc ; nous aimons à marcher

Tous en sentant vos mains dans nos mains...

Et nous chantons gaîment, o pâles épousées,

Aux mornes battements de vos ailes brisées...», etc.

 

120.                FRANCE Anatole - Manuscrit autographe, 4 vers sur feuille in-12 obl. Vers 1870/75. 100/150

Charmant et rare quatrain.

«A l'inconnu, si jamais vous pensez,

Que sur lui votre coeur se repose tranquille

Vous le savez Votre ami, c'est assez

Qui vous aime ne peut avoir une âme vile».

Au dos du feuillet, quelques mots rayés.

 

121.                FRANCE Anatole - L.A.S., 3 1/2 pp. in-8 ; «Dimanche matin» (18.X.1914). 300/400

Très belle lettre se plaçant au début de la Grande Guerre dans laquelle Anatole France, malgré ses soixante ans, voudrait s'engager. Il avoue ici à son ami Jules COUET qu'il se traîne dans une torpeur qui le rend «... incapable de tout mouvement et de toute pensée. Une lettre du ministre de la Guerre... m'indique les démarches à faire pour contracter un engagement...».

L'écrivain vient de recevoir la visite de Richard, du Petit Parisien, «... très bien disposé pour moi. Je lui ai répondu par quelques mots que je crois sages. Mais que deviendront-ils dans les journaux ?... Mr Richard, qui revient du front, où il a été blessé, dit que nos troupes sont admirables... Il croit que bientôt les Allemands seront chassés de France. Mais... il estime à plus d'une année la durée de la guerre. J'en mourrai de douleur. Ma tête est plus vide que le salon de la Béchellerie...».

Ayant récemment déposé un nouveau testament chez Maître Martini, notaire à Fondelles, l'écrivain tient à ce que Jules Couët et son exécuteur testamentaire en soient avertis de manière à en faire connaître l'existence le moment venu.

L'écrivain s'éteindra dix années plus tard, dans sa maison de la Béchellerie à Saint-Cyr-sur-Loire.

 

122.                FRANCO Francisco (1892-1975) Généralissime espagnol, surnommé «El Caudillo». Après avoir rétabli la monarchie en Espagne en 1947 et s'être institué «Régent à vie», il désigna comme son successeur le jeune roi Juan Carlos Ier de Bourbon - L.S., 1 p. in-4 ; «Palacio de El Pardo», 25.III.1972. En-tête aux armoiries. Enveloppe. Autographe peu commun. 400/500

Francisco Franco y Bahamonde, «Jefe del Estado español - Generalisimo de los Ejércitos nacionales», répond au prince René de Bourbon qui lui a formulé ses vœux à l'occasion du mariage «... de mi nieta Maria del Carmen con Don Alfonso de Borbón, al mismo tiempo que expresa sus buenos deseos de ventura para el nuevo matrimonio...», etc.

La nièce du «Caudillo» venait d'épouser le cousin du roi Juan Carlos Ier, «Don Alfonso de Borbón», qui n'était autre que le fils du prince Don Jaime de Bourbon-Espagne, frère aîné du comte de Barcelone.

 

123.                FRANÇOIS II (Ier) d'Autriche (1768-1835) Empereur germanique dès 1792, il déposa ce titre en 1806 après avoir pris en 1804 celui d'empereur d'Autriche. Adversaire de la France et de Napoléon Ier en particulier dont il devint en 1810 le beau-père - L.S. avec deux lignes autographes, 2/3 p. in-folio ; «Posonii» (Presbourg), 30.IX.1825. 250/350

Missive en latin, avec souscription autographe et signée «Franciscus», où l'empereur annonce la naissance de sa nièce Marie Caroline (1825-1915), fille de l'archiduc Charles ; celle-ci épousera en 1852 l'archiduc Rainier d'Autriche (1827-1913).

C'est à Presbourg, l'actuelle Bratislava, en Slovaquie, que fut signé le 26 décembre 1805, entre Napoléon Ier et François II de Habsbourg, le fameux traité mettant fin au Saint Empire romain germanique.

 

 

124.                FRANÇOIS Ier de France (1494-1547) Roi dès 1515, fils de Charles d'Orléans et de Louise de Savoie. Très supérieur à ses prédécesseurs, ses qualités brillantes ont fait de lui un personnage quasi légendaire. Homme de guerre et protecteur des Arts, ses innombrables aventures amoureuses l'ont rendu très populaire - P.S. «Françoys» (vraisemblablement par l'un de ses secrétaires, les signatures autographes de ce roi étant extrêmement rares !), 1 p. in-folio obl. sur vélin taché et froissé ; Argentan (Orne), 9.X.1517. 1500/2500

 

Document particulièrement intéressant témoignant des rapports qu'entretenait la France avec l'Ecosse en ce XVIe siècle. François, «... par la grâce de Dieu Roy de France...», informe ses «... amez et feaulx les généraulx conseillers par nous ordonnez sur le fait et gouvernement de nos finances...» que le Sieur Guillaume Prudomme (futur «Trésorier de l'Espargne» dès 1525) doit procéder au paiement de dix mille livres tournoises dues à «... n.re cher et amé cousin Jehan STUART, duc d'Albanye... Vice-roi Régent et gouverneur en Ecosse, faisant partie de la somme de XXX mille Livres restant à paier de la somme de XL mille Livres...», objet du marché approuvé par le roi «... en l'année finie mil cinq cent quatorze à cause de la grant nef d'Ecosse nommée La Michelle, laquelle nous avons retenue pour notre service...», etc.

A propos de la vente de ce fleuron de la flotte écossaise nommée La Michelle, le Dictionnary of National Biography précise : «... While still in France, Albany acted as the representative of Scotland, and on 2 April 1514 sold in Paris to the French King for forty thousand crowns of Tours the Great St Michael, the pride of the Scottish fleet, which had been built by James IV...».

D'origine écossaise, John STEWART, duc d'Albany (1481-1536) avait vécu en France dès sa plus tendre enfance ; les Ecossais toutefois l'élirent Régent (1513) et héritier de la couronne. Après un séjour de deux ans en Ecosse, fort positif pour son pays, le duc d'Albany revint sur le Continent et négocia le traité de Rouen (26.VIII.1517) par lequel la France et l'Ecosse s'engageaient dans une alliance offensive et défensive contre l'Angleterre ; en outre, François Ier promettait la main de sa fille au roi James V. Le présent document, qui nous fournit une nouvelle preuve des bons rapports qu'entretenaient le duc d'Albany et le roi de France, fut signé moins d'un mois et demi après la signature de l'important traité.

Le duc d'Albany est l'une des figures les plus importantes de l'histoire écossaise du début du XVIe siècle ; c'est lui qui obtint entre autres du pape Léon X la confirmation de tous les privilèges accordés auparavant au royaume par le Saint-Siège.

Document contresigné par son secrétaire des Finances Florimond ROBERTET (c. 1460-1527), ancien notaire devenu secrétaire puis puissant ministre de Louis XII et, plus tard, de François Ier.

 

125.                FRANÇOIS II de Lorraine (1572-1632) Duc dès 1624, il succéda à son frère Henri II puis abdiqua l'année suivante en faveur de son fils Charles IV. Ascendant direct du futur empereur romano-germanique François Ier de Lorraine, époux de Marie-Thérèse de Habsbourg - L.S., avec compliments autographes, 1 p. in-folio ; Nancy, 17.IV.1585. Adresse et sceau. 250/350

Le Prince n'a que treize ans lorsqu'il signe - au nom de son père, le duc Charles III, absent - cette longue missive destinée à expliquer à l'un de ses sujets la procédure à suivre auprès de la Chambre impériale, seule instance autorisée à intervenir dans le «... faict de Ludersingen...», etc. A son «... Cousin - Monsieur le Ringrave Ottho».

 

126.                FRÉDÉRIC-GUILLAUME III de Prusse (1770-1840) Roi dès 1797, il s'attacha à réparer les fautes du règne de son père. La reine Louise, hostile à la France, l'entraîna dans les guerres contre Napoléon Ier qui se soldèrent par maintes défaites - L.A., non signée, 1 p. in-4 ; «Ce 10 Mars 1820». 500/600

Resté veuf en 1810, le souverain ne se remariera (morganatiquement) qu'en 1824 avec la comtesse originaire de Prague, Augusta von HARRACH (1800-1873), plus tard «Princesse de Leignitz».

Cette missive pourrait être l'une des premières que Frédéric-Guillaume III adressa à sa future épouse, avec laquelle il entretint une large correspondance : «... J'ai reçu avec beaucoup de reconnaissance... les témoignages de souvenir et d'intérêt dont votre dernière lettre me fournit une nouvelle preuve. L'expérience malheureuse des vicissitudes humaines que vous avez faite de nouveau... a été bien cruelle... Je me tais sur l'événement épouvantable qui remplit d'horreur et qui glace d'effroi l'Europe entière...». Il croit connaître assez la personnalité intérieure de sa jeune correspondante pour saisir l'état de son âme : «... Combien de tristes réflexions il y aurait à faire !...», etc.

Cet événement, qualifié d' «épouvantable» par le souverain, se rapporte au sanglant épisode qui marqua fortement le cours de la politique, et sans doute aussi l'histoire de France : le 13 février 1820, le duc de Berry avait été poignardé à sa sortie de l'Opéra. Par ce geste, l'assassin voulait tuer le seul prince royal susceptible de perpétuer la race des Bourbons de France... Mais il avait agi trop tard, la duchesse de Berry étant déjà enceinte de l'«enfant du miracle», le comte de Chambord, surnommé «Henri V» par les Légitimistes.

 

 127.                GAMBETTA Léon (1838-1882) Fils d'un épicier italien, il s'engagea dans l'opposition républicaine sous Napoléon III. Député, membre du gouvernement de défense nationale en 1870, puis champion de la revanche contre le «Boche», il ne sera président du Conseil que pendant deux mois en 1881/82 - L.A.S., 1 p. in-12 ; Paris, 24.VII.1880. Pièce jointe. 200/300

Importante lettre politique à un ami [Marcellin Bellot] : «... Vous pouvez en effet préparer le scrutin de liste, il sera difficile à obtenir, mais on y arrivera car il est nécessaire ; c'est à mes yeux une solution de salut public...». Gambetta ajoute qu'il désire «... une enquête sérieuse sur les affaires de Nîmes... les faits connus, les responsabilités établies, le Général pourra frapper ferme et juste...».

 

Gambetta était alors le président la Chambre ; les députés refusèrent néanmoins ce même jour, par 268 voix contre 218, son grand projet de retour au scrutin de liste.  Quant au général sur lequel Gambetta dit compter, il s'agit de Gaston de GALLIFFET, qui venait d'être nommé gouverneur militaire de Paris en 1880.

Joint : L.A.S., 4 pp. in-12, du général d'ANDAU (1824-1897), sénateur, ami de Gambetta. Evoquant cyniquement la situation et les tactiques électorales dans son département et à Paris, où l'on voit impliqués le duc d'AUMALE, Malherbe, Picard, Clermont-Tonnerre, etc., il affirme avoir rencontré GAMBETTA «... qui est fort loin de repousser... [l'accord avec d'Aumale], tout en regrettant qu'il se passe si tard...», etc.

Cette lettre, datée du «5 nov.», pourrait avoir été écrite en 1873, en pleines négociations pour le rétablissement de la monarchie dite légitime, contre laquelle avait fait chemin l'idée d'une candidature du duc d'Aumale à la présidence de la République.

 

 

128.                GARAUDY Roger (n. 1913) Ecrivain, philosophe et homme politique engagé, membre du Parti Communiste français dont il fut exclu en 1970. Auteur d'un ouvrage qui fit scandale en 1995 - L.A.S., 2 pp. in-4 ; Paris, 11.I.1956. En-tête de l'Assemblée Nationale. 250/350

Très intéressante missive adressée à son ami Jean-Paul SARTRE à un moment où l'évolution de la pensée de gauche perturbait passablement les deux philosophes marxistes. Les Communistes avaient gagné cinquante sièges aux élections du 2 janvier 1956, mais des insurrections en Europe de l'Est se profilaient déjà à l'horizon.

«... Je retrouve enfin la possibilité de réfléchir à la question que vous m'aviez posée... à Helsinki... : le marxisme peut-il épuiser l'analyse du choix humain ?...». Afin de mieux saisir le sens de la question, Garaudy a lu quelques textes de Sartre, «... notamment votre Fragment d'un portrait de Baudelaire qui me paraît poser ce problème sous sa forme la plus concrète. Ce qui m'inquiète... c'est que le choix de Baudelaire paraît intemporel...» ; selon Garaudy, cette prise de conscience ne paraît cependant pas convenir à tous les siècles, notamment au XIIIème.

Les analyses de Sartre lui semblent fort précieuses, mais il reste convaincu «... que les méthodes du marxisme permettent de pousser ces analyses jusque dans les soubassements sociaux de la personne et de ses choix...». Plus loin, il ajoute : «... J'ai essayé de donner à mes réflexions un deuxième point d'appui. Je me suis mis à relire HEGEL...» chez lequel il espérait trouver «... la source de nos divergences...», etc.

Garaudy devant se rendre à Berlin pour un colloque sur le thème de La Liberté, il souhaiterait rencontrer Sartre avant son départ «... car les problèmes que votre oeuvre nous pose, à nous marxistes, nous obligent à un effort qui peut être très fécond...».

Remarquable texte politico-philosophique.

 

129.                GAUTIER Théophile (1811-1872) Ecrivain, ami de Gérard de Nerval et de Pétrus Borel, et l'un des plus véhéments défenseurs de Victor Hugo. Maître et précurseur de la poésie parnassienne - Manuscrit A.S., 1 p. in-4 obl. ; (Paris, septembre 1847 ?). 2000/2500

Magnifique feuille d'album où Gautier a repris son célèbre poème Les Colombes, portant curieusement encore ici le titre de Ghazel !

 

«Sur le coteau, la bas, où sont les tombes

un grand palmier comme un panache vert

dresse sa tête où le soir les colombes

viennent nicher et se mettre à couvert

puis le matin elles quittent les branches

comme un collier qui s'égraine on les voit

s'éparpiller dans l'air bleu toutes blanches

pour se poser plus loin sur quelque toit

mon âme est l'arbre où chaque soir comme elles

de blancs essaims de folles visions

tombent des cieux en palpitant des ailes

pour s'envoler dès les premiers rayons».

Publié parmi les «Poésies diverses» du recueil La Comédie de la mort (1838), ce poème est l'une des trois pièces de Gautier que Manuel de FALLA choisit de mettre en musique en 1909, pièces pour violon et piano connues sous le titre de «Trois mélodies». Le compositeur venait de terminer une patiente et longue révision de La vida breve ; enthousiasmé par la publication des Quatre pièces, il décida de mettre en chantier ces Trois mélodies qu'il réussit à achever rapidement la veille du jour où il se produisit pour la première fois devant le public parisien, salle Gaveau. L'œuvre est un hommage de Falla au pays qui l'accueille et clôt sa période dite d'assimilation.

 

130.         GIDE André (1869-1951) Ecrivain dont l'oeuvre a exercé une immense influence sur la culture de son époque. Prix Nobel de littérature en 1947 - L.A.S., 1 p. in-8 ; Paris, vers 1905/10 ? Pièce jointe. 250/350

A son confrère René BOYLESVE (1867-1926, romancier à la mode et spécialiste du délicat libertinage) qui lui avait envoyé son dernier livre pour en faire l'objet d'un article dans La Revue Blanche. «... Votre livre était déjà retenu par [Léon] Blum ; à qui Rouché écrit, lui demandant s'il voudrait bien, etc., etc...», mais le futur homme politique socialiste s'est adressé à Gide, offrant de lui céder la plume : «... j'accepterais si je pouvais croire que Blum ne parle pas de votre livre excellemment... Sans attendre sa lettre... je lui écrivais que mon but, en me proposant, était d'empêcher que cet article soit bâclé, du moment qu'il s'en chargeait, j'étais pleinement rassuré...», etc.

On joint une L.A.S. de Jean VIOLLIS datée du 8 mars 1909, apparemment adressée à Gide («Monsieur»), lui annonçant l'envoi de «... quelques lignes des Nouvelles qui essaient - bien mal - de dire quel chef-d'oeuvre est Le Meilleur Ami. Vous m'avez donné un plaisir qu'on n'a pas deux fois dans l'année...».

 

131.         GIDE André - L.A.S., 2 pp. in-8 ; «Villa Montmorency», 8.II.1914. 250/350

Missive adressée, comme la précédente, à son confrère et ami René BOYLESVE (1867-1926), auquel Gide ne se résigne pas à envoyer seulement ses Souvenirs de la Cour d'Assises : «... Si vous le permettez, je vous apporterai ce livre, et une traduction de Tagore (le poète hindou, prix Nobel), prétexte pour vous revoir... Chaque fois que je pense à vous, je me sens un peu moins sauvage, et les quelques rares fois que j'ai pu causer avec vous m'ont toujours laissé penser que je pourrais causer avec vous davantage...», etc.

Après avoir fait paraître en 1911, dans la N.R.F., certains fragments de sa traduction des «Cahiers» de son ami Rilke, Gide avait entammé (1914-1917) plusieurs traductions, dont TAGORE, duquel il donne des versifications françaises de «Gitanjali» et de «The Post Office», ce dernier imprimé dans «L'offrande lyrique» (NRF, 1914).

 

132.         GIDE André - L.A.S., 1 p. in-8 ; «Samedi matin» (vers 1921 ?). 150/200

Gide n'a pu se rendre chez son ami l'écrivain et académicien René BOYLESVE (1867-1926), comme celui-ci le lui avait proposé : «... Un empêchement au dernier moment ; je n'ai pu vous avertir, excusez-moi...» ; il espère que son ami ne l'aura pas attendu et remet sa visite à deux heures et demie.

Cette missive pourrait dater de 1921, alors que Boylesve encourageait Gide à présenter sa candidature à l'Académie française ; mais celui-ci hésita, consulta Martin du Gard et... refusa.

 

133.         GIDE André - L.A.S., 1 1/2 pp. in-8 ; Cannes, 26.V.1941. Enveloppe. 300/400

«... Il n'y a pas à s'y tromper... - écrit-il à Philippe CHABANAIX, à Toulon - Vos vers sont exquis, et paraissent plus exquis encore à seconde et troisième lecture...». Des cinq poèmes qui lui sont parvenus avec une touchante dédicace, Gide a une préférence pour D'ombre et de sang, bien que ce titre lui paraisse un peu pompeux ; «... Chacun des vers, du second quatrain surtout, est parfait...».

Intéressante missive pour l'époque où elle fut écrite et pour la personnalité de son destinataire. Chabanaix était alors, avec Tristan Derême, le chef de file de l'école dite «Fantaisiste» dont Gide appréciait à juste titre le style délicat.

En ce printemps de 1941, la petite famille de Gide menait sous les palmiers de la Côte d'Azur une existence pouvant faire oublier l'horreur du conflit. C'est pourtant là que commença la «résistance» de l'écrivain contre l'envahisseur et ses collaborateurs, qui désormais censuraient ses oeuvres et ses conférences publiques. Le 5 mai 1942, les Gide s'embarquaient pour Tunis et l'année suivante, ils s'établissaient à Alger. Mis à part quelques séjours à Fez chez son ami Guy Delore, l'écrivain restera en Algérie jusqu'en 1945 pour ne rentrer à Paris, rue Vaneau, que le 6 mai, après six ans d'absence.

 

134.                GROUCHY Emmanuel (1766-1847) Seul maréchal d'Empire nommé pendant les Cent-Jours, le 15 avril 1815, il sera en partie accusé de la défaite de Waterloo qui fut plutôt la conséquence des erreurs de l'empereur - L.A.S., 1 p. in-4 obl. ; Paris, 29.V.1830. 250/300

Rentré en France en 1820 après cinq années d'exil passées aux Etats-Unis, Grouchy n'est désormais plus qu'un «officier G.al» à la retraite. Il prie le Préfet de Police de Paris d'avoir la bonté de lui faire expédier un passeport pour lui, sa femme, et deux serviteurs «... au moyen duquel nous puissions nous rendre en Suisse, par Fribourg, et rentrer en France, par le Piémont, et la Savoie...». Une note de la préfecture nous apprend que le document fut le jour même «Accordé tel quel» .

Deux mois plus tard, probablement alors que Grouchy se trouvait encore en Suisse, Charles X et son gouvernement étaient renversés par la Révolution de Juillet, laquelle permettra à l'ancien officier napoléonien de reprendre ses titres de Maréchal et Pair de France.

 

135.                GUILLAUME II d'Allemagne (1859-1941) Empereur de 1888 à 1918. Initiateur de la rénovation de l'armée et de la marine allemande, il est l'un des principaux responsables de la Grande Guerre - L.S. «Wilhelm R[ex]», 1 p. 4° ; Kiel «an Bord M. Y. Hohenzollern», 21.VI.1911. 200/250

 

Le souverain - qui signe cette missive en tant que «roi de Prusse» - informe ses ministres du Travail et des Finances qu'il accepte de modifier le montant de la pension annuelle de la veuve d'un fonctionnaire d'Hemfurt. Lettre en allemand, contresignée par les deux ministres prussiens August LENTZE (1860-1945) et Paul von BREITENBACH (1850-1930).

Magnifique signature du dernier empereur d'Allemagne.

 

136.         GUITRY Sacha (1885-1957) Acteur, cinéaste et écrivain talentueux - Trois pièces autographes, formats divers. Pièce jointe. 250/350

Sacha et les femmes ! Ensemble réunissant des textes citant chacun le nom d'une de ses compagnes «officielles» (il ne manque que celui de Charlotte Lyses) :

1) Feuille avec ébauche de dédicace («A mes amis... Je vous offre ce livre auquel je travaille depuis six ans») ; au verso il est question d' «une pièce nouvelle - une reprise...», etc., qui seront jouées par «Y. et moi», soit Yvonne PRINTEMPS (1894-1977), sa compagne de 1919 à 1932, et lui-même.

2) Dédicace de six lignes, en vers, à Jacqueline DELUBAC (1907-1997), compagne de Sacha de 1932 à 1938 : «A Jacqueline je dédie, hommage infime, / Ces notes griffonnées / Au cours d'une tournée / Qu'à l'automne tous deux nous fîmes...», etc.

3) Envelope autographe, datée «1945», annotée de la main de Sacha «Madame Geneviève Guitry» et destinée à Geneviève de SEREVILLE (1914-1963), l'actrice qu'il épousa en 1939 et dont il divorça dix ans plus tard après cinq années de séparation.

Joint : carte autographe, signée «Lana», de l'actrice d'origine roumaine, Lana MARCONI (morte en 1990). Dernière compagne de Sacha Guitry, elle créa sept pièces composées par lui, en reprit deux autres et interpréta douze de ses films.

 

137.         HAHN Reynaldo (1875-1947) Compositeur fort célèbre de son vivant pour ses mélodies charmeuses, ses ouvrages lyriques et ses opérettes. Ami intime de Marcel Proust dont il partagea la vie durant plusieurs années - L.A.S., 4 pp. 8°, datée postérieurement au crayon «Juillet 05» (?). 250/350

Curieuse missive adressée à Théodore DUBOIS («Mon cher Maître»), directeur du Conservatoire de Paris, à la suite d'une grave accusation portée contre lui : à l'époque des concours, Hahn aurait en effet été surpris en possession d'un appareil avec lequel il se serait proposé de photographier les membres du Jury, à leur insu et dans un but plutôt ambigu.

Reynaldo Hahn se défend avec vigueur ; il n'y a pas un mot de vrai dans ce qui a été écrit sur le sujet : «... En sortant du Concours, j'ai repris auprès du concierge mon appareil photographique... Je rencontrai alors M. Pierre Mortier et M. Pierre Veber...» qui s'étonnèrent de le voir muni de cet appareil et lui demandèrent s'il avait pensé photographier le Jury et le directeur du Conservatoire. «... Je répondis alors : je pense que si je lui demandais de poser devant mon appareil il ne me refuserait pas car il l'a déjà fait jadis...». Le compositeur rappelle qu'un comportement tel que celui décrit dans le journal «... ne serait conforme ni à mon caractère, ni à mes manières, ni au respect que je vous porte...», etc.

Reynaldo Hahn avait été élève de Théodore DUBOIS au tout début de ses études musicales au Conservatoire.

 

138.         HAHN Reynaldo - L.A.S. «Reynaldo H.», 1 p. in-8 ; Paris, 26.VI.1909. Adresse et marque postale au dos. 150/200

Il fait part à son ami Rey de la réponse négative que lui a rendue le célèbre ténor Jean de RESZKE. «... Je peux vous affirmer de la façon la plus irrémédiablement formelle que Jean de Reszke, qui a toujours refusé de chanter dans un concert alors même qu'il chantait, n'accepterait sous aucune condition et pour aucun cachet... à présent qu'il ne veut même plus se faire entendre à ses amis intimes...».

 

139.         HAHN Reynaldo - L.A.S., 3 pp. in-8 ; «Lundi» (Algérie, v. 1912). Carte A.S. jointe. 300/350

Belle lettre envoyée d'Algérie à Madeleine LEMAIRE (1845-1928), grande amie commune de Hahn et de Proust et peintre très en vogue. «... Si cela vous amuse de lire tous ces griffonnages arrachés de mon carnet de voyage, déchiffrez-les et gardez-les jusqu'à mon retour. Je suis en route pour Constantine... Il fait radieusement beau et une brise délicieuse...». Le compositeur espère que son article sur Sylvius et Népomucène lui a plu : «... Il y a des choses qu'il faut oser écrire. Je n'ai pas voulu parler de Ch.-M. W. (WIDOR, l'organiste) pour ne pas faire plaisir à la Trélat !! Combien ces choses paraissent sordides sous ce ciel-ci !...».

Joint : Carte A.S. du même à un pianiste grâce auquel Reynaldo Hahn a semble-t-il bénéficié d'un succès personnel. «... C'est évidemment votre immense réussite... qui m'a valu cette distinction ! Merci !...».

 

140.         HAHN Reynaldo - L.A.S., 2 pp. in-4 ; «17 rue Greffulhe» (Paris, vers 1945 ?). 300/350

S'adressant à une ancienne amie qu'il n'a semble-t-il plus revue depuis longtemps, Reynaldo Hahn évoque, avec une sensibilité empreinte de nostalgie, une sorte de paradis perdu, peut-être le temps de sa jeunesse et de son amitié avec Proust. «... Je suis infiniment sensible à votre si aimable lettre. Quant aux souvenirs que vous évoquez avec tant de grâce, ils éveillent en moi un sentiment de mélancolie, car il reflètent tout un monde évanoui et, d'ailleurs, beaucoup trop beau pour les générations actuelles et futures...». Il exprime le désir de rencontrer sa correspondante : «... Peut-être sera-ce possible dans quelques temps, quand je serai moins harcelé, qu'il fera beau et que les moyens de transport seront moins difficulteux...».

Jolie lettre écrite vraisemblablement au printemps 1945.

 

141.         HENRI III de France (1551-1589) Roi dès 1574, dernier des Valois. Il laissa assassiner le Balafré et finit à son tour sous les coups de poignard du moine Clément - P.S., 1 p. in-folio obl. sur vélin ; Paris, 29.XII.1584. Défraîchie. 1000/1500

Nous sommes à la veille de la huitième guerre de religion.

Le souverain mande au trésorier de son épargne d'avoir à verser entre ses mains 6000 écus sols pour régler certaines affaires importantes dont il ne veux pas révéler la teneur. «... Henry, par la grâce de dieu Roy de France et de Pologne, A n.re amé et féal... Mr Jacques Le Roy salut. Nous voullons et vous mandons que... vous ayez à mectre comptant en nos mains la somme de Six mil Escuz sol pour emploier en certaines affairs importans au bien de n.re service donc ne voullons estre cy faict aulcune mention ni déclaration...». De même, aucun renseignement relatif à l'emploi de ladite somme ne devra apparaître dans les livres de ses trésoriers parisiens «... ny de ce que par nous en a esté faict et déposé...». Et le roi d'ajouter, conscient que cet ordre va à l'encontre de toute règlemention : «... nous avons dérogé et dérogeons par ces dictes présentes [lettres], car tel est notre plaisir...».

La lutte entre le parti des Guises et celui de la Cour, encline à se rapprocher du futur Henri IV, était alors particulièrement tendue. La maison de Lorraine ayant ourdi une intrigue afin de changer l'ordre de succession en sa faveur, Henri III se voyait, en ce tournant d'année (1584-1585), non seulement contraint de prendre des mesures pour la défense de Paris, mais de choisir également 45 gentilhommes qui, à la solde de cent écus par mois, devraient veiller sur lui jour et nuit. En outre, il envoyait en grand secret recruter des Suisses dans les cantons catholiques dans l'espoir qu'ils arrivent à temps à Paris... Pour battre les Guises, il fallait de l'argent, beaucoup d'argent.

Document d'un intérêt historique remarquable, contresigné par le fidèle secrétaire d'Etat du roi, Pierre BRULARD († 1608).

 

 

142.         HENRI III (Un des «mignons» d') - P.S. «Charles de Balsac-Dunes»,2 pp. in-folio ; Paris, 14.XI.1598. 250/350

Obligation dressée par Charles de Balsac pour Daniel de Pelaret, sieur de Montigny en Beauce, actuellement à Paris, pour une somme de 83 écus un tiers de rente, assise sur leurs biens, à condition de rachat. La rente à constitution a été faite moyennant 1000 écus soleil et a été reçue par le sieur de Montigny pour l'employer à ses urgentes affaires et, pour confirmer cet emprunt, il a élu domicile rue de la Harpe, près de la porte Saint Michel.

Chevalier des ordres du roi, conseiller et lieutenant général du duché d'Orléans, Charles de BALZAC († 1599), dit «le bel Entragues», était l'oncle de la marquise de Verneuil, la belle et dangeureuse maîtresse d'Henri IV Henriette d'Entragues. C'est lui qui en 1578, ayant pris querelle avec Quélus, fut la cause du fameux duel des mignons dont il réchappa seul avec Livarot.

 

143.         HENRI III (Un des «mignons» de) - P.S. «R. Villeguier», 1 p. in-4 obl., parchemin ; Paris, 16.XI.1585. Rare. 200/250

Quittance pour la somme de 500 écus d'or soleil «... à nous ordonnés par Sa Majesté pour nos gaiges à cause dud. estat de Gouverneur de Paris et d'Isle de France...», signée par René de VILLEGUIER, baron de Clairvaux, l'un des favoris d'Henri III qui, en 1574, avait suivi le roi en Pologne.

En septembre 1577, au château de Poitiers (où le roi venait de sanctionner la paix de Bergerac), Villequier avait poignardé sa femme enceinte, Françoise de La Mark, sous le prétexte de la jalousie, ou plutôt, comme on le crut à l'époque, pour satisfaire les rancunes du roi contre elle. Villequier ne fut point condamné pour cet acte criminel ; il fut au contraire compris en 1578 dans la première promotion des chevaliers du Saint-Esprit et nommé le 20 janvier 1579 Premier Gentilhomme de la Chambre du roi ; en 1580, Henri III le fit même Gouverneur et Lieutenant général de Paris et de l'Ile de France à la place du maréchal de Retz...

 

144.         HENRI IV de France (1553-1610) Roi de Navarre, il succéda en 1589 à Henri III assassiné.

Sous son règne, la France connut une prospérité inouïe, ce qui fera de lui un monarque légendairement populaire mais n'empêchera pas son assassinat par la main du fanatique Ravaillac - L.S., 2/3 p. in-folio ; «Au Camp de d'Arnetal» (devant Rouen), 11.XII.1591. Adresse au dos. Défraîchie. 600/800

Roi de France depuis deux années, Henri IV n'a pas encore gagné la bataille qui lui permettra d'arriver jusqu'à Paris. Aidé par Elisabeth I d'Angleterre, il entreprend fin novembre 1591 le siège de Rouen d'où il partira le 20 janvier 1592 pour ce qui sera en réalité sa dernière campagne militaire d'envergure avant son abjuration et son entrée dans la capitale.

Il écrit ici aux membres «... de Nre Court et Parlement...» siégeant à Tours, pour que procès soit fait au Sieur de VAUCELLES, emprisonné dans cette ville pour avoir livré Mirebeau aux Ligueurs. «... Si les gens de bien ne recoivent q.que honneur et récompense de leurs mérites et les méchans la poene qu'ils ont desservis, il ne fault pas espérer que les aff.res succèdent heureusement et que ceulx qui sont adonnez au mal, vivans sans reprehension de chastiment, ne se laissent aller à toutes sortes de meschancetez...». Le roi invite donc les avocats et procureurs à oeuvrer afin que les crimes ne restent pas impunis, notamment ceux qui touchent l'intérêt général du Pays «... entre lesquels nous mectons la perfidye du Sr de Vaucelles... lequel, pour avoir livré par trayson ou lascheté de coeur Mirebeau à nos rebelles, a esté cause de la mort de plusieurs personnes et de la ruyne entière d'une infinité d'autres...». Ainsi «... son procès luy soit faict... en la grande Chambre de nostre palais et non ailleurs... Car tel est n.re plaisir...».

La détermination qui se dégage de ces lignes ne nous laisse aucun doute sur le triste sort du Sieur de Vaucelles !

Pièce contresignée par le secrétaire d'Etat Martin RUZE († 1613).

 

145.         HENRI IV de France - P.S., 1/2 p. in-folio ;  Rouen, 31.XII.1596. Défraîchie, marge supérieure brunie et effrangée. 500/600

Message «de par le Roy» destiné au Trésorier général Etienne PUGET, l'informant que le Trésorier de l'Epargne, Me François ERTMAN, lui fournira comptant 50 écus sol qui doivent être payés à l'officier de cavalerie Dieudonné Luillier «... pour ses gaiges ord.res à cause de son dit estat et charge... ainsi qu'il est porté par l'estat Gn.al des officiers... Car tel est n.re plaisir...».

La pièce est contresignée par le célèbre secrétaire d'Etat Pierre FORGET (c. 1544-1610) qui sera l'un des principaux rédacteur de l'Edit de Nantes en 1598.

Henri IV avait fait son entrée officielle à Rouen le 16 octobre 1596, accompagné de sa favorite, la célèbre Gabrielle d'Estrée. Devant l'assemblée des notables, il tiendra un important discours dont le brouillon, en partie autographe, est conservé à la Bibliothèque Nationale. Bien que daté de Rouen le «dernier jour de décembre», ce document a sans doute été soumis à la signature du roi au début de ce même mois car le souverain avait regagné Paris avant la fin de l'année 1596. La signature royale étant de la main du roi, on peut en conclure que les ordres et paiements étaient parfois signés d'avance...

 

146.         HENRI IV de France - L.A.S., 1 p. in-4 ; Fontainebleau, 6.IV.[1605]. Adresse autographe au verso. La marge gauche a été restaurée, sans nuire au texte, au moyen de l'onglet ayant servi à fixer cette lettre à d'autres adressées à Sully. 3000/3500

«Mon amy, - écrit le roi à son ministre et précieux conseiller Maximilien de SULLY, marquis de Rosny (1559-1641) - J'oublyay hyer à vous parler pour les deus ofyces de receveurs des restes de Rouan... Yl y a deus ans que ie suys après cette afayre. Je vous prye y fere une fyn...», etc. Cet ordre avait pour but de régler le problème de la taxation de ces deux offices dont le montant de dix mille livres avait été, d'un commun accord, revu à la baisse : «... Sy vous voullés, fetes les retaxer audys deus mylle escus ou les fetes deslyvrer aus huyt mylle, car de l'une façon ou de l'autre je n'an auray poynt davantage...».

Cette intervention royale se situe dans le cadre de la remarquable restauration des finances publiques qu'Henri IV venait d'entreprendre avec succès, aidé en cela par Laffemas et par Sully.

Au dos de la lettre, côté adresse, quatre courtes lignes autographes de SULLY résument le contenu du message : «Le roy, du 6 avril 1605, pour faire diminuer les taxes des receveurs des restes à Rouan et mettre en un content +».

Trois des lignes de cette importante et rare missive entièrement autographe d'Henri IV se terminent par son typique «fermesse» (un S barré) comblant les vides.

 

 

147.         HENRI IV (Un fils d') - P.S. «Henry - duc de Verneuil», 2 pp . in-8 obl. sur vélin ; (Paris), 1.IV.1665. 200/250

Quittance portant une ligne autographe et la signature du duc de VERNEUIL (1601-1682), fils légitimé d'Henri IV et de sa maîtresse Henriette d'ENTRAIGUES laquelle, peu après la mort de Gabrielle d'Estrée, avait remplacée celle-ci dans le coeur du roi.

En 1652, le fils de la belle Marquise avait été créé duc et pair de France par son neveu LOUIS XIV, prêtant occasionnellement ses services à la cour de France comme diplomate. Ce reçu se rapporte à son «... Ambassade extraordinaire en Angleterre...», pour laquelle le roi lui octroie «... dix huit mille livres... pour trois mois... [d'] appoinctement...».

Depuis septembre 1664, la France taxait les marchandises importées par les navires étrangers. Il n'est pas impossible que l'ambassade du duc de Verneuil ait servi à calmer les remontrances de l'Angleterre, importante puissance maritime.

 

 

148.         «HENRI V», Henri de Bourbon, dit (1820-1883) Fils posthume du duc de Berry, prétendant légitimiste au trône de France. Duc de Bordeaux, puis comte de Chambord - Manuscrit autographe, 2 pp. in-folio ; vers 1832/1835. 250/350

Devoir manuscrit, entièrement de la main de l' «enfant du miracle», rédigé sous la dictée de son précepteur qui y a apporté quelques corrections. Long texte, fort curieux, intitulé «Supplice des missionnaires au Congo», relatant les sévices qu'eurent à subir des capucins, lesquels «... liés de leurs propres cordons, et le visage contre terre, furent tirés par les pieds aux travers des sables du pays... Le secours du ciel fut leur seul soutien pendant deux ou trois jours... ils furent délivrés heureusement par quelques pêcheurs idolâtres. Un nègre infidèle les reçut avec beaucoup d'humanité et leur donna fort bien à souper et les logea...», etc. Autographe rare, sous cette forme.

 

 

149.         «HENRI V», Henri de Bourbon, dit - Feuille de dédicace A.S., avec cachet de cire rouge. Photo jointe. Vers 1865. 150/200

Le comte de Chambord offre son portrait (photo originale in-8, cliché Franck, Paris) et l'accompagne d'un billet où, sous un cachet à ses armes, il a écrit les mots suivants : «Donné à Mr Thomas Meiffren - Henri».

 

150.                HEREDIA, José-Maria de (1842-1905) Poète néaux Antilles, maître incontesté du sonnet français - Poème A.S., 1 p. in-4. Encadré. 300/400

Célèbre sonnet intitulé «Stymphale», faisant partie des «Trophées» (1893), dont voici les premiers vers :

«Et partout, devant lui, par milliers, les oiseaux,

De la berge fangeuse où le héros s'affale,

S'envolèrent ainsi qu'une brusque rafale,

Sur le sinistre lac dont clapotaient les eaux»

Ce manuscrit comporte plusieurs variantes par rapport au texte imprimé, notamment à cinq vers, ainsi que quelques différences de ponctuation.

Document littéraire de premier ordre.

 

151.                HEREDIA, José-Maria de - L.A.S., 3 pp. in-8 ; Paris, 10.IV.1905. En-tête : Bibliothèque de l'Arsenal, Administrateur. 250/350

Peu avant sa mort, le poète répond à un ami qui l'avait vraisemblablement interrogé sur l'origine de son prénom. «... C'est un cousin germain à moi mort dix ans avant ma naissance en souvenir duquel on m'a donné le même prénom. C'est le plus célèbre poète de l'Amérique Espagnole, fougueux républicain, exilé à Cuba à l'âge de 14 ans. Son père... fut un très grand personnage ; président de l'Audience de Mexico et Vice-roi du Mexique par intérim, il a signé le traité de Pensacola en 1801, par lequel l'Espagne cédait la Floride aux Etats-Unis... On a célébré l'année dernière le centenaire de José-Maria (les Cubains me nomment J. M. le jeune, hélas !) à Santiago de Cuba où il est né, et j'ai fait... les seuls vers espagnols que j'aie commis (Pas bons, entre parenthèses)...».

Il ajoute un post-scriptum mettant en relief un «Détail curieux» de ce «Cantor del Niágara» ; celui-ci était en effet le beau-frère du général mexicain qui, en 1854, avait fusillé l'aventurier français Gaston de RAOUSSET-BOULBON, épisode à l'origine de la tentative de la conquête du Mexique par les Européens et par Napoléon III en particulier.

Belle et intéressante page autobiographique !

 

152.         HUGO Victor (1802-1885) Poète, romancier et homme politique - L.A.S., 1 p. in-8 ; [Paris,5.II.1839]. Adresse et marques postales sur la IVe page. 300/400

A son jeune confrère de 21 ans, Gustave Le Brisoys, dit DESNOIRESTERRES (1817-1892), qui avait adressé ses compliments à l'auteur de Ruy Blas.

«... Mes yeux malades me font défaut. Je ne puis pas lire et je puis à peine écrire. Le retard de cette réponse ne vous le prouve que trop... Je n'en suis pas moins sensible à la sympathie que vous voulez bien m'exprimer et qui m'est précieuse...».

Depuis l'automne, Victor Hugo n'avait pas eu à s'occuper seulement du drame qu'il allait donner sur scène ; un autre, plus intime celui-là, le tracassait : une cabale montée par la jalousie de son épouse Adèle fit que le rôle de la reine, dans Ruy Blas, promis en un premier temps à Juliette DROUET, échoua à l'actrice Louise Beaudoin, maîtresse de Frédérick Lemaître. La première eut lieu le 8 novembre 1838 à la salle Ventadou. C'est ainsi que s'évanouit, pour Juliette, le dernier espoir de revenir sur les planches, d'y gagner sa vie et celle de la petite Claire. Le coup fut si dûr que Victor Hugo dut lui communiquer la mauvaise nouvelle avec ménagements. La comédienne allait désormais dépendre totalement de son ami, devenant pour la vie une femme entretenue mais qui pourra faire graver avec orgueil sur sa tombe ces vers de Victor Hugo : «Quand je ne serai plus qu'une cendre glacée, / Quand mes yeux fatigués seront fermés au jour, / Dis-toi, si dans ton coeur ma mémoire est fixée : / Le Monde a sa pensée, / Moi j'avais son amour !».

 

153.         HUGO Victor - L.A.S., 1 p. 12° ; «29 avril» (Paris, 1874). Papier de deuil. Encadrée. 250/350

 

Le bonheur que procuraient au Poète le retour d'exil, les honneurs, le succès de la reprise (1872) de Ruy Blas avec la jeune, souple et féline Sarah Bernhardt dans le rôle de la reine, jadis promis à Juliette, avait pris fin avec la maladie de François-Victor Hugo, le plus dévoué et le plus affectueux fils du poète, mort le 26 décembre 1873.

L'écrivain s'adresse ici à un ancien collègue : «... Maintenant que j'ai retrouvé un peu de force, et que je puis écrire, je tiens à vous dire que j'ai été profondément touché de votre éloquente et noble lettre du 29 décembre [1873]...».

Emouvant souvenir d'un homme qui, en trois ans, a vu disparaître ses deux fils et qui se réveille un 1er janvier 1874 vers deux heures du matin pour écrire un seul vers : «... Et maintenant à quoi suis-je bon ? A mourir».

 

154.         HUGO Victor (Madame) - DEUX L.A.S. (une non signée) d'Adèle HUGO (1803-1868, femme du poète), 7 pp. in-8 ; datées «dimanche» et «4 novembre» [1860]. Montées sur grande feuille portant sur la gauche une quarantaine de lignes explicatives. 1200/1500

Précieuse correspondance concernant John BROWN et la gravure, d'après le dessin de Victor Hugo, qui fut interdite par la censure de Napoléon III.

Ces deux longues lettres d'Adèle, adressées au peintre Paul CHENAY (1818-1906), beau-frère du Poète et auteur de la célèbre et rarissime gravure du  Pendu - dont il n'existe, semble-t-il, qu'un seul exemplaire ! - concernent précisément ladite planche censurée.

Chenay les a préservées comme des messages indirects de Victor Hugo, les accompagnant d'un long texte explicatif autographe que nous allons en partie citer ci-après afin d'en mieux saisir le contenu et les faits. L'Artiste écrit : «Deux lettres de Mme V. Hugo, à l'occasion de la gravure du Pendu, d'après le dessin de V. H. La 2e me reproche d'avoir laissé la date du 2 Xbre, jour de l'Exécution de John BROWN, ce qui a fort contrarié le gd homme...».

Le graveur reconnaît avoir fait cela dans le but de «... taquiner légèrement l'empire par cette coïncidence de date... je l'avais fait sans consulter personne... V. H. étant à Guernesey et moi à Paris, en butte aux persécutions de la Censure... Ce qui est arrivé ? Les Epreuves ont été lacérées à l'imprimerie, une seule excepté, que j'ai caché et que je possède...». Il évoque aussi les contrastes que cette affaire a fait surgir entre le poète et lui, puis, au dos de la feuille, il joint un article de Jules JANIN (Indépendance Belge, mai 1860) qui, commente Chenay au-dessous, «... s'étonne dans ce feuilleton de l'interdiction qui empêche encore la publication du pendu...».

Durant l'exil de son époux, Adèle protégea les intérêts littéraires et financiers en France de Victor Hugo, intervenant si nécessaire, comme en témoignent ici ses deux lettres.

 

155.         HUGO Victor (Lettres à) - Deux lettres autographes de Juliette DROUET (1806-1883, actrice, maîtresse et égérie du Poète), 8 pp. in-16 ; Paris, 9 et 11.XI.1870. 500/600

Charmantes lettres d'amour de Juliette qui, malgré les ans, les infirmités et les trahisons de son «Toto», brûle toujours de la même passion pour son «... ineffable, cher bien-aimé...».

Dans sa première missive, elle demande pardon «... pour ma maussaderie hier. Je m'en veux de ne savoir pas mieux supporter mes misères... J'espère que la crise est entièrement finie et qu'il n'y paraîtra plus ce soir. Je te supplie donc, mon cher bien aimé,... de ne te souvenir que d'une chose, c'est de m'aimer, de me sourire et de me bénir comme je le fais moi-même à tous les instants de ma vie...», etc.

Deux jours plus tard, à 9 heures du matin, Juliette se dit «... humiliée et furieuse...» car, souffrant encore, elle ne pourra aller acheter la flanelle pour son amant : «... Cependant je vais faire tous mes efforts... dussai-je la brûler jusqu'aux os [sa maladie] avec du fer rougi au feu...» ! Quant à aller au théâtre «... sans toi dimanche, même pour entendre tes formidables, sublimes et olympiens CHÂTIMENTS, mon coeur, doublement sollicité par toi et par eux, préfère ton doux tête à tête à leur glorieux triomphe. Donc, mon cher adoré... laissez-moi profiter de l'unique occasion que j'aurai depuis si longtemps de vous avoir à moi toute seule pendant quelques heures. Une fois n'est pas coutume. Je ne le sais que trop...».

Après dix-neuf années d'exil, Hugo était revenu à Paris le 5 septembre précédent, triomphalement accueilli par une foule

[Suite lot Hugo n° 155] immense qui l'attendait. Mais les Prussiens sont bientôt aux portes de la capitale qui, après Strasbourg et Metz, capitule à son tour ; les Parisiens manifestent et les premières réquisitions de denrées alimentaires sont ordonnées. Juliette, quant à elle, accompagne Hugo voir les flammes à l'horizon, et dans de nombreux théâtres on lit les poèmes des Châtiments, les recettes devant servir à acheter des canons pour l'armée de Paris...

 

156.                HUMBOLDT, Alexandre de (1769-1859) Naturaliste et voyageur allemand. De 1799 à 1804, il exécuta dans les régions tropicales du nouveau monde un voyage scientifique très fécond - L.A.S., 1 1/3 pp. in-8 ; «ce jeudi» (vers 1810/1812 ?). 350/450

Intéressante lettre scientifique au directeur des Annales, lui demandant de faire paraître dans sa revue une nouvelle découverte pour laquelle le botaniste suisse Augustin-Pyrame de CANDOLLE (1778-1841) a rédigé un texte explicatif.

«... J'ai arraché cette petite note à Mr de Candolle. Nous vous supplions de la corriger un peu... C'est une découverte bien précieuse, une pomme de terre nouvelle, excellente... Vous savez que l'on n'a pas trouvé jusqu'ici, sauvage, notre véritable pomme de terre...». Il invite son correspondant à «... ajouter, en même temps, quelques mots de mes recherches sur l'Hist[oire] du Sol[anum] tuberosum, tirés de mon Mexique, Tome II...», édité en 1809.

Entre 1807 et 1833, Humbold avait publié les résultats de certaines de ses recherches dans son monumental Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent. Quant à Candolle, il publia en 1813 sa Théorie élémentaire de la botanique qu'il regardait comme la partie capitale de son oeuvre entière.

 

 

157.                HUYSMANS Joris-Karl (1848-1907) Romancier, poète et critique d'art dont l'oeuvre, caractérisée par une minutie d'observation et un pessimisme intense, subit une transformation profonde après sa conversion catholique - L.A.S., 1 p. in-12 obl. ; Lourdes, 8.III.1907. Enveloppe autogr. 200/250

A son vieil ami, le critique Gustave GEFFROY (1855-1926) qui, suivant l'exemple de Huysmans, avait dès 1892 mené campagne en faveur des peintres impressionnistes.

«... Votre lettre m'annonçant la bonne nouvelle m'atteint à Lourdes... J'écrirais bien un mot à Poincarré (sic !), mais je n'ai pas son adresse. Envoyez-la moi..., si vous ne lui faites pas visite officielle...».

Futur Président du Conseil des ministres, Raymond POINCARÉ avait depuis mars 1906 la charge du portefeuille des Finances. Quant à Huysmans, qui était rentré à Paris au mois d'avril 1907, il ne lui restait que deux mois à vivre.

 

 

158.                ISABELLE II d'Espagne (1830-1904) Reine dès 1833, son pouvoir lui fut maintes fois contesté par les Carlistes et par des complots militaires. Renversée en 1868, elle vécut dès lors en France - L.A.S., 2 1/2 pp. in-4 ; Paris, 4.I.1873. Sur papier portant en tête une fleur de lys couronnée. 300/350

L'ex-reine remercie le maréchal BAZAINE - depuis sa défaite de Metz, celui-ci était la cible d'une campagne de presse dont Gambetta était en première ligne - pour «... votre aimable félicitation... Moi aussi je vous souhaite de tout mon coeur... le plus grand bonheur possible. Mon affectueuse amitié pour vous et pour la Maréchale reste aussi et restera à travers le temps... Embrassez la Maréchale et vos charmants enfants pour moi et mes enfants... Vous savez très bien que j'aurai toujours grand plaisir à vous pouvoir être utile...». Elle signe «Isabelle de Bourbon».

Elle termine sa missive en espagnol, s'adressant maintenant directement à la Maréchale, d'origine ibérique ; elle lui réitère ses sentiments d'affection, la remercie d'un présent qu'elle a fort apprécié, et enfin signe de son prénom espagnol, «Isabel».

L'année 1873 ne sera pour Bazaine pas aussi heureuse que la reine le lui avait souhaité. Appelé à comparaître devant un conseil de guerre le 6.X.1873, le vaincu de Metz sera condamné à mort le 10 décembre, sentence commuée par Mac-Mahon en 20 années de prison ! Après quelques mois de détention dans le fort de l'île Saint-Marguerite, au large de Cannes, le «traitre Bazaine» réussira à s'évader - semble-t-il aidé en haut lieu ! - et trouvera refuge en Italie, puis en Espagne. La reine Isabelle, quant à elle exilée en France, aida-t-elle Bazaine comme elle le lui avait promis dans cette lettre ?

 

 

159.                JOURDAN Jean-Baptiste (1762-1833) Maréchal d'Empire. Simple soldat pendant la guerre d'Amérique, il servit à la Révolution sous Dumouriez et sa belle conduite à Jemappes lui valut le grade de général en 1793 - L.S., 2 1/2 pp. in-folio ; Bonamas, 14.VII.1796. En-tête à son nom en tant que Général Commandant en Chef l'Armée de Sambre et Meuse. 300/350

Remarquable missive adressée au général Paul GRENIER (1768-1827), renfermant un véritable plan de bataille devant servir à la prise de FRANCFORT. Jourdan communique l'ordre général de marche de l'armée ; Kléber devra donner aux généraux Lefèbvre et Colaud des instructions leur permettant de prendre leur position en vu du combat ; la division Championnet, qui s'appuiera à la Tour de Berg, se tiendra à la droite de Grenier ; celle de Bernadotte occupera Sulzbach sur sa gauche, la droite étant dans la direction de Munster. Bernadotte devra avoir des patrouilles continuelles dans la plaine du Main afin d'observer l'ennemi, il fera relever par six cents hommes les troupes de Championnet qui surveillent le fort de Königstein. Quant à la division Bonnaux, elle devra entrer dans Francfort le surlendemain, etc.

A la fin de sa lettre, Jourdan annonce à tous les généraux «... que l'armistice qui a été conclue pour la reddition de Francfort sera expiré après demain... à sept heures du matin. Les généraux rendront compte demain au g.al en chef, à Bonamas, de l'exécution du présent ordre...».

Comme prévu ici, le 16 juillet 1796 (28 messidor an IV), la ville de Francfort était prise par Kléber ; deux jours plus tard, Moreau entrait dans Stuttgart et, le 25 juillet, Jourdan prenait Würzburg.

 

160.                JOURDAN Jean-Baptiste - L.S., 3 pp. in-folio ; Quartier général d'Aslar, 17.IX.1796. 300/400

Jourdan, qui commande en chef l'armée de Sambre et Meuse, a sous ses ordres de jeunes et déjà célèbres officiers. Il vient de passer le Rhin et, aux prises avec des difficultés, s'adresse aux généraux Lefèbvre, Championnet et Grenier pour leur donner des directives destinées à ses différentes divisions. Il précise à chaque général les mouvements que devront faire ses troupes, les positions qu'il aura à occuper, etc. Nous voyons donc, dans cet important document, le détail des ordres donnés aux trois généraux par le futur maréchal qui doit se rendre près de Marceau, devant Limbourg, pour évaluer la situation à la suite de la retraite stratégique que l'armée est contrainte d'opérer.

Lefèbvre, futur duc de Dantzig, le plus ancien des trois, commandera pendant son absence, écrit Jourdan qui ajoute : «... Je désire que la position que vous occupez soit défendue avec la plus grande opiniatreté... Je ne crois pas que l'ennemi soit très en force devant notre aile gauche et il paraît, d'après les rapports des généraux Marceau et Bernadotte, que ses principales forces sont devant Limbourg...». Cependant, au cas où, malgré une résistance opiniâtre, ils seraient contraints à la retraite, Jourdan leur indique de manière fort précise les positions de repli qu'ils devraient prendre, puis, à la dernière minute ajoute encore : «... Je vous préviens que le général Beurnonville en m'annonçant son arrivée prochaine me donne avis qu'il a dirigé dix bataillons et douze escadrons sur Siegen, ce qui dans les circonstances actuelles pourra nous être très avantageux...».

Une très belle page d'histoire et de stratégie militaire écrite par Jourdan à un moment critique où, battu à Würzburg (3.IX.1796) et forcé de reculer jusqu'au Rhin, il renoncera le 23 septembre à son commandement en faveur de Beurnonville.

 

 

161.                LAMARTINE, Alphonse de (1790-1869) Poète romantique - L.A.S., 1 p. in-4 ; [St Priest, 2.X.1831]. Adresse autographe sur la IVe page. 500/800

Le poète, qui s'apprête à accomplir un long voyage en Orient,  où il visitera entre autres les lieux saints, répond à la lettre que vient de lui adresser Eugène SUE, désireux de participer à l'aventure.

«... repoussé par la Politique et heureux de l'être...», Lamartine lui confirme que son «... voyage de Syrie et d'Egypte...» aura bien lieu, le départ étant prévu pour la première quinzaine de février : «... Je serai heureux d'avoir un Compagnon... tel que vous, dessinant de la Plume et du Pinceau... et animant par une pensée aussi forte qu'aimable la solitude d'une longue traversée. Mais il faut nous entendre...». Et l'écrivain d'ajouter ses premières instructions.

Sue ne prendra pourtant pas place sur le brick L'Alceste qui lèvera l'ancre le 10 juillet 1832 dans le port de Marseille.

Belle et intéressante missive.

 

162.                LECONTE DE LISLE, Charles-Marie (1818-1894) Poète parnassien, ami de Verlaine, Mallarmé et Hérédia - Poème A.S., 1 p. in-8 obl. ; sans date (vers 1860 ?). 150/200

Curieux quatrain commençant par une phrase devenue célèbre, extraite d'un passage de La Farce de Maître Pathelin, pièce comique en vers d'un auteur inconnu du XVème siècle.

 

«Mais revenons à nos moutons qu'il faut tondre

Balthazar a parlé, c'est à vous de répondre

Donc, au fait, chien mitré, vieux drôle au coeur de fer

Et ne révolte pas la pudeur de l'Enfer !»

Nous n'avons pu vérifier si ce texte coïncide avec celui de la pièce ancienne, ou si le poète s'est amusé à répondre en vers à un ami en empruntant à Maître Pathelin seulement les premiers mots...

 

163.         LOUIS XIII de France (1601-1643) Fils et successeur d'Henri IV, il laissa le pouvoir entre les mains du cardinal de Richelieu - L.S., 1 p. in-folio ; Paris, 9.III.1631. 1000/1200

Importante lettre, se terminant par une belle signature autographe, adressée à Henri de LONGUEVILLE (1593-1663), mari de la célèbre duchesse qui joua un si grand rôle dans la Fronde, lequel n'était pas encore entré en rébellion contre la Cour.

Louis XIII lui donne ordre de retourner en Normandie pour maintenir ses sujets dans l'obéissance ; à cette époque en effet, le pouvoir royal était déjà menacé par les complots de Gaston d'Orléans, frère du souverain, qui passa toute se vie dans l'intrigue. «... Après avoir employé toutes sortes d'instances et n'avoir rien obmis de ce que J'ay creu pouvoir obliger mon frère le duc d'Orléans de revenir auprès de moy, J'ay eu advis que ceux dont les artifices l'en ont esloigné, le portent à des desseings préjudiciables au repos de cet estat, jusques même à s'asseurer des gens de guerre...». Sachant combien il est important d'étouffer de telles rébellions dès leur naissance, le roi a estimé nécessaire de renvoyer son correspondant «... en diligence en vostre gouvernement pour empescher toutes les levées qui s'y feront sans mes commissions et contenir par vostre présence et par vos soings, mes subjects de Normandye dans le respect et obéissance qui m'est due...», etc.

Le 31 janvier 1631, Gaston d'Orléans avait rompu avec le roi et quitté Paris pour Orléans où il menait des intrigues avec des représentants du roi d'Espagne afin de favoriser une paix contraire à la politique menée pas Richelieu. Il se verra contraint de quitter la France dès le 28 avril suivant et ira se réfugier en Lorraine où le duc Charles IV soutenait les Habsbourg.

 

164.         LOUIS XIII de France - P.S. «Louis»(vraisemblablement par son secrétaire Servien) , 3 pp.in-folio ; Saint-Germain, 3.X.1634. 800/1000

«Ordre que le Roy veut estre suivy et gardé par les Compagnie de sa cavalerye légère sans aucune distinction du vieux ou du nouveau corps...» et cela contre les anciens règlements, «... mesme celuy de Grenoble du XXVII febvrier...» 1629, établi alors que Louis XIII avait rassemblé une armée de 23.000 hommes à pied et 3000 cavaliers pour aller soutenir les prétentions du duc de Nevers sur le Montferrat (Italie), envahi par le duc de Savoie.

Viennent ensuite deux pages faisant état des différentes compagnies de cavalerie (La Colonelle, la M.e de Camp, Bligny, Bussy, etc.) suivant un ordre imposé par le roi et que le colonel général, le comte d'Alais [Henri II de Bourbon-Condé-Conti] doit faire respecter. Les compagnies aux ordres du marquis de Saint-Chamond, qui a suivi en Allemagne l'armée commandée par le maréchal Armand de Caumont, duc de La Force, devront se tenir à ces nouvelles dispositions, etc. «... Sa dicte Majesté n'a point compris dans le présent règlement les compagnies des Comtes d'Ayen [Sr de Noailles] et Scots... Faict au Conseil de Guerre tenu par Sa Ma.té à St-Germain...».

La pièce est contresignée par le célèbre Grenoblois Abel SERVIEN (1593-1659), créature de Richelieu et, dès 1630 secrétaire à la Guerre. Alors en pleine ascension, Servien avait été placé par le cardinal parmi les tout premiers membres de la future Académie française, et en 1634 - année où fut écrit notre document, ce qui nous fait dire que la signature est vraisamblablement de sa main - nommé secrétaire du roi.

Important document se plaçant en pleine Guerre de Trente Ans, à un moment où, après la terrible bataille de Nördlingen, Richelieu pousse Louis XIII à entrer en conflit ouvert contre les Impériaux, vainqueurs des Suédois et des Saxons.

 

 

165.         LOUIS de France, duc de Bourgogne (1682-1712) Petit-fils de Louis XIV, dauphin de France dès 1711, père de Louis XV - L.A.S., 1 p. in-4 ; «Au Camp de Braine-L'Aleu», 17.VI.1708.  300/400

Durant la Guerre de Succession d'Espagne, le jeune prince, generalissime sans pouvoir, a établi son quartier général au Brabant (Belgique), et précisément à Braine-L'Alleud où se dérouleront un siècle plus tard les opérations de la bataille de Waterloo !

Le duc de Bourgogne informe le secrétaire à la Guerre, Michel CHAMILLART, qu'il n'a point écrit au roi «... n'ayant eu rien de nouveau à luy mander... Je reçois dans ce moment la lettre du Roy... J'ai cru que je ne devais point m'épargner pour empêcher une chose qui me paroissoit si contraire au service du Roy. Il sera peutestre bientost question d'autres projets...», plus favorables et dont il lui fera part avant même d'en aviser Louis XIV ! «... En tout cas, je vous prie de ne point dire ce que je vous en dis ; le Roy en sera instruit incessament...».

Vingt-quatre jours plus tard, le jeune duc de Bourgogne, assisté du duc de Vendôme, était battu par Marlborough et le prince Eugène : les troupes françaises, victimes de la mésentente entre leurs deux chefs, durent se replier précipitemment sur Yprès, Tournai et Lille... Un siècle plus tard, en 1815, Napoléon aurait été bien inspiré de tenir compte de ces faits lors de la bataille de Waterloo !

 

 

166.         LOUIS de France, duc de Bourgogne (Naissance de) - Deux pièces s'y rapportant, 3 pp.in-4 ; 6 et 16 août 1682. Traces de scotch le long des bords verticaux. 200/300

Le 6 août 1682 naissait à Versailles, où la cour venait de s'installer, «... Louis de France, duc de Bourgogne, fils de Monseigneur et de Mme la Dauphine...». La joie de Louis XIV, qui voyait dans cet événement un signe supplémentaire de la bonté divine pour la perpétuité de sa race et de son royaume, était à son comble, et il invita tous les gouverneurs des provinces françaises à assister au Te Deum et allumer des feux de joie.

L'un des documents que nous offrons ici n'est autre que la copie de cette lettre (2 pp. in-4) que Louis XIV adressa le jour même de la naissance du futur Dauphin au gouverneur du Poitou, le «Comte de Pardeilhan» ; ce dernier la fit recopier et la joignit à sa lettre (L.S., 1 page in-4) qu'il envoya à son tour aux autorités de Thouars, leur demandant «... d'assister en corps au Tedeum... et de faire faire dans les lieux accoustumés des feux de joye, de faire prendre les armes à vostre bourgeoisie, tirer le canon, et faire toutes les marques d'une véritable réjouissance...», etc. Une note d'une autre main, tracée au bas de cette copie de la lettre du roi, nous informe que «Le feu de joye a esté fait le dimanche 30 aoust après le Tedeum...».

La missive du roi, qui commence par quelques lignes annonçant la naissance de son neveu, témoigne de la puissance du Roi Soleil, désormais à son apogée : «... les heureux succès que mes justes desseins ont toujours eus, soit dans la paix soit dans la guerre, depuis mon advenement à cette couronne et les progrès advantageux que mes aymez ont faict sur mes ennemis qui ont rendu la paix à l'Europe, mis mes Estats à couvert des entreprises des envieux du bonheur dont ils jouissent, et restably mes alliés dans ceux dont on les avoit despouillés, ont faict cognoistre... à tous le monde la puissante protection de Dieu pour cette couronne...», etc.

Une vraie page d'anthologie et... d'autosatisfaction, les victoires de Turenne, Condé et Duquesne ayant permis à Louis XIV de triompher face à ces ennemis avec lesquels il avait signé le traité de Nimègue, obtenu la Franche-Comté et imposé  sa paix à l'Europe.

 

167.         LOUIS XV de France (1710-1774) Roi dès 1715, il subit l'influence de ses favorites dont Ma-

dame de Pompadour fut la plus célèbre - L.A., quatre lignes sur 1 p. in-8 ; (vers 1759 ?). Sur la IVe page, adresse et cachet de cire brisé aux armes royales. 500/600

Amusant message où l'on voit le souverain solliciter l'aide de son ministre le plus important («A mon Cousin le Duc de Choiseuil») dans une affaire concernant le duc de BROGLIE ; il écrit en ces termes au favori de la Marquise de Pompadour, entré au Conseil en 1758 : «Mr de Broglie m'a remis son mémoire, que je n'ay pas encore lu, et depuis il m'a envoié toutes ces pièces, que faut-il faire de tout cela, et sur tout cela».

Rappelons que le duc Victor-François de BROGLIE (1718-1804) avait battu les armées commandées par le duc de Berwick en 1759, puis pris Kassel et occupé la Hesse l'année suivante ; entre temps, Louis XV l'avait nommé maréchal de France. A la Révolution de 1789, Necker fera de lui son ministre de la Guerre mais le 18 juillet déjà, soit une semaine après sa nomination, le duc de Broglie émigrait.

 

168.         LOUIS XV de France  - P.S., 3 pp. in-folio ; Fontainebleau, 30.X.1770. 500/600

«Etat» (fragment constitué des trois dernières pages) des dépenses se rapportant à la levée d'imposition fixée à «... Un million soixante onze mille huit cent quatre vingt dix Livres onze sols neuf deniers...» et arrêtée lors du Conseil royal des finances qui s'était tenu au château de Fontainebleau. Document signé par LOUIS XV (signature autographe) ainsi que par tous les membres du Conseil : R. N. de MAUPEOU (1714-1792), L. F. Le Fèvre d'ORMESSON (1718-1789), J. L. Moreau de BEAUMONT (1715-1785), J. Ch. Ph. TROUDAINE (1733-1777), H. L. J. B. BERTIN (1719-1792), l'Abbé J. M. TERRAY (1715-1778) et par deux autres.

 

 

169.         LOUIS XV de France (L'épouse de) - L.A., 1 p . in-4, de la reine MARIE LECZINSKA (1703-1768) ; (Versailles, vers 1750 ?). Adr. et cachet de cire aux armes royales. Pièce jointe. 600/800

Au célèbre historien Charles-Jean-François HÉNAULT (1685-1770), président au Parlement et surintendant de la maison de la reine, laquelle avait pour lui une grande affection, comme d'ailleurs le montre fort bien cette missive. «... Je vous aurois déjà grondé, mon cher Président, sur l'imprudence que vous avez eut de prendre l'air le jour de vostre médecine...» ; elle-même a été malade, «... mais ce n'était pas ma faute, un peu de dérengement... et le poulx pas bien net avec beaucoup de lang[u]eurs ; cela va mieux...». La reine se réjouit de savoir son correspondant sur la voie de la guérison et espère qu'avec le retour de la bonne saison il lui rendra une petite visite «... car je ne puis vous dire combien je souhaitte de vous voir...» si ce n'est à Versailles au moins à sa résidence de Marly où elle compte se rendre le jour même «... sur les six heures...» du soir.

Pieuse et charitable, la reine Marie Leczinska fut mère de dix enfants. Elle vieillit de bonne heure et dut accepter le régime des maîtresses imposé par Louis XV. Traitée avec égards par Madame de Pompadour, dans son entourage figuraient le comte d'Argenson, Maurepas et surtout le président Hénault, ami et serviteur des plus fidèles.

On joint une passionnante étude de sept pages de l'historien Jean Torlais sur le destin exceptionnel du "président Hénault".

 

170.         LOUIS XV de France (la belle-fille de) - L.A.S., 1/2 p. in-4, de la Dauphine MARIE-JOSÈPHE de Saxe (1731-1767) ; (Paris), 5.V.1749. Rare. 250/300

Affectueuse missive écrite deux ans après son mariage avec Louis de France et adressée à son frère, le prince XAVIER (1730-1806), régent de Saxe de 1763 à 1768 : «... Il y avait si longtemps que vous ne m'aviez écrit que j'ai eu peur que vous ne m'ayez tout à fait oubliée. Ne me faites pas ce chagrin car cela serait me donner la mort que d'être oubliée par un frère que j'aime si tendrement...». Elle transmet les compliments du Dauphin.

Jolie et très pieuse, morte de chagrin à l'âge de 36 ans peu après la disparition du Dauphin, la princesse Marie-Josèphe est la mère de trois rois de France (Louis XVI, Louis XVIII et Charles X) et d'une reine (Marie-Clotilde de Sardaigne). Ses enfants, et notamment le futur Louis XVI, avaient pour elle une véritable adoration.

 

171.         LOUIS XVI de France (1754-1793) Roi de 1774 à 1792, guillotiné le 21 janvier 1793 - P.S., 1 p. in-folio ; Paris, 13.V.1791. Traces marquées de scotch le long du bord supérieur et du pli central horizontal. 600/800

Louis XVI, roi constitutionnel depuis 1789, ordonne à J.-B. Tourteau de Septeuil, Trésorier Général de sa liste civile, de payer 2276 livres et quinze sols au Commissaire des guerres Guy, chargé de régler les dépenses dues aux «... différents Corps de Garde, tant des Chasseurs des Evêchés à St Germain en Laye, que de la Cavalerie Nationale Parisienne à Maisons, établis pour la conservation de la forêt dudit St Germain...».

Pièce contresignée par Arnaud de LAPORTE, son Intendant, guillotiné le 23 août 1792, première exécution politique depuis la création, le 17 août, d'un Tribunal spécial chargé de juger les crimes commis le 10 août.

Belle signature autographe de LOUIS XVI, à un mois de la malheureuse tentative de fuite de la famille royale qui se terminera à Varennes.

 

172.         [Postes] LOUIS-PHILIPPE Ier de France (1773-1850) Roi des Français de 1830 à 1848. Souverain constitutionnel porté au pouvoir par une révolution et chassé par une autre ! - L.S., 2 pp. in-folio ; St Cloud, 18.IX.1837. Sceau aux armes royales. 300/400

Lettres-patentes royales nommant le directeur de l'administration générale des Postes, le Sieur COMTE, Commissaire pour la France chargé des négociations d'une nouvelle convention postale avec la Grèce.

«... La régularité du service des paquebots à vapeur établis par Nous dans notre port de Marseille pour le transport des voyageurs et des dépêches dans les Etats que baigne la mer de la Méditerranée, faisant désirer qu'une Convention spéciale... soit conclue et signée... Nous... vous nommons... notre Commissaire à l'effet de vous réunir... pour négocier, conclure... Convention ou articles qui seront nécessaires pour régler les conditions d'admission et de séjour dans les ports de ce Royaume, des bateaux... affectés au service des voyageurs et des correspondances ainsi que les conditions de l'échange desdites correspondances entre les deux pays et les Etats desservis par leur intermédiaire...», etc..

Ce document, fort intéressant pour l'histoire postale et notamment le transport des lettres allant vers ou venant du Levant, est contresigné par le ministre des Affaires étrangères et président du Conseil Louis-Mathieu MOLÉ (1781-1855), l'un des députés qui condamnèrent en 1851 le coup d'Etat du 2 Décembre.

173.         [Postes] LOUVOIS, François-Michel Le Tellier, Marquis de (1641-1691) Homme d'Etat, il acquit une grande réputation durant le règne de Louis XIV en tant que secrétaire à la Guerre - P.S., 1 p. in-folio ; Saint-Germain en Laye, 31.XII.1673. Petit cachet de cire aux armes. 200/300

Important texte relatif à l'histoire postale en France au XVIIème siècle.

Louvois, «... Grand Maistre des Couriers et Surintendant général des postes, Relais et chevaux de louage de France...» juge important «... pour le service du roi de commettre une personne capable pour faire l'exercice du  bureau de la poste de la ville de Loches de laquelle nous puissions estre assurez pour l'envoy et reception des despesches, lettres et paquets de Sa Ma.té avec celles du public...» ; il confie donc ce poste au Sieur Thuraut dont il connaît les «... fidélité, capacité et expérience au fait des postes...» ; cette personne devra «... recevoir généralement toutes les despesches du Roy et du public, en faire les envoys où il appartiendra, tenir bon et fidel Registre des paquets de Sa Ma.té, recevoir les Droits des ports de lettres conformément aux Règlemens... faire generallement toutes choses... en telle sorte et de telle manière que le Roy en soit satisfait et que le public n'en fasse aucune plainte...», etc.

La pièce est contresignée «... par l'un des trois Commis à la surintendance et Controlle général des postes, relais et chevaux de louage de France...», Rouillé (Hilaire R. du Coudray, 1651-1729 ?).

 

174.         MAC-MAHON, Edme Patrice Maurice de (1808-1893) Maréchal du Second Empire, président de la République de 1873 à 1879 - L.A.S., 1 p. in-8 ; Dauville, 23.VII.1883. 150/200

Peu après la mort du général A. E. A. CHANZY, l'ancien héros de Crimée et de Magenta répond à l'historien A. Maxime CHUQUET (1853-1925) qui l'interrogeait sur ses relations avec le disparu. «... J'ai en effet écrit à Mr GAMBETTA, alors ministre de la Guerre, pour lui recommander le général CHANZY comme un des généraux les plus capables de l'armée...», reconnaît Mac-Mahon, qui avoue cependant ne pas se rappeler des termes exacts qu'il a alors employés ; ce dont il est sûr, c'est de n'avoir jamais écrit les mots «... et d'opposer tactique à tactique...».

Vers la fin de l'année 1883, l'historien Maxime Chuquet, spécialiste de la période Révolution-Empire, faisait paraître une biographie du général Chanzy. Quant à la mémoire de Mac-Mahon, elle ne paraît pas vraiment infaillible : en 1870 en effet, Gambetta était ministre de l'Intérieur du gouvernement de défense nationale, le général Le Flô occupant, lui, le ministère de la Guerre. Même en 1881, alors que Gambetta était en charge de la président du Conseil, il assurait également le ministère des Affaires étrangères ; à notre connaissance, Gambetta ne fut donc jamais ministre (titulaire) de la Guerre, en dépit de ce que semble affirmer ici Mac-Mahon.

 

175.         MAINE, Louis-Auguste de Bourbon, duc du (1670-1736) Fils légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan. Colonel général des Suisses à l'âge de 4 ans (!), général des galères à 18 et grand maître de l'artillerie en 1694, il fut un brillant homme de guerre. Chargé par Louis XIV dans son testament de veiller à l'éducation du petit Louis XV, il eut comme adversaire le Régent qui, de 1719 à 1720, le fit emprisonner à Doullens, suite à la conspiration de Cellamare - L.S., 1 p. in-4 ; Versailles, 25.V.1703. 200/250

A son retour de la campagne de Flandre, au temps de la guerre de Succession d'Espagne, le duc du Maine répond à la missive du Sieur de La Motte-Baracé, officier (et peut-être son "informateur") de l'armée de Villeroy, qui l'avait renseigné à propos «... des ordres de Monsieur le Maréchal de Villeroy que vous avés exécutés, et de vostre départ pour vous rendre à l'Equipage où vous devez servir....». Il ne peut qu'approuver tout ce que son correspondant a fait et reste persuadé «... que par tout où vous agirés, toutes les choses dont vous vous meslerés seront dans l'ordre qu'elles doivent estre...».

Rappelons qu'après dix mois de captivité (il s'était fait surprendre par les Impériaux à Crémone en 1702 !), le duc de VILLEROY (1644-1730) avait été mis à la tête (1703) de l'armée de Flandre, commandée avant lui par le duc du Maine ; il y commit fautes sur fautes jusqu'à la terrible défaite de Ramillies, en 1706, ce qui ne l'empêcha pas d'être nommé membre de la régence par le duc d'Orléans qui, grâce à lui, avait pu connaître les dispositions secrètes de Louis XIV et ainsi faire casser son testament aux dépens du duc du Maine... Une ancienne rivalité entre le duc du Maine et le maréchal de Villeroy expliquerait-elle la trahison de ce dernier en 1715 ?

 

176.         MAINE, Louis-Auguste de Bourbon, duc du - L.A.S., 4 pp. 8° ; Marly, 11.IV.1712. 300/400

Le duc est au faîte de sa gloire : son père vient par testament de le reconnaître apte à lui succéder et le charge du commandement des troupes de la Maison du roi. Chacun s'attend à ce qu'il succéde un jour à Louis XIV...

Cette intéressante lettre personnelle adressée à la princesse de Bourbon-Conti (Anne-Marie de BOURBON, 1666-1739, fille légitimée de Louis XIV et de Mademoiselle de la Vallière), sa demi-soeur, est révélatrice des intrigues secrètes et des coteries caractéristiques de la cour en ces temps-là. On peut y lire les noms de Jacques Blouin, filleul du roi, celui d'Herbigny, premier valet de chambre de Louis XIV (que la Princesse voudrait avoir à son propre service), du comte de Pontchartrain, chancelier et secrétaire d'Etat de la Maison du roi, tous faisant partie du clan du duc du Maine...

Le duc écrit notamment que «... Mr d'Herbigny, quoique très flaté et très honnoré de vostre choix ne l'accepteroit jamais à moins que le Roy ne luy ordonnâst...». Il ajoute certains conseils qui permettraient à une nouvelle démarche d'aboutir : «... vous avés besoin d'un agrément de S. M. ... Il ne seroit pas mauvais que vous... envoyassiez à Mr le Chancelier, pour le presser, un petit mémoire dont il ne pouroit se dispenser de rendre compte au Roy ; je voudrois mesme que ledit mémoire fûst en vostre nom afin que je ne fûsse pas toujours cité seul...», etc.

 

 

177.                MANOEL II du Portugal (1889-1932) Roi en 1908 après l'assassinat de son père Charles Ier et de son frère aîné Philippe, il fut détrôné en 1910 par un soulèvement des militaires qui le trouvaient trop efféminé pour gouverner le pays. Il s'exila alors en Angleterre avec sa mère, la reine Amélie d'Orléans - L.A.S. «Manuel R[ex]», 2 1/2 pp. in-8 ; Cannes, «Dimanche» (vers 1920 ?). Sur papier du Grand Hôtel de Cannes. Enveloppe autographe. 500/600

Au compositeur Reynaldo HAHN, l'ami de Proust, se trouvant alors au Casino Municipal de Cannes. "Mon cher Reynaldo... Nous regrettons beaucoup de savoir Marie (SCHEIKÉVITCH, 1882-1964, peintre ?) encore très enrhumée ; faites-lui dire toute notre tendresse...». Il souhaiterait inviter Reynaldo «... mardi ou mercredi, comme il vous conviendra le plus... Nous serions ravis de vous avoir à notre table : choisissez et faites-moi dire ce que vous préférez et aussi s'il y a q.q. chose que vous aimeriez manger ou boire !...».

Très sensible aux Arts et à la musique en particulier, l'ex-souverain évoque avec enthousiasme la dernière composition de Gabriel Fauré qu'il vient d'entendre : «... Je suis rentré comme toujours enveloppé du charme exquis des Masques et Bergamasques. Quel régal après tant de cacophonie !...». Cette suite orchestrale op. 112 fut créée à Monte Carlo le jeudi 10 avril 1919 à Monte Carlo, obtenant un immense succès. Tirée d'un scénario de René Fauchois, la partition joint à d'anciennes pièces des interludes écrits par Fauré à Menton la même année.

Intéressante et rare lettre témoignant de la sympathie que le jeune souverain vouait à Reynaldo Hahn dont il se dit l' «ami dévoué».

 

 

178.                MANOEL II du Portugal - L.A.S. «Manuel R[ex]», 4 pp. in-4 ; Twickenham, 26.IX.1926. En-tête à son adresse. 800/1000

Au même. «Mon cher Reynaldo, Je suis honteux ! Que dois-je vous raconter pour vous expliquer mon inexplicable silence ? Tout ou rien. Mais tout prendrait des cahiers de papier... L'unique explication acceptable a été l'extrême agitation de mon existence depuis la fin de mai... C'est vrai mon cher Reynaldo, j'ai eu qq mois d'un travail intense et bien difficile !...». Manoel, qui a trouvé les photos charmantes, déclare avoir enfin répondu à la lettre de «... notre chère Mme de Reszke...» (l'alto Marie du Goulain, veuve du célèbre ténor), et précise s'être rendu à Bruxelles pour y accompagner sa mère, la reine Amélie. Il a aussi jugé bon de se reposer «... dans notre chère maison, jolie et confortable, entourée de notre grand jardin rempli de fleurs... loin (aussi loin que possible) de la méchanceté et la bêtise humaine... Je travaillais... je lisais ou je faisais de la musique ; j'ai mené, je crois, une vie utile... [et] je me sens bien... J'aimerais tant vous montrer notre maison, notre jardin ! Et ma bibliothèque dont je suis si fier, sans oublier mon orgue ! Et pour terminer... je vous garantis que mon cuisinier vous soignerait et que ma case vous plairait !!!...», etc.

 

179.                MANOEL II du Portugal - L.A.S., 1 p. in-8 ; Paris, 13.II.1932. En-tête de l'Hôtel Ritz - Place Vendôme. 300/400

Dernière lettre à Reynaldo HAHN. Le jeune souverain allait en effet décéder le 2 juillet suivant, à l'âge de 43 ans, dans sa maison de Twickenham.

«Cher Reynaldo, Je viens d'arriver... Je serai ravi de déjeuner Lundi avec vous : Voulez-vous venir me prendre au Ritz... ? Votre ami tout dévoué - Manuel...». Manoel II s'excuse pour son «griffonage» et ne fait plus suivre sa signature du «R» royal. C'était la fin d'un règne, ou plutôt d'une courte vie vécue sans illusions !

 

180.         MARIE-ANTOINETTE au Temple - Janvier 1793 - Pièce la concernant, signée par quatre membres de la Commune de Paris, 1/2 p. in-folio ; Paris, 18.I.1793. En-tête de la Commune, avec vignette. 3000/4000

Pièce historique fort curieuse, rédigée et signée par BOUCHER-RENÉ du Conseil de la Commune, puis signée aussi par les trois autres membres : MICHONIS, MERCEREAU et BAUDOIT. Le citoyen Lafage est ici autorisé «... 1° à fournir une Seringue à Marie-Antoinette, à charge par lui de tenir compte du poids de la mauvaise seringue qu'il remporte ; et 2°, à remettre en état et réparer deux écrans qui étoient dans l'appartement des femmes...».

Il s'agissait-là de remplacer par une neuve la seringue (à lavements) utilisée par la reine pour son hygiène intime durant sa longue et angoissante détention dans la tour de l'ancien monastère des Templiers. Séparés l'un de l'autre, les deux souverains y avaient été enfermés le 12 août 1792. Dans «... l'appartement des femmes...» se trouvaient auprès de Marie-Antoinette son fils le Dauphin, sa fille Marie-Thérèse, et sa belle-sœur, la princesse Elisabeth qui sera exécutée en 1794.

 

Document particulièrement émouvant et rarissime (il fut vendu en 1965 pour 240.000 NF !), daté trois jours seulement avant l'exécution de LOUIS XVI auquel l'ex-reine alla rendre une dernière visite le 20 janvier. Elle sera elle-même guillotinée le 16 octobre suivant.

 

 

181.         MARIE-LOUISE-GABRIELLE d'Espagne (1688-1714) Reine dès 1701, femme de Philippe V. Elle était la fille du duc de Savoie et montra beaucoup de courage durant la guerre de Succession d'Espagne - L.A.S., 3 1/2 pp. in-4 ; Madrid, 4.XI.1707. 400/600

Le 25 août 1707, la reine - mariée en 1701, à l'âge de 12 ans, à Philippe V, de cinq ans son aîné ! - avait mis au monde son premier enfant, le futur roi LOUIS Ier (1707-1724). Elle répond ici, de sa main et d'une écriture encore enfantine, aux vœux que sa «Cousine», la princesse de VAUDEMONT (Maison de Lorraine) lui a adressés pour la naissance du prince des Asturies. «... La joie que vous me témoignez... ne m'a point étonné : il y a trop long tems que vous souhaittiez ce prince... un grand bonheur pour cette monarchie...». Rappelons que le prince et la princesse de Vaudemont avaient été au service du futur Philippe V alors que celui-ci était encore duc d'Anjou.

La jeune maman parle de son enfant en termes délicieusement lyriques : «... dans une santé parfaite, je diray bien le plus beau du monde si je ne craignois que vous ne m'accusassiez d'être une mère aveuglée comme le fait touts les jours la Princesse des Ursins, mais quoiqu'il en soit je ne puis m'empecher de croire qu'il n'y en a jamais eu un plus joli, ny plus amusant...».

Puis, à propos des événements historiques touchant l'Espagne, et notamment ceux liés à la Guerre de Succession, elle ajoute : «... Nous attendons avec une extrême impatience la nouvelle de la prise de Lerida. Vous en connoissez l'importance et combien elle poura contribuer à faire perdre l'espérance à nos ennemis de conquérir l'Espagne. Je voudrois fort la voir en paix pourveu qu'elle fut glorieuse pour les deux couronnes...», etc.

La princesse des URSINS (Anne-Marie de LA TRÉMOILLE, 1641-1722) avait organisé le mariage entre Philippe V et la princesse de Savoie dont elle fut la «camerera major» ; elle exerça dès lors une influence toute-puissante sur les jeunes époux. Magnifique et rare missive de cette reine qui mourut à l'âge de 26 ans.

 

182.                MARTIN DU GARD Roger (1881-1958) Ecrivain, auteur des «Thibault», son principal ouvrage qui connu un immense succès. Prix Nobel de littérature en 1937 - L.A.S. (initiales) sur carte postale illustrée, 1 p. in-12 obl. ; Cassis, 8.II.1933. 100/150

Au dos d'une vue de la côte devant Cassis, l'écrivain s'adresse à un jeune confrère dont il semble apprécier les ouvrages. Il s'est fait réexpédier à Cassis La Tourmente, a écrit à Fernandez et a reçu une réponse de Marcel ARLAND qui «... me dit toute l'estime qu'il a pour votre œuvre... N'hésitez pas à aller vers lui, et aussi vers Paulhan. Ne perdez pas de temps par timidité ou modestie mal placée. Pénétrez un peu de force dans le milieu N.R.F. qui est, pour vous... un des meilleurs bains de décapage que vous puissiez trouver...».

 

 

183.                MARTIN DU GARD Roger - L.A.S., 4 pp. pleines in-8 ; Nice, 3.II.1953. 300/400

Importante missive adressée à Romain GARY (1914-1980), le célèbre auteur à scandale qui reçut par deux fois le prix Goncourt : en 1956, pour Les Racines du ciel, puis en 1975 sous le nom d'Emile AJAR, au prix d'une mémorable supercherie littéraire !

En 1953, Gary n'est connu que de quelques initiés seulement. Il vient d'écrire Les couleurs du jour et Roger Martin du Gard, qui pressent le grand avenir de son ami, lui adresse des compliments dithyrambiques ; cependant, avec son honnêteté habituelle, il les corrige par des critiques non moins virulentes. Gary aura l'intelligence de tirer parti des remarques de Martin du Gard, ce qui lui vaudra le prix Goncourt pour son ouvrage suivant.

Il regrette d'avoir tant attendu, après l'envoi du dernier roman, mais les critiques «... présentaient ce livre d'une façon qui n'excitait pas particulièrement mon impatience...» ; pourtant, à sa lecture, il a été agréablement surpris : «... Il me semble qu'entre Les couleurs du jour  et vos précédents bouquins, vous avez fait un bond prodigieux !... Oui, votre talent si particulier qu'il soit, si incomplètement satisfaisant même qu'il puisse être encore, a atteint un degré de force, de puissance... que vous pouvez maintenant, avec cet outil remarquable, faire ce que vous voudrez : le chef d'œuvre qu'on attend de vous !...».

Suivent deux longues pages où Roger Martin du Gard critique et met à nu bien moins l'ouvrage que son auteur : «... Mais... vous m'avez toujours permis d'être bourru et franc avec vous, et si je vous déballe le fond de mon sac, il n'y aura pas que des éloges... Mon cher Gary, vous témoignez sans cesse d'un incorrigible besoin de surprendre, de déconcerter, d'épater le lecteur... Jusqu'à être amené souvent... à dire exactement le contraire de ce qu'il eût été sensé de dire... comme si l'auteur avait la timidité de se montrer tel qu'il est...», etc., etc.

 

 

184.                MAUPASSANT (Lettre concernant) - L.A.S., 1 p. in-8, de l'écrivain symboliste Henri de RÉGNIER (1864-1936) ; vers 1890/1892 ? 200/250

«... M. de Maupassant est dans une situation un peu à part qui rend difficile toute appréciation de son talent. Ceux qui l'aiment n'ont qu'à exagérer le bien qu'ils en pensent, ceux qui l'aiment moins ne pensent que suspendre leurs restrictions et ceux qui ne l'aiment pas ne pourraient qu'imiter le sentiment de ceux qui l'aiment le plus...». On aurait aimé savoir dans quelle catégorie Henri de Régnier se situait, mais hélas il n'en dit rien...

 

 

185.                MAUPASSANT (Imprimés concernant) - Deux brochures et nombreuses coupures de journaux, 1890/1893 (deux de l'année 1897). 500/800

Intéressant dossier contenant des documents imprimés originaux :

1) Exemplaire du supplément de L'Echo de Paris du 8 mars 1893, entièrement consacré à Guy de Maupassant, déjà très gravement malade ;

2) Très rare catalogue de 16 pp. in-12 de la «Vente Guy de Maupassant - 19 Décembre 1893» qui eut lieu à l'Hôtel Drouot, «Salle n° 5» ;

3) Une douzaine de coupures de journaux (Le Figaro, Le Matin, Le Gaulois, etc.), pour la plupart concernant son état de santé (y compris sa tentative de suicide !) et l'évolution de la maladie qui devait emporter l'écrivain.

 

 

Documents réunis à l'époque par un admirateur de Maupassant et conservés dans leur chemise d'origine parmi les papiers d'Henri LAVEDAN.

 

186.                MÉDICIS, Cosme III de (1642-1723) Grand-duc de Toscane dès 1670, son fils Jean-Gaston fut le dernier de la lignée. Bien que Cosme III eût voulu assurer son héritage à sa fille Anne, la princesse Palatine, les puissances donnèrent la Toscane à un infant d'Espagne, issu des Bourbons-France - L.S. «Aff.mo Serv.re - Il Gran duca di Toscana», 1 p. in-folio ; Florence, 27.XII.1720. Papier rongé par l'encre à plusieurs endroits. 100/150

Au cardinal ALBANI (1682-1751), neveu du pape Clément XI, en réponse à ses voeux reçus à l'occasion de la nouvelle année ; ceux-ci ont produit «... nell'Animo mio, contentezza infinita... perchè riconoscendo io l'umanità sua singolare, da cui derivano, ho cagion di godere che mi si conservi nell'animo suo un capital si pregiato...», etc.

 

187.                MÉRIMÉE Henri (1807-1897) Voyageur et écrivain, cousin de l'auteur de Colomba  - L.A.S., 4 pp. in-4 ; Grenade, fin fuillet 1837. Adresse et marques postales sur la IVe page. 150/200

Longue et intéressante lettre ayant été, dès le XIXème siècle et encore récemment lors de sa vente il y a quelques années, attribuée par erreur à Prosper Mérimée. Elle émane pourtant bien de ce cousin voyageur du célèbre écrivain qui publia quelques ouvrages sur les pays qu'il visita.

Cette missive adressée (à Algèro, via Toulon, puis renvoyée à Rosny-sous-Bois) à son ami Cornisset-Lamotte nous montre un homme plein d'un humour à la fois féroce et décapant, notamment à l'endroit des espagnols et de leurs lieux les plus mythiques. De Cadix, Henri Mérimée s'en est allé à Séville, «... qui serait la plus complète mystification pour tout autre que le voyageur sentimental... : les eaux du Guadalquivir sont fangeuses en diable et les rives tristement plates. La ville est de l'apparence la plus vulgaire sans autre monument qu'une Cathédrale ; les femmes laides y sont comme ailleurs en majorité effrayantes ; il y a beaucoup de balcons mais pas apparence de sérénades dessous, passé dix heures les... gardes de nuit... traiteraient la sérénade de tapage nocturne... Malgré tout cela... on est heureux de se trouver à Séville, ... d'aller rodant le soir rêvant aux Sérénades passées, et cherchant le balcon de Rossini ou la boutique de Figaro...».

Puis, plus loin : «... La diligence de Madrid m'a porté à Cordoue. L'Afrique est un paradis comparé à l'abominable pays que j'ai traversé... C'est un désert de sables... Cordoue ne mériterait pas davantage la visite s'il n'avait pas sa mosquée... J'avais beau m'être figuré une forêt de colonnes. La réalité a dépassé toutes mes prévisions. De tous les côtés ce sont des avenues dont l'obscurité empêche de voir la fin. Quant à leur nombre... entre 800 et 1000...», etc. Il est ensuite question de la ville de Grenade, dont il donne une très belle description de l'Alhambra, tout près duquel a habité Washington Irving, etc., etc. Superbe texte !

 

 

188.                MERRILL Stuart (1863-1915) Poète d'origine américaine, successivement parnassien puis symboliste, ami des images fastueuses et des subtiles allitérations - L.A.S., 2 1/4 pp. in-8 ; New York, 7.IV.1892. Deux pièces jointes. 150/200

Militant socialiste à New York, Stuart Merril semble vouloir rester en relation avec le monde littéraire parisien, ville où il a fait ses études. Il renouvelle ici son abonnement au Mercure de France et paie sa souscription au livre de Rémy de GOURMONT. «... Bravo pour le Mercure... de plus en plus intéressant. Amitiés de ma part à Quillard et Hérold et mes condoléances au muleté Aurier...». Il ajoute en post-scriptum que son ami Jonathan STURGES désire souscrire à un exemplaire du Latin Mystique.

On joint deux L.A.S. de Claire RION (n. 1890), veuve de Stuart MERRILL : 1) en 1923, de Versailles, elle invite un ami à lui rendre visite en compagnie de Madame Rachilde ; 2) en 1930, elle remercie pour l'envoi d'un cadre.

 

 

189.                MIRABEAU, Honoré-Gabriel Riqueti, Comte de (1749-1791) Ecrivain et homme politique, l'un des orateurs les plus marquants de la Révolution française - L.A., signée de son paraphe, 4 pleines pages in-8 gr. ; datée simplement «Samedi». 1200/1500

 

Extraordinaire lettre à un ami de longue date lequel, aux prises avec un gros chagrin d'amour, a pour se défouler écrit une «historiette» qu'il a soumise à Mirabeau pour avoir de lui quelques conseils et un peu d'aide.

Le célèbre orateur s'efforce tout d'abord de calmer son correspondant en allant puiser dans... l'Antiquité ce que les hommes «... pensoient des femmes, de ce sexe qui pourtant a eu de leur temps des prodiges... Oh mon Ami ! ces gens là étoient plus profonds que nous ! et cependant ils ne croyoient pas du tout, comme nous feignons de le croire, que l'éducation des femmes bien dirigée, peut influer sur le bonheur social, ni qu'elle peut assurer la stabilité des législations... Ils regardoient ces êtres là comme des machines à enfants et à plaisir ; et ce n'est assurément pas qu'ils n'eussent du feu dans l'imagination et de la grâce dans l'esprit...». Quelques lignes plus bas, il se moque de cette «philosophie» ancienne et invite son ami à rire «... de ce que le plus faible des hommes avec les femmes, celui qui les a tant idolatrées, et dont la morale moins que le physique s'il est possible, ne peut pas encore se passer d'une compagne...» !

Quant à l'«historiette», Mirabeau la trouve «... charmante, et je m'en servirai au moment convenu entre nous ; sans vouloir décider pourtant si cette ruse épisodique n'est pas plus ingénieuse et subtile que décidément utile, et probablement efficace... Ce que je vous promets c'est de rendre très vraisemblable la confabulation. Il sera nécessaire pourtant, et pour agir avec quelque circonspection, que je voye la lettre de dix pages...», etc. Cette «historiette» n'a en effet d'autre but que de monter, avec l'aide de Mirabeau, une mise en scène visant à faire tomber la dame dans les bras de l'amoureux transi ! Le célèbre orateur semble consentir à jouer le rôle que lui propose son correspondant, d'autant que la dame en question a un autre admirateur (les noms de ce dernier, ainsi que celui de la dame, sont indiqués par de simples initiales) peu apprécié de lui , car «... il ne se feroit pas le plus léger scrupule de séduire la maîtresse de son ami ; théorie que je sais être la sienne, et qui, de quelque manière qu'il la défende ou l'excuse, me fait une véritable horreur...», etc.

Après avoir salué son ami («Bonsoir... travaillez, mais ménagez votre santé, marchez, digérez, espérez et aimez-moi...», Mirabeau ajoute un long post-scriptum où il lance l'idée d'écrire en collaboration avec son correspondant «... et à chaque belle saison faire de fort jolis romans... ; ainsi je garde l'historiette ; je garde vos lettres aussi, gardez les miennes... ; nous les ferons copier quelque jour ensemble, et en alternant. Il se trouve dans les lettres une foule de choses d'autant mieux dites qu'elles le sont avec liberté... Eh ! puis ; comme monument d'amitié, n'est-ce pas une assez douce chose ?...».

 

190.                MIRBEAU Octave (1850-1917) Ecrivain, critique et auteur de théâtre. Signataire en 1880, avec Zola, Huysmans et Maupassant, des Soirées de Médan, manifeste de l'école naturaliste - L.A.S., 1 1/3 pp. in-8 ; Paris, «15 octobre». Papier de deuil. 200/250

Emouvante lettre écrite après le décès de son père et adressée à un ami journaliste à L'Aurore qui désirait utiliser l'un de ses textes.

«... Mais oui, je vous permets de reproduire le chapitre en question. Vous savez bien que tout ce que l'Aurore voudra prendre de mon œuvre, est à votre disposition...». Quant à l'article, il l'a trouvé «... en rentrant, d'un bien pénible voyage. J'ai enterré, samedi, mon pauvre père... C'était un superbe vieillard, plein de santé, et de vie, et je pensais que je pourrais le conserver, longtemps encore. Il est tombé dans son jardin...» ; alors que la fracture se remettait, un épanchement sérieux est survenu : «... Il est mort, très doucement, sans souffrir, et comme en dormant...», etc.

 

191.                MISTINGUETT, Jeanne Bourgeois, dite (1873-1956) Actrice, danseuse et chanteuse de music-hall - Dédicace autographe signée, «A Tony avec sympathie - Mistinguett», tracée au bas d'un portrait-charge de l'actrice (4°, tête de profil) dont le dessinateur «TONY» est l'auteur. 100/150

 

192.                MONTMORENCY-BOUTEVILLE, François de (1628-1695) Maréchal de France, l'un des plus célèbres généraux du règne de Louis XIV. Vainqueur à Kassel en 1677, à Yprès en 1678 puis à Fleurus en 1690. Plus connu sous le nom de «Maréchal de Luxembourg» - L.A.S., 1 p. in-8 ; «Au Camp de Braine le Conte» (Belgique), 24.VI.1691. Adresse et cachet brisé. 250/300

Nommé gouverneur de Normandie, le duc de Luxembourg commandait depuis 1690 l'armée des Flandres ; durant la guerre de la ligue d'Augsbourg, il remporta une série de victoires contre le prince de Waldeck et Guillaume d'Orange. Après Fleurus, il se prépare à gagner la bataille de Leuze, près de Tournai, le 19 septembre 1691.

Il écrit ici personnellement au Sieur des Roches, «Maréchal gén.al des Logis de la Cavallerie», pour le remercier «... de la part que vous voulez bien prendre à la grâce que le Roy m'a faite. J'attendois cela de votre ancienne amitié pour moy, et vous devez attendre de la mienne tous les services que je pourois vous rendre, ayant fort envie... d'en trouver les occasions...», etc.

De son mariage (1661) avec Madeleine de Clermont, «la plus laide personne de ce temps», il avait hérité le duché-pairie de Luxembourg-Piney, mais il signe ici «Le Duc de Montmorency». Il était le fils postume de François de Montmorency-Bouteville, duelliste impénitent, décapité pour ce fait en 1627.

 

193.                MOREAU Emilienne (1898-1971) Héroïne légendaire des deux Guerres, femme la plus décorée de France - Photo signée, cp en médaillon, portant la date du «10 septembre 1916». Mademoiselle Moreau est représentée assise dans son jardin, coiffée d'un grand chapeau et d'une robe claire ; elle n'a que 18 ans et a déjà été décorée, l'année précédente, de la Croix de Guerre avec palme pour son dévoue ment, son courage et ses actes de bravoure dont certains ont permis d'épargner la vie de nombreux soldats français. 100/150

 

194.         MURAT Joachim (1767-1815) Maréchal d'Empire, roi de Naples. Beau-frère de Napoléon Ier, il fut fusillé à Pizzo Calabro où il avait débarqué dans l'espoir de reconquérir son trône - L.S., 1 p. in-4 ; Paris, 7.II.1805. 250/300

Au maréchal BERTHIER. «... J'ai l'honneur de vous adresser la note des ouvrages indispensables qui doivent être faits à la Cazerne de la rue de Grenelle, ci-devant le Couvent des Carmélites...» ; ces travaux revêtent en effet un caractère d'urgence «... et un plus long délai aurait les plus graves inconvénients ; il augmenterait les dégradations... et finirait par compromettre la santé et peut-être l'existence des hommes et des chevaux...».

En 1804, Murat avait lui-même reçu le bâton de maréchal et, depuis le 15 janvier de cette même année, il assumait la charge de gouverneur de Paris. Le 1er février 1805 - six jours avant d'écrire cette lettre - l'empereur l'avait élevé au rang de grand amiral et prince.

Situé à la hauteur de l'actuel 122 rue de Grenelle, le couvent des Carmélites fut fermé en 1790 ; ses bâtiments servirent effectivement ensuite de casernement à la garde consulaire (1800) avant d'être démolis en 1828.

 

195.                MUSSET, Alfred de (1810-1857) Poète, conteur, auteur de théâtre, il sut exprimer les élans de la passion intime et sincère - Manuscrit A.S., 1 p. in-4 ; (Paris, octobre 1847). 5000/6000

Superbe feuille d'album sur laquelle Musset a joliment transcrit le texte intégral de son poème Rondeau, l'un des trois qu'il publia le 1er janvier 1843 dans la Revue des deux mondes ; ceux-ci semblent lui avoir été inspirés par Carlotta GRISI :

«Rondeau

Fut-il jamais douceur de cœur pareille

A voir Manon dans mes bras sommeiller ?

Son front coquet parfume l'oreiller ;

Dans son beau sein j'entends son cœur qui veille.

Un songe passe, et s'en vient l'égayer.

Ainsi s'endort une fleur d'églantier,

Dans son calice enfermant une abeille.

Moi je la berce - un plus charmant métier

Fut-il jamais ?

Mais le jour vient, & l'aurore vermeille

Effeuille au vent son bouquet printanier.

Le peigne en main et la perle à l'oreille

A son miroir Manon court m'oublier.

Hélas ! l'amour sans lendemain ni veille

Fut-il jamais ?

Alf.d de Musset»

En 1842, sans attendre le retour à lui de Mademoiselle Rachel, Musset était tombé dans les bras d'une blonde aux yeux de violette, la danseuse Carlotta Grisi, semble-t-il. Pour elle, il composa dans les dernières semaines de 1842 deux rondeaux et un sonnet, destinés à l'époque à une mystérieuse «Madame G.». Théophile Gautier, qui fut lui-même éperdument amoureux de la danseuse italienne, nous donne d'elle ce séduisant portrait : «... Carlotta... est blonde... elle a les yeux bleus, d'une limpidité et d'une douceur extrêmes. Sa bouche est petite, mignarde, enfantine, et presque toujours égayée d'un frais sourire naturel... Son teint est d'une délicatesse et d'une fraîcheur bien rares : on dirait une rose thé qui vient de s'ouvrir...», etc. Comment Musset aurait-il pu résister à une si rare beauté de 23 ans, devenue maîtresse de son professeur de danse à l'âge de 15 ans ?!

Fasciné par ces vers d'Alfred de Musset, Claude DEBUSSY les mit en musique en 1882, lors du séjour qu'il fit en Russie auprès de Madame von MECK, l'amie et protectrice de Tchaikovski.

 

196.                NAPOLÉON Ier Bonaparte (1769-1821) Général corse, empereur des Français - L.S. «Napole», 1 1/3 pp. in-4 ; Paris, 21.II.1806. 1800/2000

 

De retour, 25 jours plus tôt, de la campagne d'Austerlitz, l'empereur réfute les craintes exprimées par le prince Eugène, vice-roi d'Italie, quant à une attaque possible des Serbes et des Russes en Dalmatie. «... Au surplus l'absurdité d'un pareil bruit n'étonne pas, les Francs sont à Raguse comme en Egypte ignorants, bêtes et vils. Cependant il n'y aurait rien d'impossible que les Russes pensassent à nous enlever la Dalmatie. Ils pourraient le faire avec 6000 hommes...». Dans cette éventualité, il laisse tout de même en observation le Corps de Marmont dans le Frioul.

Le 16 janvier précédent, Eugène avait épousé la fille du nouveau roi de Bavière. Napoléon annonce à son beau-fils l'envoi d'une corbeille pour sa femme, la princesse Augusta : «... elle est belle. Je lui envoie en même temps une bibliothèque de livres choisis...» Quant au prince royal de Bavière, frère d'Augusta, qui est à Paris : «... Je le fais chasser trois fois par semaine avec moi, ce qui lui donne l'habitude du cheval...», etc.

Cette lettre, qui se termine par quelques lignes aux accents plus familiers et intimes, rares dans les lettres officielles à Eugène, porte une belle signature presque complète («Napole») que l'empereur réservait généralemenet à ses correspondants de marque. Le texte est de la main du baron MÉNEVAL (1778-1850), son secrétaire.

 

197.                NAPOLÉON Ier Bonaparte - L.S. «Nap», 1/2 p. in-4 ; Bayonne, 8.V.1808. Inédite. 800/1000

A son ambassadeur en Russie, Armand de Caulaincourt, qui lui a fait parvenir un ouvrage d'art militaire. Napoléon a pris le temps de parcourir ce texte «... sur la tactique française... ; je l'ai trouvé plein de faussetés et de platitudes...» !

Il est intéressant d'observer que l'empereur écrit de Bayonne où, trois jours plus tôt (5 mai), il avait obtenu du roi Charles IV d'Espagne la cession de tous ses droits sur sa couronne et l'immédiate abdication de son fils Ferdinand VII. Napoléon allait enfin pouvoir placer l'un des siens, son frère Joseph, sur le trône d'Espagne, sans toutefois avoir encore réglé l'opposition des «guerrilleros» - dont il ne viendra jamais à bout - et de leurs alliés, les Anglais...

Texte autographe du baron de MÉNEVAL (1778-1850), secrétaire de l'empereur.

 

 

198.                NAPOLÉON Ier Bonaparte - Lettre non signée (oubli ?), 1/2 p. in-4 ; Saint-Cloud, 7.IX.1808. Inédite. 300/350

Il informe le général Caulaincourt, son aide de camp, que «... le Maréchal Lannes se rend sur la Vistule à la rencontre de l'Empereur de Russie, pour assurer toutes les escortes et complimenter ce Prince ; il lui remettra une escorte de ma part...».

Ayant appris le 5 septembre que le tsar se préparait à partir pour Erfurt, Napoléon lui adressa une lettre en date du 7 (voir texte imprimé ci-joint) pour accepter le rendez-vous fixé dans cette ville de Saxe ; il chargeait également Lannes, porteur de sa missive, d'aller saluer le souverain à la frontière des territoires occupés (la Vistule). Le 27 septembre, lors de la célèbre entrevue d'Erfurt, Napoléon allait obtenir du tsar une simple promesse de concours éventuel en cas de guerre contre l'Autriche. Quant à Lannes, il allait revenir avec le titre de Chevalier de l'ordre de Saint-André que lui avait conféré Alexandre Ier.

Document fort intéressant, même sans signature, dont le texte fut écrit par le baron Claude MÉNEVAL (1778-1850), secrétaire de Napoléon.

 

 

199.                NAPOLÉON Ier Bonaparte - P.S. «Accordé Np», 1 p. in-fol. ; Dresde, 16.VII.1813. 600/800

Réponse autographe de l'empereur sur un "Rapport" que le «Prince Vice-Connétable, Major-Général» Alexandre BERTHIER lui avait adressé la veille.

«Sire, Le Maréchal Prince de la Moskowa [NEY] écrit que l'Adjudant Commandant Dupuy, par suite de ses nombreuses Campagnes et de ses blessures est hors d'état de continuer à servir à l'armée... Cet Officier Supérieur est en ce moment à Leipzig...». Berthier, qui appose ici sa signature princière «Alexandre», suggère que l'homme regagne la France où il se mettra à la disposition du ministre de la Guerre. Ce que Napoléon approuve.

Le 11 août 1813, l'armistice, qui avait été signé à Plesswitz le 4 juin précédent, était rompu. L'Autriche déclarait la guerre et les 26, 27 et 28 août, allait avoir lieu la célèbre bataille de Dresde où le général Moreau, qui était passé à l'ennemi à son retour des Etats-Unis, allait trouver la mort.

 

200.                NAPOLÉON Ier Bonaparte (Deuxième femme de) - P.S. par l'impératrice MARIE-LOUISE, née archiduchesse d'Autriche (1791-1847), 1 p. in-folio obl. sur vélin ; Palais des Tuileries, 15.XII.1811. Texte partiellement imprimé. Charmant encadrement imprimé orné de feuillages et de fleurs. 250/350

«Marie-Louise, Impératrice et Reine... Voulant pourvoir à la composition du Conseil général de la Société de la Charité maternelle...», nomme Madame Richard d'Aubigny membre dudit Conseil.

La souveraine déclare que ce «Brevet» est signé de sa main et qu'il est contresigné «... par le Grand Aumônier de l'Empire...», le cardinal Joseph FESCH (1763-1839), oncle de l'empereur, dont on trouve effectivement la signature autographe au bas du document.

Le 20 mars 1811 était né à Paris le prince Napoléon-François, héritier du trône impérial et roi de Rome, surnommé plus tard «L'Aiglon». En souvenir de cet heureux événement, on avait créé la Société de la Charité maternelle, dont Marie-Louise était la «Protectrice»,

 

201.                NAPOLÉON Ier Bonaparte (Deuxième femme de) - L.A.S., 4 pp. in-8, de l'impératrice MARIE-LOUISE d'Autriche (1791-1847) ; Schönbrunn, 28.VIII.1830. 800/1000

Devenue duchesse de Parme en 1816, Marie-Louise laissa au général Neipperg, son époux morganatique depuis la mort de Napoléon, le soin de diriger ses Etats. Veuve une seconde fois (22.II.1829), il ne lui restait que ses deux enfants : l'Aiglon, qui vivait à Schönbrunn, et Guillaume de NEIPPERG (1821-1895), futur prince de Montenuovo, auquel elle adresse cette lettre.

A un moment où de nombreux pays européens étaient secoués par d'importants bouleversements politiques, cette missive pourrait paraître bien futile si elle n'était celle d'une mère à son enfant de 9 ans sur le point de reprendre le chemin de l'école : «... Mon cher Guillaume, ... Vous voilà à la fin de vos bains de mer et... j'ai... un regret avec vous, celui de ne pas avoir pu vous voir nager, et je crains que je ne le verrai pas de sitôt car aucun des bassins de Parme ne seroit propice à cet effet. Je continue à me mieux porter... à présent que Mr Malfatti [dès 1830, celui-ci sera le médecin de l'Aiglon] a commencé à me permettre de monter au pas à cheval le soleil darde tellement... Hier nous avons encore eu un grand dîner comme à l'ordinaire et puis j'ai eu des visites et me suis promenée au Jardin et à la Ménagerie où il y a une quantité de poules et de paons... Des Messieurs se sont amusés à prendre les grandes oies de Canada par le cou et à les jetter dans l'eau sur les canards à qui nous jettions du pain ; vous auriez bien ri en voyant la peur de ces derniers... Nous avons fini la soirée au théâtre de la Cour où l'on donnoit Elise Valberg d'Iffland... Ce soir, j'ai la perspective d'une fête champêtre chez la P.sse Maria Esterhazy... Je crois que je vous ai raconté que mon petit chien est mort de la petite vérole... je ne savais pas les chiens susceptibles de gagner cette maladie...» ; ses deux autres chiens n'ont pas été atteints et le dernier, notamment, «... a pris une telle passion pour mon fils [l'Aiglon !] qu'il le suit partout...», etc.

Marie-Louise avait en effet, une fois encore, rencontré à Schönbrunn son fils aîné. Celui-ci n'avait plus que deux ans à vivre et en quittant Vienne l'ex-impératrice ne se doutait pas qu'elle ne reviendrait dans cette ville que pour assister au derniers moments du fils de Napoléon.

 

 

202.                NAPOLÉON III Bonaparte (1808-1873) Président, puis empereur des Français, fils de la reine Hortense et de Louis Bonaparte - L.S., 2/3 p. in-8 ; St Cloud, 17.VIII.1856. 250/300

Au maréchal Boniface de Castellane, qui vient d'annoncer au souverain le brillant projet de mariage de sa petite-fille Marie, 16 ans, avec le prince Antoine RADZIWILL (1833-1904), officier polonais au service de la Prusse. «Mon cher Maréchal, ... je suis heureux d'avoir à vous féliciter du mariage projeté de votre petite-fille... ; j'espère qu'elle trouvera dans cette union tout le bonheur que je souhaite à votre famille...».

La princesse RADZIWILL (1840-1915), a laissé des souvenirs qui ont été publiés en 1931. Le Salon qu'elle tenait à Berlin avait un renom international : il contribua pour une part non négligeable au rayonnement de la culture française dans l'Europe monarchique du XIXe siècle.

 

203.                NAPOLÉON III Bonaparte - P.A.S. «N», 1/2 p. in-8 ; (St Cloud), 27.VIII.1863. 150/200

Napoléon III est de retour du Camp de Chalons. Il rédige à la hâte le texte de ce télégramme destiné à son ministre de la Guerre, le maréchal RANDON (1795-1871), lequel était semble-t-il revenu à Paris très fatigué par les manœuvres militaires auxquelles il avait assisté aux côtés de l'empereur.

«Au M.tre de la guerre. Allez-vous mieux ? Donnez-moi des détails sur l'affaire de Wacquant - N». Au bas de la feuille, une annotation des services télégraphiques nous informe que la dépêche, déposée à 7 heures 20 du soir, fut remise au destinataire dès 8 heures le lendemain matin.

 

204.                NAPOLÉON III Bonaparte - L.A.S., 1 p. in-8 ; Camden Place, 17.XI.1871. 300/400

Belle lettre d'exil écrite par l'empereur déchu depuis Camden Place, demeure campagnarde près de Chislehurst où il s'était réfugié depuis le 20 mars 1871 et où étaient allés l'attendre Eugénie et le jeune prince Napoléon-Louis après la catastrophique défaite de Sedan.

Il répond à la missive d'un ancien soldat de Napoléon Ier qui combattit à Waterloo et a toujours foi en la dynastie des Bonaparte. «... Je vois avec plaisir que le temps et l'absence ne diminuent pas l'attachement que vous m'avez toujours témoigné. Vous jugez bien la situation, vous qui avez été témoin de tant d'événements ! Il faut espérer que notre patrie pourra se relever de ces désastres, sans sombrer sous le joug des partis...».

Marie-Denis LARABET (1792-1876), jeune officier du génie militaire et destinataire de la missive, avait pris part aux campagnes de Saxe et de France (1813-1814), puis accompagné à l'île d'Elbe Napoléon Ier auquel il vouait une admiration sans bornes. Longtemps député de l'Yonne, bien que contraire au coup d'Etat du 2 décembre 1851 il se rallia deux ans plus tard au nouveau régime et accepta le siège au Sénat que lui offrit Napoléon III.

 

 

205.                NAPOLÉON III Bonaparte - 1848/1870 - Ensemble de six documents imprimés concernant Napoléon III ou son époque. 150/200

1) Carte d'électeur du 27 mars 1848 ; 2) Lettre du Comité (général PIAT président, PIETRI secrétaire) pour la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte «... à la Présidence de la République» (4.XI.1848), avec deux exemples de «Bulletin de vote» ; 3) «Proclamation de l'Empereur» du 23.IV.1870 ; 4) «Bulletin de vote» original du plébiscite du 8 mai [1870], où une plume a tracé le nombre de votants parisiens, distinguant les «oui» des «non» ; 5) «L'indépendant Rémois» du 25.XII.1870 (in-16 ; petit format pour l'envoi par ballon ?) ; 6) Affiche in-folio de la «Proclamation aux Habitants de Reims» (1870, après Verdun ?).

 

206.                NAPOLÉON III Bonaparte (La femme de) - L.A.S., 1 p.in-8, de l'impératrice EUGÉNIE (1826-1920) ; Camden Place (janvier 1873 ?). Papier de deuil défraîchi. 200/250

Réponse au message de condoléance que lui avait adressé le maréchal BAZAINE après la mort de Napoléon III : «Mon cher Maréchal, Je vous remercie de vous associer à notre immense douleur malgré vos propres chagrins...», etc.

A son retour en France, après la défaite de Metz, Bazaine avait fait l'objet d'une campagne de presse d'origine politique qui le dénonçait comme traitre. Ayant demandé à passer devant un conseil de guerre, il allait être jugé durant l'automne 1873 et condamné à la peine de mort, peine que le président Mac Mahon s'empressa de transformer en captivité dans une forteresse d'où le maréchal s'évadera en 1874...

 

 

207.                NAPOLÉON III Bonaparte (La mère de) - Imprimé d'une page in-8 (en double exemplaire) envoyé le 8 janvier 1838 par le marquis de BEAUHARNAIS et le comte TASCHER de Lapagerie pour «... prévenir que le Service Funèbre de S. M. la Reine Hortense...» aura lieu le 11 janvier dans l'église de Rueil [Malmaison]. Hortense de Beauharnais était morte le 5 octobre 1837 dans sa résidence suisse d'Arenenberg. 100/150

 

208.                NEIPPERG, Adam de (1775-1829) Officier autrichien, amant puis deuxième époux de l'impératrice Marie-Louise d'Autriche dès la mort de Napoléon Ier - P.S., 3 pp. in-folio ; «Persenbeug in Austria», 23.VIII.1823. Sceau de cire. 200/250

Le «Cavaliere d'onore di S. M. l'Arci-Duchessa di Parma» légalise la signature du ministre de l'Intérieur Ferdinando CORNACCHIA (1768-1842) apposée au bas de cet acte de mariage de 2 1/2 pages. Au-dessous, la signature de Neipperg est à son tour authentifiée par le baron Karl von VINCENT (1757-1834), ambassadeur autrichien à Paris et ancien gouverneur général de la Belgique en 1814.

Persenbeug est un village des montagnes de la basse Autriche où le général avait accompagné Marie-Louise venue rendre visite à son fils l'Aiglon qu'elle n'avait plus revu depuis trois ans, rencontre particulièrement émouvante pour l'enfant.

 

209.         NEY Michel (1769-1815) Maréchal d'Empire, prince de la Moskowa. Surnommé le «Brave des Braves», il fut exécuté en 1815 lors du retour des Bourbons - L.S. «M.al duc d'Elchingen», 1 p. in-4 ; Boulogne, 16.X.1811. 300/350

Il prie le comte de LAVALETTE, directeur général des Postes, de prendre en charge un «... courrier de votre administration... attaché au 6e Corps d'armée [qui] m'a suivi au Camp de Boulogne... Cet homme... le plus intrépide courrier de l'armée,... n'est échappé que par une espèce de miracle aux dangers qu'il a courus...», etc.

Comme Ney, Lavalette avait été condamné à mort en 1815 à la seconde Restauration. Enfermé à la Conciergerie, il parvint à en sortir vivant, affublé des vêtements de sa femme venue lui rendre visite !

 

210.                NOAILLES, Anna de (1876-1933) Femme de lettres et poète - L.A.S., et poème A.S., 2 pp.in-12 ; 1906 et 1910. 200/250

Charmant poème de 4 vers tracé au bas de la reproduction d'un délicieux portrait de la princesse de Lamballe :

 

«Vers mon âme où le rêve abonde

Nul cœur ne jette ses liens

Mais du balcon où je me tiens

Comme il fait tendre sur le monde !»

 

La lettre, adressée au docteur Monod, concerne un livre de Rossell remis à Monsieur Rost ainsi qu'un cliché égaré puis retrouvé dont elle promet une épreuve dès que possible : «... La Paroléine est mon vin quotidien. Merci...», etc.

 

211.                ORLÉANS, Gaston d' (1608-1660) Frère de Louis XIII contre le pouvoir duquel il complota tout au long de sa vie. Homme de culture, il eut, contrairement au roi, le goût des relations humaines - P.S. «Gaston», 1 p. in-folio ; Paris, 29.IV.1648. 300/350

Désormais assagi, nommé lieutenant général du royaume pendant la minorité de Louis XIV, le duc d'Orléans ordonne à son trésorier général de payer «... comptant des deniers de V.re charge... au Sr Comte de Fiesque la somme de trois mil livres or... pour son remboursement de pareille somme qu'il nous auroit prestée pendant le séjour que nous fismes à Bloys en l'année MVIc. trente sept...».

Suite à une nouvelle conspiration contre Louis XIII, ce dernier avait fait grâce de la vie à Gaston d'Orléans mais l'avait exilé à Blois. Y vivant en simple particulier, le frère du roi fut contraint d'emprunter, notamment à Charles Léon de FIESQUE, comte de Lavagne lequel, en date du 5 mai 1648, donne reçu, au dos de ce document, «... du contenu de la présente ordonnance...».

Un autre reçu, tracé au bas de l'ordre de Gaston d'Orléans, est de la main de DALIBERT, secrétaire de Louis XIV, chargé plus tard de se rendre à Stockholm (1667) pour rapatrier le corps de DESCARTES, mort lors de son séjour auprès de la reine Christine de Suède.

 

212.                ORLÉANS , Philippe d' (1674-1723) Régent de France à la mort de Louis XIV - P.S., 1 p.in-4 ; (Versailles), 2.XI.1717. 250/350

«L'intention de S. A. R. Monseigneur le Duc d'Orléans est qu'il soit expédié une ordonnance de la Somme de Six Cent trente cinq livres pour le remboursement de quelques dépenses secrettes... faittes par ordre exprès...» du Régent !

Ce paiement était destiné à Marc-René de Voyer d'ARGENSON (1652-1721), le très influent lieutenant général de police que Philippe d'Orléans nommera en 1718 président du Conseil des Finances et Garde des Sceaux. Notons que le Régent cherchait depuis des mois à imposer le silence aux deux camps concernés par la bulle Unigenitus.

 

 

213.                PARMENTIER Antoine-Augustin (1737-1813) Agronome, il prôna la culture de la pomme de terre pour pallier les disettes - P.S., 1 p. in-folio ; Paris, 23.II.1802. 200/300

En tant que membre du Conseil de Santé, Parmentier signe ce «Rapport» destiné au maréchal Berthier, ministre de la Guerre, où l'on propose deux chirurgiens pour remplacer ceux en poste, l'un s'avérant «... paresseux, a peu de talents et est sans conduite...», l'autre étant «... ivrogne et crapuleux au suprême degré...» !

La pièce est signée aussi par trois autres membres du Conseil militaire de Santé : le médecin Jean-François COSTE (1741-1819), les chirurgiens Nicolas HEURTELOUP (1750-1812) et François VERGEZ (1769-1831) ; le ministre en approuve le contenu en écrivant de sa main dans la marge : «app[rouvé] B.[erthier]».

 

 

214.                [Talleyrand] PÉRIER Casimir (1777-1832) Homme d'Etat, président du Conseil dès 1831. En treize mois d'exercice du pouvoir, il rétablit l'autorité de l'Etat, imposa celle du chef du gouvernement et traça une ligne conservatrice qui allait durer jusqu'en 1848 - L.S., 4 pp. in-4 ; Paris, 2.IV.1831. Bords effrangés. 400/500

Extraordinaire lettre politique se plaçant quelques jours à peine après sa nomination à la présidence du Conseil, dans laquelle Casimir Périer communique personnellement au prince Charles-Maurice de TALLEYRAND, ambassadeur de France à Londres depuis le 6 septembre 1830, l'orientation qu'il entend donner à sa future politique.

Il commence par s'excuser de devoir employer la main de l'un de ses fils pour rédiger cette missive, son écriture étant «... un chiffre dont aucun cabinet n'a la clef...», puis souligne qu'il n'a jamais cherché à occuper la charge dont on l'a depuis peu investi : «... le pouvoir n'a rien qui captive, mais puisque j'y suis appelé je suis heureux de voir que je trouve confiance et appui dans le parti de l'expérience et des lumières...». Il espère vivement pouvoir compter sur la bienveillance de Talleyrand pour trouver en Angleterre «... quelques amis de plus à mon pays... A mon avis, les deux pays doivent s'unir de plus en plus ; ils ont au fond [une] même cause... Je dirai maintenant à l'Ambassadeur de France que nous tenons à la paix... Ainsi, avec la ferme volonté d'être sages, nous ne transigerons sur aucun de nos droits... Je crois aussi que par notre sagesse nous sommes plus utiles aux Nations qu'en faisant du prosélytisme à main armée. J'ai dit... toute ma politique à la tribune. Je n'en ai pas deux...». S'il survenait le moindre changement dans ses vues, il les lui ferait connaître.

Puis il continue : «... Je sais que vous vous occupez en ce moment du trône de Belgique. On désire que par un seul et même acte les frontières du nouvel état soient définitivement fixées...» et il faut, dans cette affaire, éviter les tergiversations. «... En général, il importe aujourd'hui que la politique se décide à temps...», etc. Casimir Périer souhaite une habile et franche coopération de Talleyrand avec lequel il souhaite entretenir une correspondance suivie , ayant «... besoin de bien savoir...», etc.

 

Le 15 novembre 1831, le prince de Bénévent signait le traité portant reconnaissance de la Belgique et du roi Léopold Ier, et fixait les frontières du nouvel état.

 

215.         PÉRIER Odilon-Jean (1901-1928) Poète belge, talent précoce et bien introduit dans les milieux littéraires bruxellois et parisiens - P.A.S. en tête («O. J. Périer»), 1 p. in-8 ; vers 1926. 250/300

Poème en prose se rapportant peut-être à son recueil «Le promeneur», de 1927.

«... Avec quelle ardeur, avec quelle douceur, et tout d'un coup quelle distraction, le promeneur regarde les plages, les insectes...», etc.

Très rare autographe littéraire de ce poète qui fut emporté par une péricardite rhumatismale en 1928 alors qu'il n'avait que vingt-sept ans !

 

216.                PEYREFITTE Roger (1907-2000) Diplomate puis écrivain, il fut souvent l'objet de polémiques retentissantes en raison de son esprit provocateur et irrespectueux - L.A.S. (initiales), 2 pp. in-8 gr. ; Alet (-les-Bains), 11.VIII.1939. 500/800

Etonnante missive à son ami et confrère Henri de MONTHERLANT («Mon cher oncle» !) lequel, contrairement à Peyrefitte, cache son homosexualité, respecte la religion, les traditions héroïques, l'idéal esthétique, l'ordre établi...

L'auteur des Amitiés particulières ironise sur les idéaux de son ami qu'il tourne en dérision tout au long de cette missive. Il se complaît de toute évidence à se créer un lien de parenté avec lui, se disant son «neveu» et l'appelant un peu insolemment et de façon répétitive «mon oncle».

«Mon cher oncle, Et le jour et la nuit passent si vite à Alet... Je vous parle, ô mon oncle, au nom de mon oncle et de moi, car vous n'ignorez point que j'ai oncle des deux mains... Pour ceux qui connaissent mon oncle d'Alet, il n'existe que mon oncle de Paris... Vous souffrez même que la voix du sang ne se fasse entendre que de ce côté, et que je me trouve toujours assez honoré du titre venant d'un homme tel que vous, de votre neveu spirituel... neveu à la mode de Gascogne [et non] ... à la mode de Pékin...». Vient ensuite un texte s'étalant sur une page et demie où chaque phrase se charge d'un double sens cher à Peyrefitte : «... en ce qui concerne notre âme, aux soins de laquelle vous nous rappelez si justement... mon oncle... y a constamment la main... et nous savons, dans la famille, où l'âme se place... Et trois et quatre fois heureux... ceux qui confient leur âme à vous et à lui ! Ils peuvent dire d'avance, comme je fais, que le paradis leur a été ouvert de ce monde...». Puis, poussant plus loin encore son langage irrespectueux, l'écrivain dit avoir eu pour Montherlant «... une pensée toute particulière au principal sanctuaire de ce pays, et cette petite intention vous touchera, quand vous saurez que c'est celui de N. D. du Spasme... Egarez-vous donc, en idée, le 15 août, derrière ou devant ces apprentis de Carcassonne, tous baignés des flots de l'onctueuse éloquence que l'on peut attendre du R. P. Sperme que Dieu bénisse... Nous vous souhaitons à Paris, mon oncle, les mêmes exercices de piété...», etc.

Montherlant est alors au faîte de sa gloire littéraire et cache son homosexualité - qui ne sera révélée au grand public qu'après son suicide - derrière une vie mystérieuse. Document tout à fait exceptionnel !

 

217.                PEYREFITTE Roger - Tapuscrit, 2 1/4 pp. 4°, très corrigé par son auteur ; v. 1954 ? 400/500

Très intéressant texte original, intitulé «Pourquoi j'ai écrit Les Clés de saint Pierre», destiné à un journal ou pour servir de préface à une édition de son célèbre ouvrage paru en 1955 chez Flammarion.

Peyrefitte utilise avec brio une remarquable dialectique pour répondre à ses nombreux détracteurs ; il rappelle habilement qu'il est vrai «... que la revue des jésuites Etudes a condamné Les Amitiés Particulières. Il est vrai aussi que la revue des jeunes catholiques Montalembert les a exaltées et que le critique littéraire de La Croix ne leur a pas refusé son suffrage pour le prix [Renaudot] qui leur fut octroyé...». Puis, plus loin : «... Lorsque l'éminent religieux que fut le père Valensin qualifiait La mort d'une mère "un des livres du siècle", il n'entendait certainement pas décerner cet éloge excessif à un livre antichrétien ou scandaleux... Mais si, une fois de plus, j'aborde des sujets interdits, comme écrivait François Mauriac à propos des Amitiés Particulières, c'est dans l'espoir de montrer qu'il n'est pas possible de les traiter avec le respect qu'ils méritent...». Pour réussir une telle entreprise, «... les secrets du sacré [étant]... bien défendus...», il reconnaît avoir «... été aidé par un courage opiniâtre, des restes de diplomatie et un certain nombre de chances...», qui sont, selon lui, le fruit de longs séjours à Rome et des relations qu'il s'y est faites, etc.

Les très nombreuses modifications manuscrites témoignent du soin que l'écrivain a mis à la rédaction de ce texte devant visiblement servir à présenter son ouvrage comme un... progrès dans la connaissance des mœurs des hautes sphères du Vatican !

 

218.         PITT William (1759-1806) Premier ministre anglais. Artisan de l'unité britannique, il fut également l'ouvrier des coalitions européennes contre la France révolutionnaire et napoléonienne - L.A.S., 1 p. in-4 ; Downing Street, 19.XII.1793. 250/350

Ayant en un premier temps considéré la Révolution de 1789 comme un événement intérieur à la France, Pitt s'était bientôt rendu à l'évidence et avait déclaré la guerre à son voisin d'Outre-Manche (février 1793).

Il répond ici à l'historien anglais Edward HASTED (1732-1812), qui travaillait à la publication des quatre volumes de son History of Kent (1778-1799). Par l'intermédiaire de Monsieur Pybus, l'auteur avait exprimé le souhait de dédier son ouvrage au Premier anglais, qui semble accepter sous certaines conditions, etc. «... I shall certainly think myself much flattered by your doing me the honour to dedicate to me the concluding volume of your Work, but... some phrases in it should be omitted...» ; et Pitt d'en expliquer les raisons.

 

 

 

 

Marcel PROUST

(1871-1922)

 

219.                PROUST Marcel - L.A.S. «B.», 4 pp. 8° ; [Versailles, 11.XII.1906]. Papier de deuil. 3000/4000

Amusante lettre à son ami Reynaldo HAHN qu'il surnomme «Mon petit Binibuls» - exemple typique du langage très personnel adopté par les deux amis dans leur correspondance épistolaire. Il y est tout d'abord question de dividendes qu'un bon placement en action de tramway électrique lui a rapportés ; Proust n'ayant nullement besoin de cette «... si monchante petite somme. Vous seriez, Gentil, que si vous vouliez argent, le mien est à votre disposition et c'est dit une fois pour toutes, quelque somme que vous vouliez...». De plus, il n'a pas «... envie que vous me deshonoriez aux yeux du Crédit Industriel ou des Rothschild en priant celui qui vous l'avance de la remettre à mon compte. Je préfère pas d'avaries publiques...». D'autre part, «... la simple supposition qu'une somme à la fois dérisoire et biscornue est un cadeau, me fasche plus que tout. En tous cas... je vous en supplie de ne pas vous éterniser sur cette connerie...». Ayant fait encaisser par la Maison Rothschild les revenus des valeurs que son notaire avait en garde, Proust dit être en mesure de procurer à Reynaldo («ô Gentil») toute somme, même considérable («... pas les 380, monchant !...»), dont il aurait besoin avant son départ.

Le temps étant mauvais à Versailles, Proust se réveille tard et n'a besoin de rien. «... J'ai dit à Léon de vous conseiller de prendre des nouvelles de la M.ise de Lauris qui va moins bien et d'inviter Louisa à dîner avec Gangnat. Et je vous dis que je suis votre Bouchot...».

Enfin, il lui conseille la lecture du Temps où se trouve un article «... sur la fille de Louis XV qui s'était faite carmélite. Cela me choque toujours qu'on prononce le nom de carmélite sans parler de Sirniemuls...», autre surnom donné par Proust à Reynaldo Hahn qui avait composé en 1902 la comédie musicale intitulée La Carmélite ? Mis à part cela, Proust trouve l'article «... assez josli...».

La mère de l'écrivain était morte l'année précédente et George Weil, son oncle, quelques semaines plus tôt (ce qui explique le papier de deuil). Outre l'importance du destinataire de cette missive, c'est l'époque où elle se place, tout au début de la nouvelle «liberté» de Proust, qui est intéressante : il n'a plus besoin de cacher son homosexualité et sous les apparences de valet de chambre, de secrétaire ou de protégé, des jeunes gens de la classe ouvrière - tel ce jeune domestique «Léon» - partagent son logis de Versailles...

La marquise de LAURIS, citée ici, était la mère de son ami Georges (le modèle de «Saint-Loup») ; elle allait succomber en février 1907 et Proust prit alors sur lui de soulager le chagrin de son ami tout en pensant à la mort de sa mère. Louisa de MORNAND (le modèle de «Rachel»), était maintenant établie dans une nouvelle liaison avec Robert GANGNAT, le représentant légal de la Société des Auteurs dramatiques. Voilà une lettre où l'on retrouve, dans ses quatre pages bien remplies, une bonne partie du monde d'où Proust tirera matière pour son chef d'œuvre A la recherche du temps perdu.

 

 

220.                PROUST Marcel - L.A.S., 12 pp. in-8 ; «Hôtel de Crillon - Paris», automne 1917 ? 4500/5000

Douze belles pages autographes adressées à la princesse Hélène SOUTZO (1879-1975), maîtresse de l'écrivain Paul MORAND puis son épouse dès 1927.

«Princesse, Au lieu de corriger mes épreuves [«Du côté de chez Swann» et «A l'ombre des jeunes filles en fleurs», édition de la N.R.F.], si plein encore du Souvenir des moments intolérables où je vous vois sans être auprès de vous, je veux vous écrire avant de commencer à travailler...». Proust refuse de donner son avis sur le fait que sa correspondante ait ou non à subir une opération : «... c'est une question médicale... c'est affaire au Docteur Gonet et au Docteur Charles Roux. Mais il reste autre chose...» et c'est sur ce point qu'il désire intervenir : «... Je crains qu'une question de coquetterie, de coquetterie qui ne pourrait que me faire souffrir... si je n'avais dès le jour où je vous ai connue, fait tout sacrifice même de pensée à cet égard, j'ai fait qu'une pensée de coquetterie vous retienne. Or permettez-moi de vous dire - moi qui ai vu ma pauvre Maman subir des opérations autrement graves... - que vous méconnaissez le surcroît extraordinaire de beauté que le lendemain d'une opération apporte... vous n'êtes pas pour moi une œuvre d'art simplement, et... cette beauté supplémentaire, achetée au prix de la souffrance,... je donnerais tout au monde pour que vous ne l'acquériez pas. Je souffre d'avance en pensant à cette merveilleuse pâleur d'un lendemain d'anestésie... Mais enfin elle est une beauté, elle fera de vous un marbre momentané que ceux qui l'auront vu n'oublieront pas...». Puis, plus loin : «... Vous n'aurez plus... une autre occasion de vous montrer ainsi muée en le plus transparent et le plus sublime albâtre. Voyez que de subtilité, de dialectique... Je ne pense qu'à votre bien,... à votre bonheur dans la mesure où il faut tenir à l'impression que vous désirez laisser à tous les yeux qui vous sont chers, à ces yeux dont on dit comme Vigny : «Je dirai qu'ils sont beaux quand tes yeux l'auront dit». Pensez-y, lisez-moi, ... pesez la raison de coquetterie...». Il souligne qu'il n'a pas voulu recourir aux «... raisons du sentiment ; car vous savez qu'un de nos grands amis, celui par qui je vous ai connue, MORAND, va partir pour Rome. Et songez combien son affection serait plus heureuse s'il partait... sachant votre épreuve finie. Ceci dit, je vais corriger les miennes [les épreuves des deux volumes cités plus haut] s'il n'est pas trop tard...».

 

 

221.                PROUST Marcel - L.A.S., 4 pp. in-8 ; «44 rue Hamelin» (Paris, vers 1920/21 ?). Enveloppe autographe. 2500/3000

Cette lettre, non datée, se place vers la fin de la vie de l'écrivain qui, après un court séjour à la rue Laurent-Pichat, s'installa au 44 rue Hamelin d'octobre 1919 à sa mort survenuue le 18 novembre 1922.

A la suite d'un malentendu, Proust dit à Jacques de DELGADO son désir de se battre en duel. «... Un instant, dans le tumulte un peu confus de la vie de bar, dont je n'ai pas l'habitude, j'avais pu espérer être mêlé en quelque façon à ce que j'avais pris d'abord pour un jeu et qui était une querelle. Je dis que je l'avais espéré, non pas que j'envisage même la possibilité d'une bataille dans un café, ... incompatible avec mes goûts, mon âge et ma santé, mais parce que j'entrevoyais là la chance de ce que j'ai tant aimé... : un duel. Mais mes amis m'ont juré que c'était impossible, que je n'étais pour rien dans leur dispute, qu'un envoi de témoins serait risible et sans effet. M'ont-ils trompé par excès de délicatesse et pour me mettre hors de cause ?...».

L'écrivain demande à Delgado, l'adversaire désigné, ce qui s'est réellement passé entre eux ; il sait qu'ils ne se rencontreront jamais plus et ne tient pas à rester «... dans un doute perpétuel, que l'oubli d'ailleurs terminera vite. En tous les cas les sentiments si élevés dont votre lettre témoigne me donnent précisément le plaisir que j'aurais eu après un duel (et sans qu'il ait été nécessaire de croiser préalablement le fer avec vous)...».

Au 6 de la rue Greuse, où Proust adresse sa missive, se trouvait l'hôtel particulier de la comtesse Elzéard de BOIGNE et de ses deux fils, François et Jean, chacun âgés d'une vingtaine d'années environ. Jacques de Delgado était-il l'un de leurs amis ? Rappelons que Proust avait lu avec attention, dès sa parution en 1907, les Mémoires de la comtesse de Boigne ; cette aïeule des jeunes François et Jean avait inspiré l'écrivain pour le personnage de «Madame de Beausergent» dans A la Recherche du temps perdu.

 

 

222.                PROUST Marcel (Lettre de sa mère à) - L.A., 4 pp. in-8, de Jeanne PROUST  (1849-1905) ; Evian, «Vendredi» (24.VIII.1900 ?). En-tête imprimé : Source Cachat... Etablissement Thermal d'Evian-les-Bains - Casino-Théâtre. 800/1000

Arrivée depuis peu dans cette station thermale où les époux Proust se rendaient régulièrement pour prendre les eaux, la mère de l'écrivain s'empresse de décrire à son fils son séjour sans histoire au bord du lac Léman.

Prenant soin d'éviter ce que Madame Proust appelle ingénuement l'élément sémite, le couple joignait ses forces à celle de la famille du docteur Simon Duplay pour constituer «... le parti républicain indépendant...». Chaque matin, Madame Proust, qui avait pris quelque corpulence, allait boire à la source trois verres d'eau minérale, attendant les lettres de Marcel avec une inquiétude mal dissimulée. Elle lui écrit ici : «... Ta maman... prend un bain tous les deux jours. Ce matin je l'ai pris à 9 hs et avant j'ai bu à la source...». Sortie une heure plus tard, elle a bu un second verre avant de s'installer «... à une des tables où sont papier, encre, etc... et en écrivant à mon fils, le 2e verre va avoir le temps de faire place à un 3e...». Le docteur Cottet (devenu le Docteur COTTARD dans A la Recherche du temps perdu), sur conseil de Madame Proust, a lu «... ton dernier Fromentin... ; en même temps que ton père appelait toute son attention sur les ombres et les clairs de son urine...» ! Elle se plaint du tapage infernal de la nuit précédente dû peut-être à des gens ivres «... de retour de la fête pour la Chine (le 17 août 1900, un corps expéditionnaire international était entré à Pékin, mettant fin au siège des légations)... et je ne vois pas quand arrivera le moment où tu pourrais y reposer deux heures...».

Quant aux fréquentations du couple, voici ce que Madame Proust en dit : «... Nous avons échangé hier soir deux mots avec l'ex-bâtonnier que je n'avais pas vu depuis longtemps. Cela a été trop rapide pour l'interviewer sur les Célestins. L'élément sémite est ici représenté outre [que par] les Weisw[eiler], par les Paul Helbronner, les Mayer... et les Levyllier dont paraît-il nous sommes affligés depuis hier soir...». Enfin, elle envoie «... mille tendre baisers...» à son «cher petit» avant d'ajouter quelques lignes relatives à l'irrégularité avec laquelle lui parviennent les lettres de son fils.

 

 

223.                PROUST Marcel (Lettre de sa mère à) - L.A., 2 pp. in-8 gr., de Jeanne PROUST  (1849-1905) ; (Evian, été 1900). 600/800

Intéressante missive - dont il manque le début ? - écrite peu avant l'arrivée de l'écrivain à Evian, en septembre 1900.

Inquiète, Madame Proust s'était rendue au bureau du télégraphe pour expédier un message à son fils, lorsque l'employé l'interpelle : «... N'êtes-vous pas  Mad. Proust ? Il y a une dépêche pour vous... Et il nous tend la dépêche... De ce moment, félicité parfaite et ton père, qui une demi heure avant n'était pas plus confortable que moi, s'écriait : Qu'est-ce que je t'avais dit ? etc...» ! Elle lui signale qu'il n'a pas inclus «... la carte de Newton SCOTT...» dont il lui parle, «... ceci pour me prémunir de toute réclamation de ta part...». Puis elle poursuit : «... Qu'est-ce que Lenepveu (Charles L., 1840-1910, musicien, prof. au Conservatoire de Paris) comme compositeur. Dieu, table, ou cuvette ? Je ne sais rien de lui... dis-nous qq. chose pour que si je me trouve auprès de lui... je puisse dire : Est-il rien de plus beau que vos... ?... Nous ne sommes d'ailleurs avec ton père inféodés jusqu'ici à aucun groupe et formons, avec les Duplay, le parti républicain indépendant...». Des connaissances distinguées viennent parfois relancer le couple, comme ce gros monsieur au nez rouge, Charles DUPUY, président du Conseil en 1899 au moment crucial de l'affaire Dreyfus, qui un jour frappa joyeusement sur l'épaule du docteur Proust. Monsieur Armand NISARD, homme très aimable mais dur d'oreille (il était l'oncle par alliance de Marie de Benardaky, l'un des modèles de Monsieur de Norpois), alors ambassadeur de France auprès du Saint-Siège, est également un de leurs voisins de cure à Evian : «... Il n'entend rien de ce qu'on lui dit et comme il parle tout bas on n'entend rien non plus de ce qu'il dit...», etc.

 

Ce message, qui ressemble plus à un long post-scriptum qu'à une vraie lettre, se termine par une amusante allusion relative à l'ingénieur Adolphe Salles que le couple Proust avait invité à dîner «... pour le consoler et de l'absence de sa femme et des affaires de son beau-père...», le célèbre Gustave EIFFEL qui venait de sortir quelque peu malmené du procès de l'Affaire du canal de Panama.

 

 

224.                RAPPOPORT Charles (1865-1941) Ecrivain et homme politique russo-français, membre très influent du Parti Communiste Français de 1922 à 1938 - Photo in-4, avec dédicace A.S. ; «La Bêchellerie», 1919. Défraîchie. 300/400

Portrait en pied du célèbre militant communiste - qui, avant 1914, avait déjà rencontré entre autres Engels, Lenine, Martov et Trotsky - avec dédicace autographe signée à Anatole FRANCE chez lequel il avait été invité en cette année 1919 : «... Au Maître et Ami... affectueusement...» ; plus à droite, il ajoute : «et à la charmante Mlle Laprée, respectueusement...».

Depuis l'Affaire Dreyfus, Anatole France s'était mêlé aux luttes politiques ; il avait prêté son appui au Socialisme puis au Communiste naissant, mais il restait cependant toujours en dehors des partis et ses ouvrages, même les plus engagés, témoignent de sa méfiance à l'égard de tous les dogmatismes.

 

 

225.         RETZ, Paul de Gondi, Cardinal de (1613-1679) Ecrivain et homme politique français - L.A.S. «Le Cardinal de Retz - Archevesque de Paris», 3/4 p. in-4 ; (Paris), 1.V.1656. Plis renforcés. Rare. 600/800

«Je ne vous écris qu'un mot par cest ordinaire me reservant a cela dici a quinze iours pour vous response sus toutes choses. Ne doubtés point ie vous coniure que ie ne vous donne touiours avec ioie toutes les marques qui seront en mon pouvoir et de l'estime... et de la recognoissance que ie vous doibs...». L'ancien chef de parti termine sa lettre en envoyant ses «... baismains a tous nos amis (de la Fronde ?) que ie n'oublirai iamais...».

 

 

226.                RICHELIEU, Armand du Plessis, Cardinal de (1585-1642) L'illustre homme d'Etat du règne de Louis XIII. Fondateur de l'Académie française - P.S. «Richelieu», 2 pp. in-folio ; (Paris), 6.VIII.1622. 300/350

Acte notarié de deux pages (fragment) relatif à une rente et aux paiements des intérêts effectués ou reçus depuis 1607 par divers correspondants du feu Sieur de GASTINES, dont les époux de BREZE (le futur maréchal Urbain de MAILLE-BREZE et Nicole du Plessis-Richelieu, sœur du cardinal, décédée en 1635), les Sieurs Le JAY et AMELOT, Armand du Plessis-RICHELIEU, etc. Ce dernier, qui sera créé cardinal le 15.IX.1622, signe une apostille tracée sur ce document contenant les paraphes des quatre personnes cointéressées par le contenu de cet acte.

Beau document, bien qu'incomplet.

 

 

227.                RICHEPIN Jean (1849-1926) Poète bohème, auteur de la Chanson des gueux qui l'a rendu célèbre mais lui valut un mois de prison - L.A.S., 3 1/2 pp. in-8 ; Paris, 31.XII.1877. 200/250

A Nina de VILLARS, qui tenait à Paris un Salon réputé. Le jeune poète sort de prison et présente avec humour à sa «Chère Nina» ses plates excuses : «... Je suis le plus misérable des hommes, et j'ai un tas de crimes à me faire pardonner... Depuis tantôt trois mois je suis noyé sous des monceaux de copie... A chaque instant je me promets d'aller vous voir pour réparer les torts de mon inexcusable absence... Je vous expliquerai toutes mes batailles... D'ici à huit ou dix jours... le premier usage que je ferai de ma liberté sera d'aller passer auprès de vous les bonnes soirées que je me rappelle toujours...», etc.

Des dizaines de personnages illustres tels que Mallarmé, Chabrier, Verlaine, France, Mendés, Cézanne et Manet, fréquentèrent entre 1862 et 1882 le Salon d'Anne-Marie Gaillard, ex-Madame de Callias, alias «Nina de Villars».

 

228.         ROBBE-GRILLET Alain (n. 1922) Ecrivain, grand provocateur, «pape» du Nouveau Roman - Deux L.A.S., 4 pp. in-8 ; Paris, «Vendredi» et «Vendredi 17» (vers 1954/55 ?). 200/300

En 1955 Robbe-Grillet faisait paraître son Voyeur, roman contre lequel la critique au pouvoir devait bientôt se déchaîner, allant jusqu'à réclamer contre son auteur la correctionnelle et l'asile psychiatrique !

L'écrivain répond favorablement à un journaliste de la radio qui désire l'interviewer sur son œuvre, «... Mais vous savez que je ne suis pas très brillant, en général, au micro. Enfin, vous m'expliquerez bien ce qu'il faudra faire...». Dans cette perspective, Robbe-Grillet confirme l'envoi, en avant-première, de quelques pages de son nouveau roman : «... Jérôme Lindon (directeur des Editions de Minuit) vous a remis des épreuves du Voyeur qui ne comportent que peu de fautes typographiques. Néanmoins je crois préférable... rétablir, en la lisant, la page 9 dans son intégrité. Comme vous vous en apercevrez certainement, il manque en effet un assez long fragment... ; vous pourrez trouver ces lignes perdues sur la feuille dactylographiée...».

S'étant plaint auprès de son éditeur pour l'envoi d'un texte tronqué, l'écricain s'est vu «... accusé (comme d'habitude) d'attacher une importance excessive aux moindres virgules de mes petits travaux. Peut-être est-ce vrai... Mais sans doute y a-t-il là, aussi, une preuve de l'importance que j'attache à votre jugement...». Intéressante !

 

 

229.                ROLLAND Romain (1866-1944) Ecrivain et pacifiste. Il rencontra Gandhi et Gorki, s'efforçant de concilier la pensée de l'Inde et celle de Moscou. Prix Nobel en 1915 - L.A.S., 2 pp. in-8 ; Vendredi, 20.XI.1908. 100/150

«Madame... Ce serait un plaisir pour moi... de pouvoir passer une bonne soirée chez vous, avec nos amis Monod. Pour le moment je suis trop bousculé par le travail de rentrée, les cours qui recommencent, les livres à terminer...». Il est «... désolé de l'erreur que j'ai laissé passer dans mon livre, à propos de la Philharmonique, et que Edouard Monod m'a signalée. Elle est due à une fausse indication... venue de la Philharmonique même...». Il promet de la corriger dans la nouvelle édition de l'ouvrage (Musiciens d'aujourd'hui, 1908 ?).

 

 

230.         RUSKIN John (1819-1900) Eminent écrivain et historien d'art anglais. Son œuvre, étudiée et admirée par Marcel Proust, permit à ce dernier de mieux définir sa propre esthétique - L.A.S., 2 1/2 pp. in-8 ; Brantwood, Coniston, 1.IV.1886. Enveloppe autographe. 300/350

A la baronne Blaye de Bury, qui avait édité les «Mémoires» de la princesse Palatine. «... I cannot tell you how grateful I am for your letter...», lui écrit-il, déplorant que son message lui ait hélas également apporté la triste nouvelle de la disparition de Madame de Chabrillan. «... There is one thing surprises me... that neither Mme de C. nor Elise seem ever to have spoken to you of the Herne Hill Time, which hurts me...». Il pense avoir, à l'origine, commis un impair envers Mme des Roys «... by breaking a promise I had made in 1861 to go and visit her in her - Picardy ? - Chateau...», et souhaiterait obtenir des nouvelles de Madame Duquesne et de la princesse de Béthune si tant est qu'elles soient toujours de ce monde... «... Your telling me of the correspondance in early thought interests me extremely, especially the having liked Byron (Loved him, I mean, who can do less, who understands him). Will you please tell me more...», etc.

Ruskin était né dans le village agricole et tranquille de Herne Hill devenu par la suite un quartier de Londres ; depuis ses 29 ans et jusqu'en 1872, il avait habité une maison au sommet de la colline ; c'est là qu'il écrivit ses œuvres les plus importantes : Moderne Painters, The Seven Lamps of Architecture, The Stones of Venice, Sesame and Lilies et Unto this Last. C'est aussi à Herne Hill qu'en 1840 il avait rencontré chez le marchand d'art Thomas Griffiths son idole absolue, le peintre TURNER.

 

 

231.         SADE, Donatien, Marquis de (1740-1814) Ecrivain rendu célèbre par ses débauches et par les ouvrages que l'expérience d'une vie tumultueuse lui inspira - L.A.S., 2 pp. in-4 d'une écriture serrée ; «12 messidor» (Paris, 30.VI.1796). 2500/3000

Après trente années passées en prison, Sade est enfin libre depuis 1790 ; mis à part les 312 jours d'incarcération qu'il devra subir pendant la Terreur, il le restera jusqu'en 1801, quand la police de Bonaparte le fera enfermer à Sainte-Pélagie, puis à Charenton, sans procès et pour de simples raisons d'ordre public.

Nous sommes en 1796 et le citoyen Sade vit fort modestement. Il s'adresse ici à Gaufridy, gérant de ses biens, pour se plaindre amèrement et longuement de son sort injuste, des négligences injustifiables de cet homme d'affaires, de son insupportable abandon financier. Les seuls amis en qui il peut encore avoir confiance sont un ex-curé, un médecin et Madame QUESNET, sa compagne depuis sept ans.

Sade confirme l'arrivée des 400 Livres dont l'envoi avait été annoncé trente-trois jours plus tôt ; ainsi «... vous vous convaincrés... par cette circonstance que je n'ai pas tort quand je dis qu'on fait travailler mon argent pendant que je meurs de faim...» ! Il suggère, la prochaine fois, de se servir de la poste où il a «... des amis... qui ne me fairont jamais languir et qui ne me donneront pas d'écus neufs quand on leur en donnera des vieux...». Puis, sur un ton ironique et amer, il ajoute : «... Grâce à l'énorme somme que vous venez de faire le sublime effort de m'envoyer, j'ai de quoi vivre jusqu'au 15 juillet. Je vous prie donc, Monsieur, de presser prodigieusement et les 400 qu'il me faut pour finir juillet et les 800 au moins de la subsistance d'aoust et de vous bien graver dans la mémoire qu'il me faut 800 F par mois d'ici au 1er mai 1797...». Et Sade d'expliquer en quelques lignes les raisons de son ressentiment envers Gaufridy : «... S'il arrivait... que vous eussiez à vous plaindre de l'aigreur que l'état où vous me réduisez, me fait employer dans mes lettres, je n'aurois dans ce cas qu'une chose à vous dire pour ma justification. Je n'en ai pas écrite une seule qui n'ait été vue par les trois personnes... qui me rendent des soins ; le citoyen Laude, mon ami particulier, ex-curé de Vincennes... homme d'une douceur et d'une probité reconnue...», le docteur Gastaldy, médecin en chef de Charenton, et la citoyenne Quesnet, «... mon amie depuis sept ans... Tous trois sont témoins de mon état, tous trois gémissent sur l'abandon où vous me tenez...». L'écrivain s'étend ensuite longuement sur la façon dont son correspondant devra lui faire avoir sa provision de blé, «... douze quintaux de cette denrée nécessaire à ma provision annuelle... Je vous prie de répondre sur le champ... c'est très essentiel pour moi...».

 

Les dernières lignes de cette longue missive concernent le château de Lacoste ; Sade fait parvenir à Gaufridy : «... une note bien importante pour ce que j'ai à prétendre relativement au pillage de La Coste. Ne négligez pas cet essentiel article, je vous en supplie...», etc. Mis à sac par les paysans en septembre 1792, le château sera vendu en septembre 1796 à l'ex-conventionnel Joseph-Stanislas Rovère, de Bonnieux ; celui-ci déboursera 58.400 Livres, plus un pot-de-vin de 16.000 Livres que Sade fera verser à... lui-même !

Précieux document sadien.

 

 

232.             SAND George (1804-1876) Femme de lettres - L.A.S., 1 p. in-8 ; Nohan, 5.I.1860. 300/350

Missive signée «George Sand et Maurice», adressée à un critique pour le remercier de l'article encourageant qu'il a publié en faveur de la dernière pièce de théâtre de Maurice SAND («Masques et bouffons», jouée 1859 ?).

«Monsieur, je veux vous remercier pour mon fils, il était en train de vous écrire, je lui ôte la plume des mains. Vous avez été affectueux dans les encouragements... Ce n'est donc pas tellement le critique habile, c'est l'ami littéraire que je remercie...», etc.

 

233.         SALIS Rodolphe (1851-1897) Cabaretier et humoriste, il fonda avec Aristide Bruant le célèbre Chat Noir - L.A.S., 1 p. in-4 ; Paris, 22.I.1889. 100/150

Sur un papier à lettre du journal hebdomadaire Le Chat Noir, illustré de deux amusantes vignettes d'Adolphe Willette, Salis s'adresse à un «cher Maître» qu'il remercie en son nom et de la part de ses camarades : «... Je vous prie de bien croire que nous sommes tout à votre disposition...», etc.

Créé en 1881, le cabaret du Chat Noir fut l'un des grands lieux de rencontre du Tout-Paris et le symbole de la Bohème à la fin du XIXe siècle. La promotion de ce local fut assurée par le journal du même nom, dont Salis était l'un des fondateurs, offrant les mêmes divertissements que le cabaret. Cet hebdomadaire parut durant plus de dix ans (de 1882 à 1895) et incarna bien l'esprit «fin de siècle».

 

234.         SAINTE-BEUVE, Charles-Augustin (1804-1869) Ecrivain et critique littéraire - Deux L.S. dont l'une avec post-scriptum autographe, 2 pp. in-12 ; (Paris), 23.II et 29.IX.1869. 150/200

Messages écrits peu avant sa mort (dont l'un quatorze jours avant) : «... J'existe peu les soirs, et... ma journée expire vers 8 heures. C'est là où je ressens péniblement le défaut de santé. Je deviens de bonne heure avide de silence et de repos... J'ai vu M. Renan qui n'avait rien de nouveau, mais toujours parfaitement disposé...». Puis, quelques mois plus tard son état de santé s'étant aggravé et pouvant à peine dicter : «... Je vous remercie de ce 3me volume & le lirai dès que je le pourrai. Personne n'est plus apte que vous à plaider pour Benjamin Constant et je ne serais pas fâché de perdre à demi ma cause contre vous...».

Les textes sont de la main de son fidèle secrétaire, collaborateur et légataire universel, Jules TROUBAT (1836-1914).

 

235.         SAINT-SAËNS Camille (1835-1921) Compositeur - L.A.S., 2 pp. in-8 ; Paris, 1877. Pièce jointe. 150/200

Sur un papier à l'en-tête du Théâtre Italien - Salle Ventadour, Saint-Saëns prie un critique musical de faire paraître son programme dans le Journal de Musique, ainsi que dans le Rappel : «... Je compte un peu sur vous, je vous l'avoue naïvement. Nous nous verrons... à la Quenmission (Commission ?!)...».

Joint : L.A.S. du même, 1 p. in-8, accompagnant un envoi en faveur d'un protégé.

 

236.         SAINT-SAËNS Camille - L.A.S., 1 p. in-4 ; (Paris), 13.IX.1910. 200/250

«... Merci pour Nice, mais je ne veux plus, c'est fini !  - écrit Saint-Saëns à son ami Rey - Pour notre séance je veux bien du chant, avec Mme Augues à qui je ferai chanter des choses que l'on n'entend jamais. Pour le reste : Quatuor à cordes... Concerto de Mozart qui... finit dans la douceur. Scherzo à deux pianos. Mon deuxième Trio pour finir...».

Devant se rendre une semaine à Munich, il précise où intercaler les morceaux de chant dans ce concert lors duquel il accompagnera lui-même «... l'air de la lyre et la harpe et des lieder, choisis... parmi les moins usités...».

 

237.                SARTRE Jean-Paul (1905-1980) Ecrivain et philosophe. Prix Nobel en 1964, qu'il refusa - Manuscrit autographe, 10 1/2 pp. in-4 ; Paris, début 1954. 1500/2000

Texte de premier jet, raturé et corrigé, constituant l'essentiel des chapitres les plus importants de son article intitulé «Les Communistes et la Paix» (IIIe partie), paru dans Les Temps modernes en avril 1954. Dans ces onze feuillets de papier quadrillé, Sartre aborde notamment le problème de la division de la classe ouvrière, division se retrouvant selon lui entre les ouvriers qualifiés dont les intérêts s'expriment par le syndicalisme révolutionnaire, et les «O. S.» (ouvriers spécialisés) apparus avec l'automatisme. C'est sur l'O.S., autrement dit sur les masses, que se fonde un «humanisme du besoin».

 

«... La mécanisation du travail altère les relations humaines. Avant 14 le prolétariat était fait d'une multitude de systèmes... Aujourd'hui entre un O. S. et son voisin, la machine interpose sa rigidité... [elle] isole les individus et fait éclater les structures internes du prolétariat...».

«... Pour l'aristocratie ouvrière de 1900, l'homme est fait ; pour les masses d'aujourd'hui, il est à faire ; ... en revendiquant pour chacun, sans considération de mérite, le droit d'être humain, l'ouvrier non qualifié nous découvre l'humanisme du besoin... En elle-même la deuxième révolution industrielle réalise un progrès sur les formes antérieures de la production. Ce qui réduit l'ouvrier spécialisé à cette condition inacceptable, c'est l'entreprise que Friedmann a très heureusement nommée l'élimination de l'homme par l'homme...», etc.

Cet article sera repris, avec les deux précédents dans «Situations VI» que Sartre fera paraître chez Gallimard en 1964, peu avant qu'on lui décerne le prix Nobel, distinction qu'il refusa ainsi que les 250.000 couronnes suédoises qu'il représentait.

 

238.         SAXE, Maurice de (1696-1750) Maréchal de France, fils naturel du roi de Pologne, Auguste II. Grand stratège, il remporta la fameuse victoire de Fontenoy - L.S., avec quelques mots autographes, 1 p. in-8 ; Paris, 20.IV.1724. 250/300

Venu à Paris dès 1720, Maurice de Saxe tient un rôle important dans l'entourage du Régent Philippe d'Orléans († le 2.XII.1723).

Il écrit ici «à Mr le marqui de bressi» pour accompagner l'envoi d'une «... lettre de Monsieur le Comte de Lagnasco (l'officier sarde Alphonse TAPARELLI, époux d'une cousine du prince Eugène de Savoie) qui pourra vous servir du congé que vous m'aviés demandé...». Le futur maréchal a ajouté de sa main quelques mots de compliments, ainsi que l'adresse au bas de cette lettre destinée au marquis de La Forest de Brecy, officier de son régiment.

 

239.         SCRIBE Eugène (1791-1861) Auteur dramatique et librettiste - Cinq L.A.S., 6 pp. in-8 ; 1832/1858 ou s. d. Adresses. Pièce jointe. 150/200

Missives relatives à son activité littéraire, adressées à Basset, de l'Opéra-Comique (très belle, à propos des répétitions d'Aydée de Auber, 1847), à Halévy (projet avec Sauvage, 1858), à Duponchel (invitation «... avec vos amis et collaborateurs de Robert le diable...», 11.I.1832), à un confrère (rendez-vous) et à son «cher et aimable voisin» Millaud (au sujet d'une citation reçue du procureur impérial, 1854).

Joint : L.A.S., 4 pp. in-8, de Madame Scribe, veuve du librettiste. Séricourt, 1866.

 

 

240.         SIEYÈS Emmanuel-Joseph (1748-1836) Révolutionnaire, ancien chanoine, consul avec Bonaparte en 1799 - P.A.S., 1 p. in-4 ; (Paris), 4.VI.(1791). 400/500

Depuis le 1er janvier 1791, la dîme étant supprimée, les curés sont pris en charge et payés par l'Etat, cela en application de la Constitution civile du clergé votée en juillet 1790 par l'Assemblée Nationale.

Alors administrateur du département de Paris (févr./oct. 1791), Sieyès adresse à l'Assemblée Nationale une pétition officielle en tant que membre du directoire local : «Le directoire instruit que son mémoire ou requête officielle concernant les frais de culte dans les 33 paroisses de Paris... adressé le 26... n'a pas encore été communiqué à l'Ass.blée n.ale, arrête qu'attendu la nécessité pressante de la loi...» une nouvelle démarche soit faite auprès de son président.

Lorsque Sieyès rédige cette lettre, Paris est au bord d'une guerre civile religieuse ; la foule voit dans les prêtres insermentés des ennemis de la Nation. Le 9 avril, trois sœurs du couvent de Saint-Vincent-de-Paul sont fouettées à mort. Le directoire parisien est hostile à ces violences et une minorité soutenue par Sieyès et l'ancien évêque Talleyrand souhaite le maintien d'une église libre à côté de celle constitutionnelle. Les «patriotes» ne l'entendaient pas de cette oreille et l'Assemblée Nationale, de son côté, craignant d'être désavouée par ces mêmes «patriotes», traînait les pieds - ainsi qu'en témoigne notre document - pour concrétiser les décisions prises, notamment en ce qui concernait les frais de culte dans les 33 paroisses de Paris. Le 18 avril suivant, Sieyès soutiendra, lors d'une séance très animée de l'Assemblée Nationale, la défense de l'arrêté du directoire du département de Paris, autorisant les particuliers à louer des bâtiments pour y pratiquer le culte de leur choix ; l'examen de cet arrêté sera renvoyé au comité de constitution...

 

 

241.                STENDHAL, Henri Beyle, dit (1783-1842) L'illustre écrivain grenoblois. Son chef-d'œuvre Le rouge et le noir ne connaîtra le succès que longtemps après la disparition de son auteur - L.A., non signée, 3 pp. 4° ; (Brunswick), 16.XII.1806. Adresse autogr. et marques post. en IVe page. 3500/4000

Merveilleuse lettre à sa sœur bien-aimée Pauline (1786-1857), chez «Monsieur Beyle - pour Mademoiselle sa fille aînée - A Grenoble - izère».

Le bonheur ne durant jamais que le temps d'un bonheur, Stendhal s'est vite lassé des charmes un peu monotones de Mélanie. D'importants événements se préparent (Campagne d'Allemagne) et l'écrivain obtient d'accompagner Martial Daru à Berlin, avant de se déplacer à Brunswick sous les ordres de l'intendant des domaines de l'empereur.

«... Le bonheur de penser à toi est un des plus grands qui me restent, tu es la seule femme que j'estime et avec qui je me permette d'avoir les sentiments que toutes celles qui sont jolies m'inspiraient il y a quelques années...». Mis à part sa sœur, les femmes se résument pour lui, telle Madame du Châtelet, à «... quelques idées, beaucoup de vanité et une âme non réellement sensible, mais poursuivant les plaisirs de la sensibilité...» et l'unique reproche que l'écrivain serait tenté de faire à Pauline est celui de laisser ses lettres sans réponse ; ainsi, l'exhorte-t-il «... vaguement à la patience et à subir la 1re punition d'un esprit et surtout d'une âme supérieure, celle de s'ennuyer de tout ce qui amuse les âmes pigmées qui t'environnent...». Une autre conséquence de cette supériorité est celle de n'être pas compris par les femmes : «... on ne pourrait jamais faire comprendre à un Domestique la grâce que les gens ordinaires de la Société trouvent dans vingt passages des fables de Lafontaine, de même ces gens de la société ne comprennent pas la grâce plus grande qui est dans 20 autres endroits... bien supérieurs aux premiers. Ces endroits leur semblent obscurs, ou exagérés ou niais, pas assez soignés... et soigné voulait dire là élégant...».

Suivent quelques réflexions typiquement stendhaliennes : «... Il faut donc qu'une grande âme soit elle-même la source de toutes ses jouissances. Chamfort a dit : on ne va point au marché avec des lingots, mais avec de la monnaie de Billon (on désignait alors ainsi la monnaie divisionnaire de bronze). Il ne faut donc pas s'attendre à être senti et à entendre des choses qui touchent vraiment. Ce bonheur m'arrive actuellement mais c'est la première fois depuis longtemps... Adieu...», etc.

Neuf jours plus tard, à Noël, Stendhal partait pour Paris, chargé d'une mission par le gouvernement et l'intendant Daru. Ce

[Suite lot Stendhal n° 241] voyage lui ayant été annoncé autour du 16 décembre, la perspective d'un retour en France explique sans doute le «bonheur» qui envahissait Stendhal en rédigeant la fin de sa lettre...

Publié dans la Pléïade sous le n° 145 d'après une édition de 1892 des Lettres intimes, le texte de cette missive présente de nombreuses variantes par rapport à l'autographe, notamment dans la ponctuation ; quelques mots ont également été oubliés ou ont été mal déchiffrés et l'adresse autographe y est absente.

 

242.         SULLY-PRUDHOMME René-Fr.-Armand  (1839-1907) Poète, prix Nobel en 1901 – Manuscrit A.S. et L.A.S., 2 pp. in-8 ; Paris, 12.IX.1882. 400/500

Elégiaque de la nuance intimiste, Sully-Prudhomme exprima sa mélancolie et ses angoisses amoureuses dans ses poèmes, dont nous avons ici, transcrit de sa main, l'un des plus beaux : Les Yeux. En voici le premier quatrain :

 

«Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,

Des yeux sans nombre ont vu l'aurore ;

Ils dorment au fond des tombeaux,

Et le soleil se lève encore...», etc.

Extrait du recueil La vie intérieure, ce poème est accompagné d'une lettre où Sully-Prudhomme avoue être «... sensible à ce témoignage flatteur de votre sympathie pour mes poésies, je le suis plus encore à la satisfaction très douce d'avoir pu apporter quelque soulagement à un cœur éprouvé...».

1882 est l'année où Sully-Prudhomme fit son entrée à l'Académie Française.

 

243.                TAILHADE Laurent (1854-1919) Poète anarchiste, lié à Verlaine, Moréas et Samain – Poème A.S., 1 1/2 pp. in-8 ; (Paris), 14.VII.1897. Deux pièces jointes. 250/350

Curieux poème où l'on retrouve la verve satyrique de Tailhade qui semble avoir rédigé ou offert ces 21 vers «... en hommage à François Coppée...». Nous en transcrivons ici le début et la fin :

 

«Le Quatorze juillet et ses chevaux de bois,

Ses gainches où les bons pochards, saouls de pivois,

Enlacent, pour l'en-avant-deux, leurs maritornes,

Pendant que les cocus vous aërant leurs cornes,

me charment...

 

................................................

 

Et c'est pourquoi, quand vient la date fatidique

Où la junte des manezingues se syndique

Pour abreuver de furfurol le populo,

Je pisse à mon balcon, ainsi qu'au bord de l'eau

Quelque tremble où le soir ému se décolore

Un étendard fait de flanelle tricolore».

On joint  une L.S. de 1903 que Tailhade adresse au Mercure de France, ainsi qu'une autre émanant de la veuve du poète (1923, au même destinataire) qui est convaincue de la valeur des œuvres de jeunesse de son époux et voudrait les voir publiées.

 

244.                TALLEYRAND, Charles-Maurice de (1754-1838) Prince de Bénévent, fin diplomate - L.S. «Ch. Mau. Talleyrand», 1 p. in-folio ; Paris, 16.III.1801. Adresse et marques postales («M.tre des Relations Extérieures», et petit cachet rond). En-tête imprimé avec vignette. 250/350

 

Il tente de récupérer auprès du «... Citoyen Dufau, Commissaire du Gouvernement près le Conseil des prises», une lettre (compromettante ?) qu'il aurait écrite à propos du Portugal.

«J'apprends... par une voye non suspecte, que, dans le dossier relatif au navire La Maria Arendtz, il se trouve une lettre signée de moi dans laquelle il est dit qu'à l'époque du 17 nivose an 6 [6.I.1798] le Portugal était, relativement à la France, Puissance neutre. Veuillez... faire rechercher cette lettre et, si elle existe, la remettre au porteur...» contre un reçu.

Selon Orieux, l'un des biographes de Talleyrand, l'habileté de ce dernier pour expurger les dossiers «... était un des moindres talents de notre personnage...», notamment au début de l'année 1798 lorsqu'il sauva Madame Grand de l'accusation de trahison et obtint sa libération grâce à Barras, auquel Talleyrand avait déclaré ouvertement qu'il faisait cela par amour pour cette dame.

 

 

245.                TALLEYRAND Charles-Maurice de - L.A.S. «Tall.», 2 pp. 8° ; (Londres), 6.II.(1832). 500/800

Le traité définitif réglant l'affaire belge avait été signé en novembre 1831. Son artisan, Talleyrand, fut félicité par le roi alors que l'opinion publique exprimée par la presse le couvrit d'injures, de moqueries, de basse calomnie.

Cette lettre, adressée au début de l'année 1832 par l'ambassadeur de France à Londres à une demoiselle dont il s'inquiète d'être sans nouvelles, semble bien se rapporter à cette affaire : «... La nuit du 2 février a dû être une nuit d'angoisse ; et quoique le danger n'ait été connu que lorsque déjà il n'existait plus, vous avez dû avoir des heures bien pénibles. Il est bien dûr quand on ne songe... qu'à faire du bien, de rencontrer à chaque pas, des difficultés, des haines, des intrigues de tout genre...». Et plus loin : «... Je vous conjure... de ne pas me laisser sur ce qui est d'un tel intérêt pour vous, dans une ignorance complète... Je ne suis guère en train de vous parler de nouvelles, c'est bien assez d'avoir à écrire une dépêche. Cependant je dois vous dire que nous nous croyons sûrs d'avoir les ratifications des trois puissances avant le 10 mars...», etc.

 

 

246.                VALÉRY Paul (1871-1945) Poète - L.A.S., 2 pp. 8° ; Paris, 16.II.1933. Envel. autogr. 200/250

A son vieil ami le poète et critique musical Yves-Georges LE DANTEC (1898-1958), concernant la prochaine réunion d'un Comité dont ils étaient l'un et l'autre membres. «... A propos du Comité, mon confrère Abel Hermant désire qu'on n'oublie pas qu'il en fait partie...» et qu'on lui adresse donc les convocations, notifications, etc.

Paul Valéry a lu «... avec plaisir ce que vous avez donné au Correspondant au sujet de l'Idée Fixe  (publiée en 1932)... Je ne m'attendais pas que vous en parliez si aisément dans cette Revue... Je vous avoue que je ne suis pas fou du livre dont vous parlez aussi et qui me concerne. L'auteur (René Fernandat) est un très digne homme, qui me veut le plus grand bien du monde, et moi à lui. Mais, mais, mais...», etc.

En 1930, Valéry avait publié «Propos sur la Poésie, suivis d'une lettre de René Fernandat».

 

 

247.                VALÉRY Paul - L.A.S., 1 p. in-8 ; [Paris, 28.III.1934]. Enveloppe. 150/200

«... Je ne vois pas d'objection à l'édition de mes Poésies dans la collection dont vous me parlez. - écrit-il au poète et critique littéraire Yves-Georges LE DANTEC (1898-1958) - Mais qu'en dit Gallimard ?... Quant aux adjonctions, nous en causerons à mon retour... Je pars demain... Quant au repos, c'est une autre affaire. Je ne sais plus ce que c'est...».

 

 

248.                VALLETTE Alfred (1858-1935) Ecrivain, journaliste et éditeur - Manuscrit A.S., 9 1/4 pp.in-8 ; Paris, octobre 1891. 250/300

Intéressant article, extrêmement critique, concernant le dernier ouvrage de Jules HURET intitulé «Enquête sur l'Evolution littéraire».

«... Ce sont des conclusions humoristiques que, avec un évident souci, d'ailleurs, de paraître avoir été dupe de toutes les théories qu'il écouta, M. Jules Huret tire de son Enquête ; et, en vérité, les choses qu'il note en sa préface sont fort topiques... L'intervieweur méditait renseigner le public sur l'orientation de la littérature : il n'a fait que l'éclairer sur l'humeur des poètes contemporains...».

«... au jardin d'Academus... sont réunis les Soixante-Quatre, gloire et lumière du monde entier... au milieu d'eux paraît un jeune homme... il vient recueillir la bonne parole. Naturalistes, Psychologues, Symbolistes, Décadents, Evolution, Idéalistes, Mystiques... et, une tablette de papyrus en main, il recueille le verbe précieux. M. Barrès : Ceux qu'on appelle aujourd'hui Symbolistes n'ont guère encore produit qu'un livre, le Pélerin Passionné de Jean Moréas... M. Morice : D'ailleurs, Moréas n'est pas un Symboliste... M. Zola : Qu'est-ce que c'est que Moréas ? Qu'est-ce qu'il a donc fait... pour avoir un toupet aussi énorme ? Victor Hugo et moi, moi et Victor Hugo... Il (Moréas) a écrit trois ou quatre petites chansons... C'est de la poésie de bocal ! M. Moréas : Zola ?... C'est un bon gros romancier, comme Eugène Sue. Il n'a aucun style... Pour les romanciers naturalistes, ils sont trop illettrés... M. Verlaine : Je suis un oiseau, moi (comme Zola est un bœuf...) ... Les Symbolistes aussi... M. Ajalbert : Les Symbolistes ! Ils sont Grecs, Espagnols, Suisses, Belges !... M. Leconte de Lisle : Tous fumistes, ces jeunes gens !... M. Tailhade : ... M. Alexis : ... Chœur de voix : Le Naturalisme est mort, mort, mort !...», etc.

Et Valette de conclure qu'après cette période «... fleurira sans doute le néo-naturalisme, ... un réalisme moins puéril, moins grossier, plus savant et plus vaste...», etc.

 

 

249.                VERLAINE Paul (1844-1896) Poète dont la musicalité des vers a inspiré des compositeurs tels que Fauré, Debussy, Ravel et Stravinsky - L.A.S., 1 p. in-4 ; (Paris, 1889 ?). 1200/1500

 

C'est sur une grande feuille de papier de l'hôpital Broussais, où le poète séjourne à nouveau, sous la protection du docteur Chauffard qui l'estime hautement et lui ménage une vie dorée, que Verlaine rédige cette lettre - apparemment inédite - destinée à Monsieur Bonnamour, un collaborateur de Léon DESCHAMPS.

Il l'interroge sur la revue La Plume, dont Verlaine va jusqu'à mettre en doute la survie ! «... Je n'en sais rien que par ouï-dire, car rien reçu depuis des éternités...». Il souhaiterait qu'on lui en fasse le service et qu'on lui en procure «... si possible... une collection...». Etant à crans avec Vanier, il n'a plus de rapports depuis deux mois avec ce «bibliopole»: «... Connaissez-vous (ceci entre nous) un imprimeur commode ? Informez...».

En post-scriptum, il ajoute l'adresse complète de l'hôpital Broussais («... rue Didot, 96 - dans la rue d'Alésia - quartier de Plaisance - Salle Lasègue, n° 31...»), précisant qu'il est visible «... tous les jours de 1 à 3...»

A partir de 1889, Verlaine collabora assidûment à la revue La Plume, dirigée par Léon Deschamps. C'est grâce à ce dernier qu'il put éditer ses Dédicaces, un bouquet de sonnets offerts à ses amis, après que Léon Vanier l'eût laissé tomber. La présente lettre à Bonnamour date de cette époque, assez mal vécue par Verlaine, enfoncé dans la pauvreté.

 

250.         VIGNY, Alfred de (1797-1863) Ecrivain, auteur dramatique et romancier, il tomba éperdument amoureux de l'actrice Marie Dorval - Manuscrit A.S., 2 pp. in-4 obl. ; (Paris, vers 1847). 4000/5000

«La Nature - Fragment de : La maison du Berger - Poëme».

 

Très bel extrait de 32 vers, tiré de la IIIème partie de ce poème et commençant par la célèbre supplication :

«Ne me laisse jamais seul avec la Nature

car je la connais trop pour n'en pas avoir peur.

Elle me dit : Je suis l'impassible théâtre

Que ne peut remuer le pied de ses acteurs ;

Mes marches d'émeraude et mes parvis d'albâtre,

Mes colonnes de marbre ont les Dieux pour sculpteurs,

Je n'entends ni vos cris ni vos soupirs ; à peine

Je sens passer sur moi la comédie humaine

Qui cherche en vain au ciel ses muets spectateurs»,

........................................................

 

Et Alfred de Vigny termine par ces vers admirables :

«Et je dis à mes yeux qui lui trouvaient des charmes :

Ailleurs tous vos regards, ailleurs toutes vos larmes,

Aimez ce que jamais on ne verra deux fois.

Oh ! Qui verra deux fois ta grâce et ta tendresse,

Ange doux et plaintif...».

Rappelons que Vigny n'a écrit qu'un seul poème d'amour : La Maison du Berger, l'un des plus beaux poèmes romantiques. D'une longueur exceptionnelle (336 vers), le plus long du recueil des «Destinées», il avait été composé en 1844 et dédié «A Eva», antithèse de Dalila ! Il nous montre que l'homme peut trouver quelque remède à ses maux dans l'amour, un amour fondé tout entier sur la tendresse et la mutuelle compassion.

Une des plus belles pages de la poésie française !

 

251.                VILMORIN, Louise de (1902-1969) Poète, amie de Saint-Exupéry et de Malraux – Trois manuscrits autographes, 3 pp. in-4. 100/150

Dernière page d'un texte dactylographié, signé à la fin par Louise de Vilmorin qui a ajouté au-dessous son typique quatre-feuilles dont la tige se termine par un «L». - Feuille datée «Vendredi», portant une légende de trois lignes («Tu l'as dévoré ! Cruelle ! Méchante ! - C'était Vendredi Saint !...») sous un dessin représentant une grande arête de poisson - Feuille avec, en tête, le dessin d'une assiette qu'accompagne un texte humoristique de onze lignes.

 

 

252.                VOLTAIRE, François-Marie Arouet, dit (1694-1778) Ecrivain et philosophe, ami et correspondant de Frédéric le Grand - Important dossier constitué d'une L.A. (1 p. in-8), d'un manuscrit en partie autographe (17 pp. in-folio) et de la copie d'une réponse à Voltaire (1 p. in-4) ; (Paris, 16.V.1749). 12000/15000

De retour de Cirey, Voltaire s'installe à Paris, rue Traversière-Saint-Honoré. Il travaille à son Histoire de la guerre de 1741, qu'il veut offrir au roi, et participe par écrit à la bataille du «vingtième», droit perçu par le seigneur d'un fief sur les fruits des terres de ses tenanciers, à l'effet de subvenir aux frais de construction et d'entretien des murailles des villes et châteaux forts...

Dans sa lettre, adressée à Hilaire ROUILLE du Coudray, intendant des Finances, accompagnant son manuscrit, Voltaire écrit : «... Voyla ce qu'un citoyen fort zélé et peut-être un peu bavard avoit grifoné il y a quelques jours. Si cela amuse Mr du Coudray, s'il daigne en amuser un moment Mr le Controlleur général, le bavard sera très honoré... Quand il s'en sera ennuyé...», il pourra renvoyer le tout à Paris «... dans la rue Traversine...» où le philosophe partage une maison, louée à l'année, avec son amie et maîtresse Madame du Châtelet.

Dans son long «mémoire», rédigé sous forme de lettre adressée «... à M. le Président de...» dont l'actualité du contenu frappe autant pour le sujet traîté que pour les arguments invoqués, Voltaire prend la défense de cet impôt, démontrant son utilité pour le bien public et soulignant combien les riches sont indispensables à la survie des pauvres. «... Vous vous souvenez de la journée que j'eus l'honneur de passer avec vous lorsque l'on fit la revue des gardes. Parmy les carosses brillants, dont la plaine étoit couverte, le vôtre fut remarqué, et parmi les diamants dont les dames étoient parées, ceux de madame votre femme furent vûs avec admiration. Au retour nous descendîmes chez vous... on joua quelques temps dans ce magnfique salon que vous avez orné avec tant de goust, il y eut environ trois cent Louis de perte, et la guaité de la compagnie n'en fut point altérée. Les gagnants payèrent les cartes selon l'usage vingt fois au dessus de ce qu'elles coutent. Nous soupâmes ensuitte... votre vaisselle frappa tout le monde... vos doubles entrées furent encor plus aplaudies...». On loua le cuisinier et tous les présents s'accordèrent sur le fait qu'il méritait 1500 Livres de gages, «... ce qui fait cinq cent francs de plus que ce que vous donnez au précepteur de Mr votre fils...» ; et de ces soupers, à Paris, «... il y [en] avoit cinq ou six cents qui ne cédoient guère au vôtre...», etc.

Cependant, un trouble-fête «... prit ce temps là assez mal à propos pour dire qu'il y avoit aussy dans le quatrième étage bien des familles qui faisoient mauvaise chère. Nous luy fermâmes la bouche, en luy prouvant qu'il faut absolument qu'il y ait des pauvres...» et que le train de vie du maître de maison «... suffisoit pour faire vivre dans Paris deux cents ouvriers au moins...».

On observa ensuite que ce qui rend la Capitale «... la plus florissante ville du monde...» ce sont bien les riches et leurs «... maisons particulières où l'on vit avec une aisance inconnue à nos pères... Comparons en effet Paris avec Londres qui est la rivale en étendue de terrain et qui est assurément bien loin de l'être en splendeur, ... commodités recherchées, en agréments, en beaux arts...». Plus bas, il poursuit : «... Il se mange en un soir à Paris plus de volaille et de gibier que dans Londres en une [Suite lot Voltaire n° 252] semaine. Il s'y brûle peut-être mille fois plus de bougie... Je ne parlerai point des autres capitales : Amsterdam... pays de la parcimonie ; Vienne et Madrid... villes médiocres... En faisant ces réflexions nous jouissions du plaisir de nous rendre compte de notre félicité : et si Londres a... des flottes plus nombreuses, Amsterdam de plus grands magazins...», etc., Paris reste la ville où un aussi grand nombre de citoyens profite de tant d'abondance, de commodités et d'une vie si délicieuse.

Selon Voltaire, il faut donc, en contre-partie, accepter de payer ce fameux impôt du «vingtième» afin de favoriser encore le développement de l'économie du pays : «... Les provinces et la capitale et les campagnes étoient-elles plus florissantes quand les ennemis vinrent jusqu'à l'Oise du temps du Cardinal de Richelieu, quand il prirent Amiens sous Henry quatre... songez aux guerres civiles, aux guerres des anglais... aux temps où les grands chemins étaient couverts de ronces, où l'on criait dans Paris : terrains abandonnés à vendre...». Un citoyen «... très éclairé et très sage...» a évalué «... toutes les impositions, ventes d'offices et droits de toutes espèces prélevés par Louis XIV...» à dix-huit milliards, soit 200 millions 500.000 livres par an. A sa mort, les dettes de l'Etat s'élevaient à plus de deux milliards. Mais cette dette «... donna-t-elle à l'Etat de plus violentes secousses qu'il n'en reçut du système de Law...» ?

Justement établi et ne gênant point le commerce, le prélèvement du «vingtième» est «... une partie de son bien qu'on dépense pour faire valoir l'autre... Je possède une terre sur laquelle je paye des droits à l'Etat. Ces droits servent à me faire payer exactement mes rentes, mes pensions, à me faire débiter avantageusement les denrées que ma terre me fournit...». L'écrivain insiste aussi sur l'égalité de répartition de cet impôt et le bon usage que l'on en peut faire : «... Si le Roy se sert de cet argent pour acquitter des dettes, pour établir une marine, pour embellir la capitale, pour achever le Louvre, pour perfectionner ces grands chemins qui font l'admiration des étrangers, pour soutenir les manufactures et les beaux-arts... il faut avouer qu'un tel impost... aura produit un très grand bien à tout le monde. Le peuple le plus heureux est celuy qui paye le plus et qui travaille le plus quand il paye et travaille pour lui-même...».

 

Voltaire a apporté de sa main diverses corrections au texte de ce long manuscrit ; il en a également rédigé les vingt-trois lignes de la fin : «... j'ajouteray qu'on m'a assuré que le roy avait proposé luy-même de diminuer les dépenses de sa propre maison, mais que produirait cet excès de bonté, le retranchement peut-être d'un milion par an ?... Il y aurait, j'ose le dire, bien peu de justice et de raison à prétendre que les dettes de la nation pussent être payées autrement que par la nation... je ne prétends en parlant ainsi ny déplaire à personne, ni faire ma cour à personne ; je parle en bon citoyen qui aime sa patrie...», etc., etc.

A l'angle du premier feuillet du Mémoire se lit cette note : «... Cecy est de Voltaire écrit de sa propre main [non, ce n'est qu'en partie autographe] qu'il a fait remettre au Suisse de Mr Du Coudray [Hilaire ROUILLÉ DU COUDRAY, intendant des Finances sous les ordres de son beau-frère le contrôleur général Machault], désirant qu'il le remette à Mr de Machault... lequel je pense, ne s'en souciait point, ce qui fait que je ne lui ay point remis» ! Le texte de ce Mémoire fut en fait dicté par Voltaire à son secrétaire d'alors, Sébastien LONGCHAMPS ; le philosophe a précisé de sa main au début : «Lettre à l'occasion de l'impost du vingtième - à M. le président de...», puis ajouté la date, «le 16 may».

Ce manuscrit provient de la collection du comte H. de La Bédoyère, qui le publia (ainsi que le billet de Voltaire ci-dessus décrit) en 1829 (tome VI des Mélanges de la Société des Bibliophiles) ; il figure dans le catalogue de sa vente (1862, n° 70). Puis il parut dans l'édition L. Moland des Oeuvres de Voltaire (1880), tome 23, pp. 305-311 ; et dans l'édition Th. Besterman de la Pléïade, tome III, pp. 50-56.

A la lettre et au Mémoire sont jointes deux autres pièces :

1) ROUILLÉ DU COUDRAY : «Réponse à Mr de Voltaire le 25 May 1749 en Réponse d'une Lettre qu'il m'avait écrite en forme de Mémoire ou de dissertation sur les Edits qui établissaient le 20e et en ordonnaient la perception». «Le stile... découvre la plume d'un homme qui n'ignore que ce qui n'est pas, que dis-je ?, d'un esprit de Lumière et de Feu qui vole rapidement au But que l'on s'est proposé dans les deux derniers Edits du Roy», mais le mémoire n'était pas signé, et Du Coudray ajouta :

«pourquoy ne pas signer l'Apollon de la France

Le Favory des Dieux, dès sa plus tendre Enfance

C'est en vain que l'on cherche à me cacher un Nom

que les Muses voudraient adopter pour Surnom.»

2) Chemise du XIXème où l'on peut lire : «Lettre de Voltaire écrite de la main de son secrétaire Longchamp, avec de nombreuses corrections de la main de l'auteur».

Ensemble exceptionnel de par sa longueur et l'argument traité. Le manuscrit de ce Mémoire, dont on avait perdu la trace depuis longtemps, présente quelques variantes par rapport au texte imprimé.

 

253.                VOLTAIRE, François-Marie Arouet, dit - L.A.S., 2 pp. in-8 ; Ferney, 28.IX.[1771].1500/2000

 

Septuagénaire, exilé volontaire à Ferney depuis une douzaine d'années, Voltaire vit là en souverain de l'esprit, recevant l'élite européenne avec l'assistance affectueuse de sa nièce Madame Denis ainsi qu'en témoigne cette lettre adressée à Louis-Jean Berthier de SAUVIGNY (1709-1788), premier président au parlement de Paris, alors de passage dans la région en compagnie de son épouse.

«... il n'y a que ma vieillesse et mon état languissant qui aient pu m'empêcher de venir vous faire ma cour aussi bien qu'à Madame de Sauvigni. Si nous pouvions nous flatter que vous voulussiez bien nous faire l'honneur de venir dîner dans notre mazure de Ferney, nous serions ma nièce et moy comblez de cet honneur...». Madame Sauvigny étant souffrante, l'écrivain «... espère qu'elle n'aura pas des suittes assez sérieuses pour nous priver de la grâce que vous voulez bien nous faire...» ; il les attendra donc le lendemain à dix heures.

Texte publié dans la Pléïade sous le numéro 12.533 à l'exception des quelques lignes de compliments qui précèdent la signature.

 

 

254.                VOLTAIRE (Le père de) - P.S. «Aroüet» par  François AROUET (1650-1722), notaire et père de l'écrivain, 1 p. in-4 obl., vélin ; Paris, 23.II.1701. 150/200

Pièce signée en sa qualité de «Receveur des Epices de la Chambre des Comptes...» où François Arouet reconnaît avoir reçu du «... Payeur de la Treizième partie des rentes de l'hotel de la Ville de Paris la somme de dix mil quatre vingt deux livres neuf sols six den.s pour les Epices de son Compte...», etc.

Notons qu'en droit ancien français, on appelait «épices» tout présent en nature ou en espèces que les plaideurs faisaient à leurs juges. Ces cadeaux pouvaient être des dragées, confitures, ... épices. Mais cette offrande volontaire devint dès le XVème siècle une vraie taxe et les magistrats, achetant fort cher leur charges, cherchaient à leur faire rapporter davantage en élevant toujours plus le chiffre des «épices». Cette détestable pratique ne sera supprimée qu'en 1789.

 

 

255.                WALLACE Richard (1818-1890) Philanthrope anglais à Paris, ville à laquelle il offrit cent fontaines d'eau potable ! Important collectionneur d'art - L.A.S., 3 pp. in-8 ; «Samedi matin» (vers 1865). 200/250

Son beau-père, le marquis d'Hertford, ne pouvant hélas sortir de sa chambre et désirant beaucoup voir quelques toiles, Richard Wallace demande au marchand d'art parisien DURAND-RUEL s'il serait possible «... de lui envoyer à Bagatelle... les douze tableaux dont je vous laisse les numéros. La même voiture les rapporterait à Paris le même jour ; cela ne serait que l'affaire d'un couple d'heures. Bien entendu Mr le Marquis payerait le transport...».

C'est dans un immeuble appartenant à Lord HERTFORD (1800-1870) que Louis Martinet ouvrira une galerie où seront exposés en 1863 des tableaux de MANET et des gravures de WHISTLER. Dès 1835, Lord Hertford avait accumulé à Bagatelle une collection d'œuvres d'art complétée par les acquisitions de Richard Wallace, son fils adoptif: Sous la Commune, la collection Wallace émigra pour toujours à Londres...

 

 

256.                WELLINGTON, Arthur Wellesley, duc de (1769-1852) Célèbre chef militaire anglais, adversaire de Napoléon en Espagne puis à Waterloo, bataille qu'il remporta. Deux fois Premier ministre - L.A.S., 2 1/2 pp. in-8 ; Walmer Castle, 21.VIII.1829. Pièce jointe. 200/250

Jolie lettre où le chef du gouvernement anglais témoigne d'une attention toute particulière envers une duchesse ! «... Je vous assure que je regrette que mon départ de Londres m'ait empêché de vous faire ma cour avant que vous ayez quitté cette ville. Le Roi [George IV] m'a beaucoup parlé de vous. Si j'avais connu le moment de votre départ je vous aurois prié de venir passer un jour avec moi, ici. J'aurais été charmé de vous montrer ce joli site...», etc.

Message écrit du château de Walmer, la résidence d'été de Wellington qui y mourut en 1852.

Joint : Billet A.S., en espagnol, de l'amiral W. Sydney SMITH (1764-1840), demandant qu'on lui renvoie l'épée oubliée dans un appartement «... dos dias antes de la venida del Rey...».

 

 

257.         WELLS Herbert George (1866-1946) Romancier anglais dont l'œuvre évoque tous les problèmes de la civilisation moderne : La machine à explorer le temps, L'homme invisible, La Guerre des mondes, etc. - L.A.S., 1 p. in-4 ; «Friday» (Londres, 28.X.1916). Enveloppe autographe. 200/250

«Dear Miss Poulain, I am very sorry to have missed you today. I expect you to ring me up... I go... to Easter tomorrow and I shall be back in London after Thursday next...».

Marqué par la Première Guerre mondiale, Wells publia «Mr Brittling commence à y voir clair» (1916). Les autographes de cet auteur d'œuvres d'anticipation sont rares.

 

 

258.         ZOLA Emile (1840-1902) Romancier, chef de l'école «naturaliste» - L.A.S., 1 p. in-8 ; Paris, 17.IV.1868. 700/800

Missive écrite à l'âge de 28 ans au publiciste Adrien MARX qui venait de fonder L'Evénement, journal «à deux sous» auquel Zola avait promis de collaborer.

 

«... Voici la première des lettres dont je vous ai parlé. Elle est un peu adoucie et toute littéraire : je n'ai pas voulu effrayer vos lecteurs dès le début...», souligne Zola qui demande à rester secret, «... car je compte égratigner quelques uns de mes amis...» ! Il charge son correspondant de veiller à la correction des épreuves, sollicite l'envoie de L'Evénement et ajoute qu'il lui semble «... tout singulier d'écrire avec vous dans un journal de ce titre. Cela me rappelle la rue Coq-Héron...».

Cette lettre pourrait se rapporter à l'article intitulé «Nos Poètes» ; elle ne figure pas au vol. II de la «Correspondance». éditée en 1982 par Les Presses de l'Université de Montréal.


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